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Junya Ito : le Japon et Reims partagent l'embarras
À 30 ans, l’international japonais du Stade de Reims Junya Ito est sous le coup d’une accusation pour viol dans son pays. Une enquête a été ouverte par la police d’Osaka. Pour l’instant, sa sélection nationale ainsi que son club lui ont maintenu leur soutien. Jusqu’à preuve du contraire ?
Finalement, Junya Ito ne sera pas présent pour le choc des quarts de finale de la Coupe d’Asie au Qatar entre le Japon et l’Iran, prévu samedi à 12h30. Dans un premier temps, la fédération nippone lui avait demandé de retourner en France après avoir découvert, via la presse, les accusations d’agressions sexuelles à son encontre par deux femmes, dont le témoignage publié s’avérait plutôt glaçant. La fédération japonaise avait ensuite envisagé de le garder dans le groupe. Un revirement s’est opéré au dernier moment, et l’attaquant préféré de Brigitte Macron devra monter dans un avion, pour que son histoire n’affecte pas plus sa sélection. Le président de la JFA, Kozo Tajima, a expliqué ce vendredi que cette décision a pour but de « créer un environnement dans lequel l’équipe peut se concentrer sur le football », avant de présenter ses « excuses pour avoir changé la décision à deux reprises ».
Reims : le choix des mots
Jusqu’alors, l’ailier virevoltant avait bénéficié du soutien sans faille de ses équipiers sous le maillot des Samurai Blue et surtout de son club, le Stade de Reims. Ce dernier a publié un communiqué où, tout en pesant délicatement ses mots, il affirme sa confiance envers son joueur puisqu’aucune information ne permet « d’appuyer, dans un sens ou dans l’autre, l’enquête menée par les autorités d’Osaka, les faits rapportés ayant eu lieu sur une période de trêve internationale (après un match amical gagné par le Japon contre le Pérou, le 20 juin 2023). À ce stade et à date, le club se montre solidaire de son joueur ». Si les formules sont choisies avec soin, la ligne de défense reste la même : jusqu’à preuve du contraire et condamnation ferme, la présomption d’innocence et le doute bénéficient d’abord à ce membre clé de l’effectif, dimension qui n’est évidemment pas secondaire lorsqu’on parle morale dans le foot. À bien décrypter la teneur du propos, il faudra une sentence judiciaire pour commencer à réfléchir à une sanction sportive. Cela dit, en cas d’emprisonnement, la situation serait factuellement réglée…
Néanmoins conscient du contexte – les affaires d’agressions sexuelles et le silence des instances sportives étaient au cœur du travail de la commission d’enquête parlementaire qui vient de rendre son rapport –, le club reste prudent et veut essayer d’étouffer toute polémique ou soupçon de complaisance. « Le Stade de Reims est donc dans l’attente d’éléments concrets qui permettront de faire la lumière sur les faits présumés et suivra avec une grande attention les avancées judiciaires liées », avant de rappeler que le club « ne peut ignorer un sujet aussi important et ne souhaite rester ni inactif ni silencieux. Au contraire, le club réitère son engagement dans la lutte contre toutes formes de violences faites aux femmes, mené conjointement avec la Ligue de football professionnel depuis plusieurs saisons désormais, et annonce qu’il travaillait déjà sur une nouvelle opération de sensibilisation pour la saison en cours. » Une déclaration qui ne mange pas de pain et n’a aucune conséquence concrète…
La longue marche du football face aux violences sexuelles
Le milieu du foot a bien du mal dès qu’il s’agit d’affronter les cas « des mecs qu’on connaît bien dans le vestiaire ». Le non-lieu obtenu par Benjamin Mendy en Angleterre avait suscité de nombreux messages enthousiastes de la part de ses camarades à crampons. On cherche encore les déclarations en faveur des femmes victimes des violences et agressions sexuelles. Cela dit, pourquoi leur demander davantage qu’à une ministre, Amélie Oudéa-Castéra, qui devant le CNOSF pour ses vœux, n’avait pas eu un mot envers celles qui avaient eu le courage de briser le silence contre leur fédération. Elle avait en revanche ensuite pris la défense d’un monde sportif injustement vilipendé. Les affaires se multiplient, citons Wissam Ben Yedder mis en examen avec son frère pour « viol, tentative de viol et agression sexuelle », toujours sur le terrain, tandis que le procès de Dani Alves pour viol doit se dérouler ce mois-ci à Barcelone. Beaucoup continuent de n’y voir que l’appât du gain de jeunes femmes vénales. Il faut surtout y déceler, comme dans le reste de la société, la fin de la loi du silence. Une évolution, certes timides, mais qui a libéré la parole des victimes. Il faudra juste qu’à un moment, le foot y prête au moins autant attention qu’aux stats des accusés.
Ito porte plainte contre les deux femmes qui l'accusent d'agression sexuellePar Nicolas Kssis-Martov