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Le Ghana en mode binational
Pays producteur de talents, le Ghana a pourtant accentué son recrutement de binationaux, surtout après sa décevante Coupe d’Afrique des nations 2022. À sa tête, la Fédération, et son nouveau sélectionneur Otto Addo, né en Allemagne et naturalisé ghanéen à 31 ans. Pour quel résultat ?
Premier buteur de l’histoire du Qatar dans une Coupe du monde, Mohammed Muntari n’est pas né dans la petite péninsule du Golfe, mais à Kumasi, une des principales villes ghanéennes, où le cacao vaut tout le gaz du monde. Il a été naturalisé qatari en 2014, à une époque où le Ghana commençait à dire au revoir à une de ses plus belles générations dans le domaine du ballon rond. Son pays de naissance, habituellement producteur de talents, a fait la même chose, en sens inverse, en se laissant aller à la mode des binationaux, notamment à l’approche de cette Coupe du monde qatarie. Épaulé par Chris Hughton depuis février, le sélectionneur Otto Addo n’a pas inclus tous les récents binationaux dans sa liste, même si cette dernière en contient tout de même neuf, dont Alexander Djiku et Iñaki Williams, tous deux titulaires lors de la défaite inaugurale contre le Portugal (3-2).
Le syndrome Kevin-Prince Boateng ?
Né à Montpellier, Djiku a rejoint la sélection ghanéenne en 2020 alors qu’il avait été courtisé dès ses premières apparitions en Ligue 1 avec Bastia il y a presque dix ans. Une fierté pour celui qui a mis les pieds au Ghana pour la première fois il y a quatre ans. « Je suis très heureux de rendre fier mon père(Tamatey), surtout, qui est ghanéen, et forcément sa famille, livrait-il à l’AFP la semaine dernière. Je suis content de jouer pour mes origines, pour mon pays. Maintenant ils(sa famille) se réunissent tous ensemble pour regarder les matchs de la sélection. » À l’inverse de Djiku, Williams a fait son choix plus tardivement, puisque le natif de Bilbao – qui a joué un match amical avec la Roja en 2016 – a honoré sa première sélection en septembre dernier. Entre les deux : la Coupe d’Afrique des nations en février 2022 lors de laquelle les Black Stars se sont vautrés (défaites contre le Maroc, les Comores et nul face au Gabon).
Une première en 23 participations à la CAN, occasionnant le départ du Serbe Milovan Rajevac, remplacé par son adjoint Otto Addo, né à Hambourg et naturalisé ghanéen à 31 ans, juste avant le Mondial en Allemagne. Après avoir réussi à décrocher une qualification in extremis aux dépens du Nigeria, l’ancien joueur du Borussia a été rejoint par l’ex-entraîneur de Brighton, Chris Hughton, recruté comme conseiller technique par la Fédération, alors qu’il passait des vacances ensoleillées au Ghana, d’où ses parents sont originaires. Visiblement pas satisfait par le foyer de joueurs à sa disposition, le duo a invité plusieurs Ghanéens d’origine à faire comme Addo par le passé, comme Alexander Djiku, ou avant lui les frères Ayew et Kevin-Prince Boateng. Ce dernier n’avait d’ailleurs pas laissé que des bons souvenirs aux supporters ghanéens et à la Fédération, lesquels lui avaient reproché d’être intéressé par la sélection nationale uniquement quand une Coupe du monde pointait le bout de son nez (il sera exclu définitivement après avoir insulté son coach lors du Mondial 2014).
Un train pour Doha
L’amour du pays, et du maillot, c’est aussi ce qui a été remis en question en juin, quand Iñaki Williams et son frère Nico (qui est finalement présent avec l’Espagne) se sont rendus au Ghana pour rencontrer la Fédération en vue de leur naturalisation pour le Mondial qatari. Notamment à cause de ce que l’aîné, Iñaki, avait déclaré au Guardian il y a un peu plus d’un an, quand il avait d’abord refusé les avances des Black Stars : « Je n’oublierai jamais mes racines familiales, mais je me sens basque, et je ne peux arnaquer personne, je serais à l’aise avec le Ghana, j’en suis sûr… Mais je ne peux pas trahir ma culture et mon éducation. » À 28 ans, l’attaquant de l’Athletic Bilbao a finalement changé d’avis, un peu au dernier moment. « C’est une chose à laquelle je pense depuis de nombreux mois et j’ai reçu le soutien de ma famille. Le président de la fédération ghanéenne est celui qui a le plus insisté pour que je sois là, confiait-il en août à Marca. Les trains ne passent qu’une fois. La décision a été mûrement réfléchie. »
Maladroit et difficile à trouver contre le Portugal lors de sa cinquième cape sous le maillot ghanéen, Williams n’est pas le seul à avoir pris le train juste avant l’embarquement pour Doha. On compte aussi l’Allemand Daniel-Kofi Kyere (international depuis septembre 2021), et quatre joueurs arrivés après la CAN 2022 : le Belge Dennis Odoi, le Français Elisha Owusu, et les deux Anglais de Premier League Tariq Lamptey et Antoine Semenyo, entrés en cours de jeu contre le Portugal. D’autres joueurs étaient également pressentis, comme Callum Hudson-Odoi, ou encore les deux Allemands Ransford Königsdörffer, laissé à la maison, et Stephan Ambrosius, blessé juste avant la compétition, et l’Anglais Joseph Wollacot, gardien titulaire finalement pas sélectionné. Car, oui, malgré ces naturalisations de dernière minute, Otto Addo et son staff n’en ont pas fait non plus un critère préférentiel, puisque seul Williams s’est tapé l’incruste dans le onze d’une équipe ghanéenne qui se cherche depuis la non-qualification pour la Coupe du monde en Russie il y a quatre ans. Pour cette compétition, Otto Addo a dû faire un peu de bricolage de dernière minute, au point de sortir une liste surprise (le Lensois Abdul Samed n’avait par exemple jamais été sélectionné avant). Néanmoins, son équipe a de l’allure et s’est montrée soudée contre le Portugal. Reste désormais à ce que l’alchimie prenne complètement. Peut-être ce lundi, contre la Corée du Sud. En espérant que la VAR fonctionne, et qu’Iñaki ne glisse pas.
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