- Fédération Française de Football
Le Graët : « L’attitude des Bleus s’est améliorée »
Le foot amateur regarde glisser ses effectifs vers le bas. Et au milieu de la tourmente, une Fédération déjà bien occupée à gérer les Bleus et leurs sponsors. Arrivé avec la promesse du retour au calme, Noël Le Graët, un peu vite catalogué comme le porte-flingue des pros (c’est oublier sa réputation de partageux à la LFP et son passé de maire « de gauche » forcément confronté aux question du sport de masse), va donc devoir aussi se coltiner cet épineux dossier. Peut-être le plus compliqué à résoudre.
La baisse des effectifs de la FFF a beaucoup fait parler ces derniers temps, le fait que la fédération soit tombée en dessous des deux millions de licenciés vous inquiète-t-il?
Il faut déjà relativiser des chiffres qui ne sont pas définitifs. Pour la saison, il a d’abord été annoncé -15%, alors que la plupart des écoles de foot n’avaient pas encore fait le plein. A l’heure où je vous parle je crois que nous approchons plutôt des -4%. Je fais le pari que nous allons nous stabiliser en fin de compte à un seuil proche de l’an dernier. Mais néanmoins, il est indéniable que depuis trois saisons, nous constatons une courbe descendante du nombre de licenciés. Nous allons évidemment nous pencher sur la question, et déjà regarder où cette chute des effectifs se manifeste le plus fortement, car la situation s’avère extrêmement diverse d’un département à l’autre. Il semblerait que ce soit les zones rurales qui sont les plus touchées. Mais avant tout, je le répète, nous avons besoin d’avoir une vue statistique précise, qui nous manque pour le moment, même si le recul se révèle difficile à ignorer. Il faut toutefois aussi signaler que cet affaissement se révèle assez général en Europe. La France n’est pas le seul pays concerné, ce qui tendrait à appuyer l’idée de causes profondes.
Vous ne semblez pas convaincu par le « deus ex Knysna » ?
Le retournement de tendance a commencé bien avant l’affaire du bus. Et les mécanismes qui aujourd’hui entraînent cette baisse dépassent la simple détérioration conjoncturelle de l’image des Bleus. Si certains veulent constamment revenir sur le passé, libres à eux. En tout cas, aujourd’hui notre équipe nationale vient de se qualifier pour l’Euro sans passer par les barrages, et globalement je trouve que leur attitude s’est améliorée, qu’ils se montrent assez humbles.
L’idée avait été défendue que les primes des Bleus pourraient servir à financer et aider le foot amateur…
Les Bleus méritent leurs primes, même si en effet ils bénéficient en retour de leur cape d’une plus-value sur le Mercato. Toutefois ce sont eux qui ramènent les sponsors.
Et comment répartir ?
Ce n’est pas la solution.
Certains joueurs l’ont pourtant fait auprès du club de leurs tout débuts…
En fait, après que les joueurs ont renoncé d’eux-mêmes par l’intermédiaire de Patrice Evra, les primes des Bleus pour le Mondial 2010 ont été gelées dans les comptes de la FFF et ensuite il leur a été demandé formellement d’y renoncer. Tous l’ont fait sauf Nicolas Anelka. Nous leur avons proposé de donner cet argent aux clubs amateurs de leur choix, par l’entremise de la Fédération qui s’occuperait de la transaction par une dotation d’équipements en tous genres (filets, buts, ballons, crampons, etc..).
Cela dit, les associations semblent avoir de plus en plus de difficultés à boucler leur budget et à fonctionner…
Tout d’abord nous traversons une crise économique et le foot est inséré dans la société. Il ne peut à lui tout seul la transformer. La hausse du chômage, la baisse du pouvoir d’achat, etc. tous ces phénomènes sociaux et économiques ont forcément une incidence sur la pratique sportive au sens large et donc le football en particulier. Et là encore, selon les lieux, la situation varie considérablement. Ce sont apparemment les petits clubs ruraux qui rencontrent le plus de difficultés pour recruter des bénévoles, pour s’organiser, pour gérer la continuité des compétitions. La distance les handicape peut-être davantage quand il faut traverser tout le département pour jouer un simple match. Cette question de l’encadrement est cruciale. Car peu de sport sont aussi bien implantés partout en France et forment autant d’éducateurs.
Dans un registre plus qualitatif, la perte des valeurs, du goût du plaisir dans le jeu ne finit-il pas par éloigner les parents qui n’envoient plus aussi facilement leur enfants taper le ballon dans un club ? Ce type d’inquiétude s’était exprimé lors des états généraux du foot…
Depuis que je suis dans le football, j’entends parler de la mort du football et de ses valeurs. Déjà à l’époque du « Mirroir du football » , pour les anciens, avec déjà Christian Gourcuff en embuscade, la même histoire nous était contée de manière quasi apocalyptique. Je suis convaincu que le foot est éternel. Après, là où je vous donne raison, c’est peut-être que nous faisons entrer les gamins trop tôt dans la compétition, qu’il faudrait trouver des formules plus adaptées, plus flexibles. Cela dit, les mômes veulent d’abord jouer leur match, gagner ou perdre, c’est ce qui les stimule aussi.
Des sports en « vogue » , plus « éthiques » , comme le hand, ne se révèlent-ils donc pas plus attractifs pour les parents aujourd’hui ?
Je n’y crois pas non plus. Il a toujours existé un large éventail d’offre sportive dans les localités, mais c’est le foot qui reste le mieux implanté dans tous les villages et les quartiers. Et puis tout le monde ne peut être doué au foot. Autant que chacun puisse s’amuser. Après, que désire-t-on ? Une politique du chiffre, que je comprends de la part des districts et des clubs face à leurs interlocuteurs institutionnels ou privés ? Ou bien ne vaut-il pas mieux 1,8 million de licenciés bien encadrés !
Cependant, en regardant les chiffres, c’est le futsal qui se développe le plus aujourd’hui, avec une grosse notion de foot loisir ?
Oui c’est vrai, le futsal va se développer encore et tant mieux. Le loisir a peut-être été trop négligé. Mais plus encore que la question des « autres footballs » , pour moi, le vrai enjeu en termes de progression des effectifs se situe chez les féminines. Et en ma matière, il reste un gros effort à fournir. Il ne suffit pas d’avoir l’excellente équipe actuelle, qui renvoie une si bonne image du foot. Si nous ne nous engageons pas en faveur de la pratique de masse, cet acquis va s’évanouir à un moment ou un autre. En Allemagne, ils compensent la perte chez les masculins avec une forte progression chez les féminines, certes avec un système différent. Nous allons engager le dialogue avec les districts pour les encourager, lors de la signature des conventions, à aider clubs ou sections, avec plus de moyens et plus de terrains.
Vous évoquiez l’Allemagne, mais là-bas l’école joue un grand rôle…
Évidemment il faut aussi se rapprocher de l’école, mais je ne peux pas changer l’éducation nationale. En France on y accorde trop peu de place au sport, et les horaires peuvent entrer en conflit dans la gestion du temps libre, pour les ados en particulier. J’ai aussi demandé à rencontrer le ministre des Sports, mais ils changent encore plus souvent que le président de la FFF.
Propos recueillis par Nicolas Kssis Martov