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Le front en or
Si son crâne n’a pas marqué hier soir, il ne s’en est pas moins montré décisif, une fois de plus. Lorsque rien ne marche, qu’il ne passe pas un dribble, ou frappe hors cadre sans discontinuer, Cristiano Ronaldo a pris l’habitude de s’en remettre à son jeu de tête pour porter les siens. Probablement le plus impressionnant de tous les temps.
Lorsqu’il a célébré son caramel à onze mètres, torse nu et muscles saillants, les pro-Ronaldo ont surtout mis en valeur son énorme paire de cojones. Celle-là même qui lui a permis de crucifier Szczęsny avec une maestria insolente, compte tenu du contexte et des chiffres qu’affichait le chronomètre. Les anti-CR7, eux, ont vu un beauf exhiber ses abdos après un but sur un penalty venant ponctuer une prestation lamentable de son équipe.
Hélas, si beaucoup de gens aiment le football, peu le connaissent vraiment. En vérité, les deux postulats sont assez justes et pas contradictoires. Mais les vrais érudits du ballon auront remarqué que, si le Portugais a sans aucun doute été décisif ce mercredi soir face à la Juve, l’action à retenir a eu lieu quelques minutes plus tôt. Tout s’est passé une poignée de secondes avant l’expulsion de Buffon et les gesticulations des transalpins.
Inutile d’avancer des statistiques
Les caméras ont préféré nous abreuver de multiples ralentis et innombrables zooms, pour que chacun se fasse une idée de la régularité de la charge de Mehdi Benatia sur Lucas Vázquez. Pas grand monde, en revanche pour faire un focus sur la remise de la tête de l’Atlante de Madère pour son compère de l’attaque madrilène : absolument parfaite, précise, en pleine extension et malgré la présence d’Alex Sandro pour le gêner… L’attaquant madrilène a tout simplement transformé en bijou une passe casse-croûte de Kroos qui était censée finir en sortie de but. Inutile d’avancer des statistiques, de répondre par les chiffres sur son ratio de buts de la tête, ou d’opérer un décryptage technique de la détente du Lusitanien et de sa capacité « jordanesque » à rester en l’air plus longtemps que les autres. Le doute n’est plus de mise : nous sommes là face au meilleur joueur de tête de l’histoire.
Prédestiné à devenir un Jaouad Zaïri en un peu meilleur
Et pourtant, c’était loin d’être gagné d’avance. Que de chemin parcouru depuis ses débuts. Rappelons-nous la danseuse qu’il était lors de ses premières saisons à Manchester United : un type avec des mèches blondes et un appareil dentaire bon à faire des passements de jambes, et à s’écrouler au moindre coup d’épaule de défenseur gallois. Normalement, il aurait dû devenir un Jaouad Zaïri en un peu meilleur, une otarie premium, dont les seuls buts du front auraient été inscrits à quatre pattes, après avoir effacé le gardien. À 20 ans, il était de la trempe de ceux qui se battent pour tirer les corners, afin d’éviter d’avoir à se mêler à la lutte à la retombée du ballon. Ou de ceux qui estiment que « faire des têtes, ça décoiffe » . À 30, il est de ceux qui vont au charbon avec les stoppeurs et les poings des gardiens adverses, celui qui représente la plus grosse menace sur coups de pied arrêtés, et une cible préférentielle sur les centres de ses coéquipiers.
Souvent raillé pour ses coiffures au gel et sa propension à tomber, Cristiano Ronaldo a pourtant réduit, par ses coups de casque décisifs par dizaines, Klinsmann, Zamorano, Hrubesch et autres au rang de simples bons joueurs de tête. Difficile de dire de quand date sa métamorphose. De la demi-finale de l’Euro 2004 face aux Pays-Bas, durant laquelle il avait ouvert le score sur corner ? Plus probablement lors de la saison 2007-2008 avec MU, celle de sa première Ligue des champions. Il avait d’ailleurs marqué en finale. De la tête. Entre Ricardo Carvalho et Michael Essien.
Par Marc Hervez