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Le gardien, meilleur dans la douleur ?
Steve Mandanda est en forme en ce moment. Mais il semble n'être jamais meilleur que quand son OM bat de l'aile. Être ultra sollicité par les attaquants adverses booste-t-il les capacités d'un portier ? Et réduit-il les probabilités de boulettes ?
« Si nous avions pu garder ce point, cela aurait été totalement différent.(…)Cette défaite, je la prends pour moi, j’ai tué les efforts de mes coéquipiers. » Ces propos, ce sont ceux de Steve Mandanda. Difficilement croyable, non ? Évidemment, ils ne datent pas d’hier, ni de la semaine dernière ou du mois écoulé. Non, ils ont été prononcés un soir d’octobre 2015, durant lequel Mandanda avait précipité la défaite des siens (2-3) contre Braga en Ligue Europa après une sortie manquée en fin de partie. Un cas unique cette saison. Car depuis, l’OM est devenu catastrophique, autant dans ses résultats que par le jeu proposé, et l’international français s’est mué en sauveur à de – très – nombreuses reprises, récoltant les points à lui tout seul et permettant à son équipe de ne pas flirter encore plus dangereusement avec la zone rouge qu’actuellement (six points d’avance). Alors, c’est une observation plus qu’un fait, mais les apparences indiquent la chose suivante : Mandanda serait énorme quand son équipe coule et ses performances baisseraient un peu lorsque ses potes sont au top. Une situation qu’on peut généraliser aux autres gardiens de haut niveau.
Confiance et concentration
Dès lors, s’agit-il d’un genre d’illusion d’optique ou est-ce vérifié ? Et dans le second cas, comment peut-on l’expliquer ? « On ne peut pas dire qu’un goal ne donne pas tout ce qu’il a quand son équipe va bien. Un bon goal donne tout ce qu’il a à chaque match, estime Gilles Bourges, ancien entraîneur des gardiens du PSG entre 2010 et 2013. Si ses coéquipiers sont en difficulté, ses performances sont forcément beaucoup plus visibles. Mais c’est vrai, c’est possible qu’un gardien soit à son meilleur niveau quand il est énormément sollicité. Ça peut lui donner plus de confiance. » Même son de cloche chez Thierry Debès, le coach des portiers d’Ajaccio, qui rappelle en toute logique que « celui qui a 60 frappes dans le match va être plus en vue que le gardien du Barça » .
Certes. Mais est-ce que le dernier rempart qui n’a aucun arrêt à réaliser, et qui pourrait emmener son sudoku sur la pelouse, est plus coutumier des boulettes, comme notre mémoire peut le laisser penser ? Bourges a son avis : « Avec un gardien inexpérimenté qui n’est que très rarement mobilisé, il peut en effet y avoir davantage de ratés. Toucher des ballons et réaliser des parades, ça permet d’être non-stop dans le match. Or, un jeune gardien qui a peu de contact avec le cuir peut facilement avoir des sautes de concentration. » La concentration. C’est cette aptitude qui serait en fait le nerf de la guerre chez un goal. Et qui compterait autant que le talent brut. C’est en tout cas l’avis de l’expert corse : « Pour un gardien, les matchs les plus durs sont ceux où il n’a pas de ballons. Parce que le plus compliqué dans son boulot, c’est de rester concentré. Et je peux vous dire que rester concentré pendant 90 minutes sans voir la balle, c’est fatiguant. Usant, même. Donc paradoxalement, les portiers qui sont peu sollicités ont plus de chance de faire des bêtises, car ils sont plus sujets à des fautes d’attention. »
Trapp et Sirigu
Le cas Kevin Trapp est un bon exemple. Habitué à la Bundesliga et son jeu ouvert, l’Allemand, qui avait pas mal de travail à Kaiserlautern comme à Francfort, a débarqué dans un club qui domine, concède peu d’occasions et colle raclées sur raclées. Bien que recruté pour participer au jeu, le nouveau venu touche moins la quille que dans son pays d’origine. Résultat : il s’est démarqué par ses boulettes régulières en début de saison. « Oui, ces erreurs peuvent se justifier par le fait qu’il soit soumis à moins d’activité qu’avant. À l’heure actuelle, être gardien au PSG nécessite une concentration énorme pour répondre présent à un moment précis du match » , reconnaît l’ancien de Paris. Qui embraye ensuite sur un autre portier, qu’il connaît bien pour avoir travaillé avec lui : « À ce niveau-là, je pense que Sirigu a beaucoup plus de stabilité émotionnelle et de rigueur. Il a énormément progressé par rapport à ça depuis son arrivée dans la capitale. D’ailleurs, jamais il n’a réalisé une bourde comme celles que Trapp a pu commettre. » Debès conclut : « Quand un goal est chaud bouillant, c’est très rare qu’il fasse une connerie. Au contraire de celui qui n’a qu’un arrêt à réaliser dans le match, qui peut perdre plus facilement sa vigilance l’espace de deux secondes. » Mandanda peut donc remercier ses coéquipiers : c’est grâce à eux s’il n’est jamais dissipé et qu’il ne fait pas de boulette.
Par Florian Cadu