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« Le jour J, tu n’as même pas besoin de t’échauffer »

Propos recueillis par Théo Denmat
10 minutes
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Ils ont joué pour l'un, pour l'autre ou pour les deux. Michel Der Zakarian, René Girard et Gary Bocaly ravivent la flamme de leurs souvenirs à quelques heures des nouvelles étincelles entre Montpellier et Nîmes. Quitte à s'excuser pour leur langage fleuri.

Casting :

Michel Der Zakarian : dernier buteur montpelliérain lors d’un derby joué en première division, en 1993, et actuel entraîneur du MHSC.René Girard : entraîneur, champion de France avec le MHSC en 2012, et ancien joueur de Nîmes (1972-1980, puis 1988-1991).Garry Bocaly : Ancien joueur, champion de France avec le MHSC en 2012.


Quel est votre souvenir le plus marquant du derby ?Garry Bocaly : J’en ai joué deux, l’année où Montpellier est remonté en Ligue 1 (en 2008-2009, N.D.L.R), donc les deux matchs : aller et retour. C’est vraiment un match attendu par les supporters, et par le club aussi. J’ai d’abord le souvenir d’une superbe ambiance, notamment à la Mosson. On avait fait match nul 1-1. En revanche, au retour, on avait perdu chez eux (2-1), et après cette défaite, tout le monde pensait que c’était fini. On n’allait pas réussir à monter. Tout le monde attendait ce match, on avait notre statut de favori pour la montée à faire respecter, c’était un gros coup sur la tête. On était tous dégoûtés. Franchement, c’était dur. Mais bon, si on avait eu le choix entre perdre ce match-là et choper la montée, je pense quand même que tout le monde préférait perdre ce match-là. Michel Der Zakarian : Les derbys les plus marquants, c’est ceux qu’on gagne, et le dernier que j’ai gagné, c’était en tant que joueur, il y a vingt-cinq ans (en 1993, pour la dernière confrontation des deux clubs en Ligue 1, N.D.L.R). On avait gagné 1-0, et c’est moi qui avais marqué en plus. On en a parlé cette semaine en conférence de presse, mais c’est vieux tout ça, ça me ramène vingt-cinq ans en arrière. René Girard : Il y en a eu tellement peu… J’ai dû en faire un en 1995-1996, je ne sais pas si on n’avait pas gagné 2-1 (après vérifications, aucune trace de ce match, il a quitté le coaching de Nîmes en 1994, N.D.L.R). J’ai un souvenir vague. Je me souviens aussi d’un match de Coupe à Alès, où le match avait été arrêté. Non pas parce que c’était chaud, hein, mais parce qu’il pleuvait des cordes. On avait rejoué le match du côté de Sète, on s’était fait sortir aux tirs au but. Bon, à l’époque, Montpellier n’était même pas en Ligue 2, mais c’est pour dire que le parfum de derby est toujours un peu particulier.

On dit que c’est le derby le plus chaud de France, c’est juste une constatation climatique ou la réputation est vraie ?RG : Il y a un peu des deux. (Rires.) C’est sûr que la chaleur on l’a, il fait bon en plus en ce moment. Le match va se jouer à 17h, donc j’espère que cette chaleur-là restera. Pour le reste… Je ne sais pas si c’est le plus chaud de France. Oui, parce que derby. Quand on parle de PSG-OM, ce n’est pas un derby. Bayonne-Biarritz, c’est un vrai derby. Cela ressemble toujours plus à un match de Coupe qu’à un match de championnat. Les valeurs se resserrent, on retrouve les querelles de clochers entre des clubs qui se jouent la suprématie régionale. C’est toujours à souhaiter que ça se passe dans le bon sens du terme. Chacun a ses qualités et ses défauts : certains pensent avoir inventé le football, d’autres font preuve de générosité et d’envie… Je crois que chaque région a sa spécificité et quand deux clubs s’y affrontent, tout cela ressort davantage. Mais Lyon-Sainté c’est un vrai derby, et c’est pas mal, non ?

GB : Il faut vraiment vivre dans la région et connaître les deux clubs pour se rendre compte à quel point c’est un derby qui est très chaud. Ça va faire très longtemps qu’on ne l’a pas eu, en plus. Je pense que ça va faire du bien pour le football et la région. Avoir cet engouement pour un match de foot, c’est vraiment top.MDZ : Il va faire chaud dimanche, au niveau des températures. Il faut que ça reste chaud sur le terrain et avec de la passion dans les tribunes, mais sans débordement. Il ne faut surtout pas qu’il y ait de débordements. La différence avec un derby breton ? Il y a beaucoup plus de passion. Et puis… le verbe est plus haut ici. Bah oui ! Il y a toujours de la rivalité, c’est normal. On n’est qu’à cinquante kilomètres les uns des autres (57,8km, très exactement, N.D.L.R). Je n’ai pas connu cette époque, mais je sais que c’était encore plus chaud quand on allait au Parc des Sports ou à Richter, et à Jean-Bouin, à Nîmes.

Les supporters sont-ils plus chauds que d’habitude ?GB : Ah, on a entendu les pires insultes, hein… « Enculés de Montpelliérains » , « Vous allez jamais gagner ici » , c’est marrant. Mais ça fait partie du foot. Et j’ai envie de te dire que les joueurs aiment ça aussi, hein. Quand le match est chaud et que ça chambre bien, cela montre qu’il y a de la ferveur. C’est pour ça que cela va faire du bien aux deux équipes et aux supporters, bien sûr, mais surtout aux joueurs. Parce que tout le monde n’a pas la chance de jouer un derby chaud comme ça. Cela va montrer aux joueurs ce qu’ils ont dans le ventre. C’est vraiment top. Le match est peut-être à 17h, mais quand tu te réveilles le matin du jour J, il a déjà commencé. Et tu n’as même pas besoin de t’échauffer. Tout est chaud aux alentours, donc t’es chaud. C’est ça, le derby du Languedoc-Roussillon.

RG : Si ça en reste à se piquer des bâches (ou recouvrir des panneaux de signalisation, N.D.L.R), c’est bon enfant. Il faut pas que…(Il coupe.) Les clubs ont tout à craindre si ça se passe mal. Il faut que le football reste roi et maître. On a deux équipes qui sont en pleine bourre, dans des registres différents, l’une assise en L1 depuis longtemps et Nîmes qui revient au premier plan après vingt-cinq ans de purgatoire. Je pense qu’on devrait pouvoir assister à quelque chose de bien. Enfin je pense… j’espère. MDZ, hier matin en conférence de presse : Montpellier est une ville avec de la ferveur, mais il y en a moins qu’à Nîmes. Peut-être parce que c’est une ville de tauromachie, ils sont beaucoup plus saignants et vivent plus le foot. À Montpellier, il y a tous les sports de haut niveau. Le public est moins derrière. Il faut de la ferveur dans le stade, mais pas de la connerie parce qu’il y aura des familles, des enfants. On peut se chambrer, dire des gros mots, mais faut pas qu’on passe au-delà de ça. De toute façon, on ne peut rien faire, des cons il y en aura partout, mais il en faut un minimum.

René, vous êtes passé d’un club à l’autre au cours de votre carrière, vous l’a-t-on fait payer d’une manière ou d’une autre ? RG : Je n’ai pas trop connu Nîmes en étant à Montpellier, et pour cause. Mais quand je suis arrivé à Montpellier, j’étais catalogué comme LE Nîmois. Alors, au départ, il y avait eu un peu de réticence de dire : « Ah, c’est un Nîmois qui débarque… » et j’avais eu une discussion avec les supporters pour clarifier tout cela. Après, je crois que c’est simplement une question de respect, j’ai défendu les couleurs de Nîmes comme j’en aurais défendu d’autres de la même façon. Finalement, je me suis complètement imprégné, et ça s’est très très bien terminé. C’est une forme de fierté aussi, d’ailleurs.

En rigolant un petit peu, je pense qu’ils auraient préféré que ça (le titre en Ligue 1, N.D.L.R) se passe aux Costières plutôt qu’à La Mosson. Mais on ne fait pas toujours les choses comme on en a envie, et quand on en a envie. C’est le destin qui a amené les choses comme ça. Moi en tout cas, je ne ressens pas du tout d’animosité : je vis en terres gardoises, et je retourne aux Costières avec plaisir, il n’y aucune agressivité vis-à-vis de moi.

C’est aussi le premier derby depuis un bon bout de temps sans Louis Nicollin. Pendant tout ce temps, il était heureux que Montpellier montre sa supériorité sportive sur Nîmes ou aurait-il aimé une vraie rivalité ?RG : S’il y en a un de là-haut qui va regarder ce derby avec beaucoup d’intérêt, c’est Loulou. C’est quelqu’un qui défendait son club, mais il y a beaucoup de Gardois ou Nîmois qui sont allés jouer – voire finir – leur carrière au Montpellier Hérault, au début, quand celui-ci s’est construit. Michel Mézy, Jacky Vergnes, Jean-Pierre Betton, Mama Ouattara… Ça veut sûrement dire qu’il y a quelque chose qui plaisait au président Nicollin dans ces valeurs nîmoises. Je pense que c’est quelqu’un qui, peut-être, à un moment donné de sa vie, aurait aimé avoir un club comme Nîmes. Mais bon, on ne sait pas. Je crois qu’il va regarder ça de là-haut avec beaucoup d’intérêt. Parce que pour lui, et ça je peux l’assurer, un match contre le rival nîmois, c’est quelque chose qui l’intéressait. Même les moins de quinze ans il y allait. GB : À l’époque, on savait très bien que Loulou Nicollin attendait ce match avec impatience. Quand on le voyait aller voir tous les matchs des jeunes contre Nîmes, ça montre l’importance de ce match pour lui.

MZK : Le truc avec Loulou, c’est qu’il avait des mots avant la rencontre qui étaient beaucoup plus virulents que peuvent être ceux de Laurent (Nicollin), par exemple. Il aimait bien chambrer l’adversaire, quoi. Laurent, il est beaucoup plus calme. GB : On connaît tous les dernières années d’exercice du président Loulou, mais il ne faut pas oublier que c’était un homme intelligent. Il n’a jamais bloqué des prêts de joueurs vers Nîmes. Donc oui, il y a cet engouement envers ces deux équipes de foot, mais ça reste quand même deux équipes qui ont eu des échanges si ce n’est réguliers, au moins occasionnels. La porte n’était pas fermée au point de se détester et ne pas se parler. RG : Il aimait bien ça, il aimait ce parfum. Oh, c’était quelqu’un qui n’hésitait pas à dire « je préfère ça à ça » , et ce n’était pas toujours ce qui brillait qu’il préférait. Aller voir les derbys, il adorait ça. Mais celui qui perdait le samedi ou le dimanche contre le rival, il avait les oreilles qui sifflaient pendant la semaine. (Rires.)


Vos pronostics :

RG : Non, non, vous me permettrez le joker. Mais je vais regarder ça avec beaucoup de plaisir, parce que je suis sûr que si j’étais sur l’un des bancs, le plaisir ne serait pas aussi bon que celui d’être en tribune.MDZ : Ah, non, je ne suis pas très bon en pronostics…GB : Je vois Montpellier gagner deux buts à un. Je vais miser sur une entrée de mon Souleymane Camara, qui va mettre son petit but, et pour le premier… pourquoi pas Vito Hilton de la tête ?

Dans cet article :
Laurent Nicollin : « Le stade de la Mosson représente une vie  »
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