- Réforme budgétaire
Le footeux, un riche comme un autre ?
L'état français va donc devoir se serrer la ceinture pour conserver la précieuse note AAA et de ce fait mettre à contribution le pays dans son ensemble. Or les plus malins des patrons ont devancé la course démagogique style « haro sur les riches » pour proposer de leur propre chef une contribution exceptionnelle afin de réduire les déficits publics. Les footballeurs ne seraient-ils pas inspirés d'en faire autant avant qu'un député UMP « droite populaire » n'en dégaine l'idée pour court-circuiter le FN ?
Le Premier Ministre a finalement annoncé, mercredi, une série de mesures destinées à réduire le train de vie de l’Etat et surtout sa dette qui menace dangereusement sa position face aux marchés financiers. Si, en apparence, le gouvernement s’est engagé à ne pas toucher aux impôts directs, de fait l’ensemble des ménages, en creux par les coupes budgétaires ou directement avec les rabotages sur les niches fiscales, va en subir les conséquences. C’est dans ce contexte – et alors que la cagnotte des foyers les plus favorisés suit une courbe exponentielle depuis 2002 (+24 % en moyenne en 2010 pour les boss du CAC 40) -, que 16 patrons français et non des moindres, dont la « généreuse » Liliane Bettencourt, ont lancé un appel sur le site du Nouvel Obs et publié dans l’édition papier, réclamant « l’instauration d’une « contribution exceptionnelle » qui toucherait les contribuables français les plus favorisés » (imitant en cela la précédente saillie du milliardaire américain Warren Buffet, ndlr). Tactiquement bien joué dans un excellent timing, ce provisoire « sacrifice volontaire » , s’inscrivant dans une « réforme générale » , accompagne finement une mesure inévitable pour la droite qui désire, à quelques mois de la Présidentielle, éviter de répéter l’erreur du bouclier fiscal.
Pastore, Lisandro, Valbuena…
Au final cette décision « symbolique » devrait toucher ceux et celles émargeant à plus de 500 000 d’euros l’année. Parmi eux se compteront évidemment quelques footballeurs français ou étrangers comme Yoann Gourcuff, Matthieu Valbuena, Lisandro Lopez ou encore la nouvelle recrue du PSG Javier Pastore (qui ne doit nourrir aucun regret, vu que même Berlusconi y songe désormais). Les expatriés en Angleterre pourront pour leur part continuer à sourire à la face de la patrie du prélèvement obligatoire et des tranches progressives. Les stars à crampons devraient cependant adopter un profil bas et profiter de l’occasion en guise de repentance post-Knysna, démontrant ainsi qu’ils ont compris la leçon ou, tout du moins, qu’ils savent encore préserver les apparences. Les « gentils patrons » ont su en tout cas trouver de leur coté des mots surprenants pour séduire le citoyen lambda, qu’ils soupçonnent sûrement de croire toujours aux vertus de la protection sociale : « Nous sommes conscients d’avoir pleinement bénéficié d’un modèle français et d’un environnement européen auxquels nous sommes attachés et que nous souhaitons contribuer à préserver » . Dépourvus de toute « conscience de classe » , y compris en tant que privilégiés devant ruser avec la démocratie d’opinion, les footballeurs sont-ils simplement capables de s’emparer de ce type d’opportunité démagogique peu coûteuse?
Car l’ensemble de ce petit monde cultive, avec un aplomb déconcertant d’inculture politique, un délire antifiscal qui s’était exprimé à plein lors de la suppression, pourtant planifié dés sa création, du droit à l’image collectif. Que le propos se résume au « on est au bord de la faillite » des présidents clubs, ou encore dans le « pourquoi me confisque-t-on l’argent si durement gagné avec mon talent ? » à la sauce Anelka, tous les acteurs convergent pour juger l’impôt inutile voire dangereux pour le foot pro. Ils finissent surtout par concevoir leur place dans la société comme une espèce de bulle qu’aucune considération sociale ne devrait pénétrer. La crise, enfin la dernière en date, celle du mois d’août, va pourtant frapper rapidement à la porte de l’économie du pays et, à moins de jouer les autistes, il faudra bien que le foot français se penche sur autre chose que les droits télés. Les braves gars qui le font vivre de leur abonnement à Canal Plus ou en achetant le maillot pour le fiston, apprécieront peut-être le geste au moment de sacrifier un peu de leur pouvoir d’achat en berne dans les futilités du ballon rond.
Nicolas Kssis-Martov
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