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Jesús Navas : il est retraité le divin enfant
Un hommage grandiose pour un homme timide. Retraité des terrains ce week-end, le joueur le plus capé de l’histoire du Séville FC aura traversé 20 ans de carrière avec seulement deux clubs, incarnant mieux que quiconque l’idée que le foot est aussi un jeu de service. Au service des autres.
« Je suis fier de servir. Les dorures, je m’en fous. » Michel Barnier l’a dit, Jesús Navas l’a fait. L’Andalou a officiellement disputé sa dernière rencontre en tant que professionnel contre le Real Madrid ce dimanche, clôturant une carrière faite d’allers-retours dans son couloir droit. Une semaine après avoir été décoré par le Séville FC, le lapin Duracell de Los Palacios y Villafranca, sa ville natale située à 33 bornes du stade Ramón-Sánchez-Pizjuán, a traversé une dernière haie d’honneur au Bernabéu, en mémoire d’une vie de footballeur démarrée en novembre 2003, à 18 ans et 2 jours. Il a été enlacé par tout le monde, s’est fait offrir par Luka Modrić un maillot dédicacé du Real, qui a montré qu’il savait reconnaître les grands de ce monde. Un grand par le palmarès – Ligue des nations incluse – mais aussi par l’amour de l’aile. Un joueur de service.
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Les yeux dans le blues
Jesús Navas, il faut le voir. Des yeux d’un bleu hypnotique, un léger bouc brun et un léger exogyrisme, cette démarche pieds ouverts caractéristique de son attrait pour les centres. « Les deux dernières minutes, je ne voyais rien, je regardais le sol en me rappelant tous les moments que j’ai vécus, la joie que j’ai donnée à mon Séville et à mon équipe nationale, racontait-il ce dimanche. Il y a des jours comme celui-ci où l’on reçoit tellement d’amour qu’on se lâche. Je pars avec la tranquillité d’avoir tout donné et d’avoir rendu heureux tant de gens. »
Sa parole est si rare qu’il faut en profiter. Car Jesús Navas a du mal avec les autres. À 10 ans, il était trop timide (seraient-ce les yeux bleus ?) au point de ne pas vouloir quitter son club de village pour intégrer le Séville FC. Il était tellement maigrichon qu’il a dû se coller à la ligne de touche pour ne pas s’envoler. C’est sur l’aile droite, ailier puis latéral, qu’il a formé un tandem avec Dani Alves et s’est fait adouber par tout le quartier de Nervión. Trop introverti qu’il était pour rejoindre la Roja, il s’est envolé pour Manchester en 2013, comme un musicien enfin décidé à jouer dans les bars plutôt que dans sa chambre.
Rhésus rouge sang
Jesús Navas rappelle qu’on ne tire pas sa révérence avant d’avoir pleinement accompli ses devoirs. Quinze titres en tout, mais par-dessus tout deux Euros et la Coupe du monde 2010. Il est, avec Sergio Busquets et Pepe Reina, l’un des derniers baroudeurs de la génération 2010. 989 matchs, la majorité avec Séville, entrecoupée d’une pige à Manchester City. Steve Mandanda, qui a son âge, en a joué 170 de moins. Et puis, quoi de mieux que quatre Ligues Europa dans la besace pour incarner une carrière de joueur de devoir ? Un joueur au service d’un club, le Séville FC, pour qui il aura joué 706 matchs. Manolo Jiménez, le deuxième joueur le plus capé de Séville, en a disputé 366. Un joueur au service d’un projet de jeu, celui du centre, de l’importance des ailes et de la largeur. Plus qu’une machine à marquer, ses 52 buts en carrière en attestent, Jesús Navas aura été un centreur et un dribbleur.
Freiné par des soucis de hanches, il a poussé jusqu’à 39 ans cette magnifique carrière qu’il résume lui-même : « Ce qui m’a toujours caractérisé, c’est mon dévouement et mes sacrifices. » Aujourd’hui, un stade porte son nom dans le centre d’entraînement du Séville FC. Il disputera le 30 décembre un match d’exhibition à Séville. En deux ans, la ville aura dit au revoir à deux légendes : Joaquín et lui.
Par Ulysse Llamas