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Le Grec de Gelsenkirchen
Grec installé à Gelsenkirchen depuis plus de quarante ans, Stavros Lemonakis vit les 16es de Ligue Europa de cette saison comme aucun autre. Supporter à la fois du PAOK et Schalke 04, il a vendu des gyros à un champion du monde et attire l'attention des médias depuis son petit Imbiss ouvert depuis plus de trente ans. Portrait du vendeur grec le plus célèbre de Gelsenkirchen.
Stavros Lemonakis est un homme très demandé depuis quelques mois. Le téléphone de son restaurant sonne continuellement. Ce n’est pas tellement pour réserver une table. Stavros Lemonakis ne tient pas un restaurant à la mode, étoilé et chic. Lui n’a qu’un restaurant grec tout simple, un Imbiss comme l’Allemagne en compte tant au hasard des rues et des quartiers. Seulement le hasard a voulu que Schalke 04 affronte cette saison, en seizièmes de finale de la Ligue Europa, le club grec du PAOK Salonique. Depuis ce 12 décembre 2016 et le tirage au sort de la C3, tout le monde revient vers lui.
Alors, en appelant son restaurant de Gelsenkirchen, l’homme de 59 ans est un peu embêté de ne pas pouvoir répondre à la sollicitation tout de suite. « Je suis désolé, il y a une télévision locale qui est là pour un tournage ce matin. » Mais il apprécie de pouvoir discuter avec les médias, répondre aux questions qui affluent de toute part. Der Westen, WDR3, Reviersport… Tous viennent le voir. « Je suis surpris, mais c’est un sentiment agréable. Et puis j’ai eu l’habitude déjà lorsque je représentais la communauté grecque au niveau local. » Si aujourd’hui, Stavros Lemonakis attire autant l’attention, c’est parce que son cœur va devoir se partager en deux. D’un côté Schalke. De l’autre, le PAOK.
Premiers amours
À la fin des années 50, Stavros Lemonakis naît dans le nord de la Grèce. À Thessalonique. Mais à quatorze ans, c’est le temps de partir loin de sa patrie. Il déménage en Allemagne et s’installe dans la Ruhr, comme tant d’autres immigrés grecs. « Je vis en fait à Gelsenkirchen depuis la fin des années 70 et je n’ai plus jamais bougé d’ici. » La ville du bassin ouvrier devient la sienne. Il y trouve son nouveau foyer. Et comme n’importe quel ado des environs, le bleu roi de Schalke 04 lui prend au cœur. Il confesse volontiers une acclimatation sportive rapide. « C’est logique en vivant ici. Avec les contacts, les relations qui se développent, l’intérêt pour Schalke 04 et son équipe de football est venu naturellement. Je suis devenu supporter du club. »
En 1997, pour la finale de la Coupe UEFA, il monte même un stratagème avec un ami médecin-chef pour entrer au Parkstadion archi-comble… à l’intérieur d’une ambulance. L’astuce fonctionne et il peut profiter du but de Wilmots qui porte les Knappen à un succès décisif avant le match retour. Déjà happé par le football, le jeune Grec se découvre en même temps une affection pour la cuisine. « J’étais déjà très intéressé par la gastronomie. Je n’ai pas tout de suite commencé à travailler dans le domaine. C’était simplement un hobby. Dans les années 80, j’ai décidé de lancer mon propre grill. » Stavros Lemonakis commence ainsi à vendre des gyros ( « avec du cochon » , la différence fondamentale par rapport au döner kebab) et à se faire un nom, en menant une petite vie tranquille dans le quartier de Schaffrath.
Le Grec de Neuer
Parfois, ses passions se rejoignent depuis son nouveau camp de base. Petit à petit, des joueurs de Schalke passent et les photos s’accumulent sur le hall of fame du restaurant. C’est notamment le cas, dans la dernière décennie, de Vasílios Pliátsikas et Kyriakos Papadopoulos. « Le stade n’est pas si loin, à trois kilomètres d’ici seulement. » Sa renommée vient toutefois plus encore des habitudes de Manuel Neuer. Le champion du monde, à l’époque où il portait le maillot des Königsblauen, venait au Natassa Grill en bon voisin. « Il ne vivait qu’à trois maisons d’ici » , savoure Lemonakis. « Donc il venait régulièrement pour manger un bout. Mon lien avec le club en est devenu plus fort encore. »
La question se pose toutefois : est-ce vraiment sérieux de servir des gyros à un gardien de football ? Lemonakis défend son bout de gras âprement quand le sujet est abordé et assure ne pas avoir nui à la carrière de ses clients. Il en profite même pour glisser un peu de promo : « On a beaucoup de variété dans ma boutique. Les clients ont le choix : il y a des steaks, des schnitzels, des pizzas, toute sorte de viande à griller… Les produits sont de qualité et on peut mettre plus de salade si besoin pour les sportifs qui doivent faire attention. »
Le 16e tout bénef
Évidemment, la semaine dernière, Stavros Lemonakis a regardé le match depuis son restaurant, en vibrant avant tout pour son Thessalonique natal. « J’étais installé avec des amis allemands, avec un verre de vin. C’était une belle soirée. Bien sûr, il y a de la déception par rapport au résultat pour moi. C’est dommage. Les événements après le match jusqu’au petit matin(les supporters de Schalke ont notamment fait de la casse en centre-ville, ndlr)sont également très tristes. » Pas de stress pour autant. Cette affiche n’apporte que des bonnes choses pour le Grec.
Même au niveau sportif, il se réjouit de la certitude « qu’une des deux équipes passera au prochain tour. Je vais pouvoir profiter des 90 minutes du match à fond, en espérant un beau spectacle sans incident. » De toute façon, pour le vendeur, l’histoire de ce seizième de C3 est tout bénef. Sauf pour un soir. Hors de question de travailler le soir du match. Stavros Lemonakis sera au stade, avec quelques amis venus directement depuis la Grèce jusque chez lui. Le Natassa Grill sera fermé et ne fera pas recette pour une fois. Même si Manuel Neuer se pointe, comme au bon vieux temps.
Par Côme Tessier