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Le Japon s’est-il fait hara-kiri ?
Il y a deux mois, le Japon virait sans ménagement son sélectionneur Vahid Halilhodžić, qui l'avait pourtant qualifié pour la Coupe du monde. Auto-sabotage ou décision miracle ?
« On m’a traité comme une merde, on m’a jeté à la poubelle. » Fin avril, Vahid Halilhodžić fulmine à l’aéroport de Tokyo. Le Bosnien vient s’exprimer après son renvoi de l’équipe nationale du Japon quelques semaines plus tôt. En conférence de presse, il tient un langage plus posé, mais avec une incompréhension toujours immense : « La manière employée par le président pour me licencier est un manque de respect total vis-à-vis de tout ce que j’ai donné au football japonais. »
Un licenciement annoncé en face à face par Kozo Tashima, président de la Fédération nippone depuis 2016, dans un hôtel parisien. Comme ça, à deux mois d’une Coupe du monde à laquelle Coach Vahid a qualifié les Blue Samouraï. Les griefs à son encontre ? En premier lieu, une communication difficile avec les joueurs de la sélection. En second, des résultats décevants pendant les matchs amicaux du début d’année.
Sacrifié pour le bien-être des stars
Un coup de poignard dans le dos pour Halilhodžić, qui considérait les rencontres face au Mali (1-1 le 23 mars) et l’Ukraine (1-2 le 27 mars) comme des opportunités d’expérimentations. Sa chute s’expliquerait en réalité plus par des considérations extra-sportives que footballistiques. Président de la JFA depuis 2016, Tashima n’est pas le président qui a choisi Vahid Halilhodžić pour l’équipe nationale. Une équipe où quelques cadres comme Keisuke Honda n’étaient plus assurés de leur statut, le sélectionneur bosnien souhaitant faire jouer la concurrence à plein. Pas du goût de tous les annonceurs de la sélection. Qui, de peur de voir baisser le potentiel marketing de l’équipe, auraient fait pression en coulisses pour fragiliser un entraîneur peu soutenu par la presse nippone.
Le timing comme la radicalité de la solution ont de quoi surprendre beaucoup de monde. Et même Vahid Halilhodžić, qui a assuré pour sa défense n’avoir jamais reçu de mise en garde pour son management viril. Conséquence sportive directe pour la sélection : le Japon va se présenter au Mondial avec une confiance au plus bas. À savoir une seule victoire en 2018 pour le dernier match de préparation contre le Paraguay (4-2). Match durant lequel les Blue Samouraïont eu le mérite de renverser la vapeur avec quatre pions en seconde période. Un succès qui annonce la sortie du tunnel ? Peut-être. Car il représente également le premier succès comme sélectionneur d’Akira Nishino, le successeur d’Halilhodžić.
Nishino, meilleur entraîneur asiatique en 2008
Directeur technique national parachuté à la tête de la sélection pour une mission commando, l’ancien milieu international A (douze sélections) Nishino répondait au critère prioritaire : être japonais et être capable de fédérer l’équipe autour de sa personne. Motif d’espoir pour les supporters japonais : le nouveau sélectionneur ne débarque pas de nulle part. Au contraire. Il affiche en effet quelques références solides dans le rôle d’entraîneur : il était par exemple à la tête du Japon Olympique vainqueur du Brésil aux JO 1996 à Atlanta.
Surtout, il a gagné tout ce qui pouvait l’être avant Gamba Osaka dans les années 2000. C’est-à-dire J-League 2005, Coupe de l’Empereur 2008 et 2009, ou encore Ligue des champions asiatique en 2008. Un titre qui lui avait permis d’être élu meilleur entraîneur asiatique la même année. Il n’en faudra pas moins pour que le Japon voie les huitièmes de finale pour la troisième fois de son histoire en Coupe du monde. Devant son téléviseur, Halilhodžić ne va pas en perdre une miette.
Par Nicolas Jucha