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Le football pour tous
À trois semaines du premier choc contre Manchester United, le PSG a perdu Neymar sur blessure, mercredi soir, contre Strasbourg. Le début de la panique pour le club de la capitale et de la polémique autour du jeu rugueux proposé par les Alsaciens et des déclarations de Thierry Laurey et Anthony Gonçalves. L'occasion de rappeler que le football n'appartient pas seulement aux artistes, aussi beaux soient-ils.
Ce n’est pas un scoop, le football ne se résume pas à la Ligue 1, la Coupe de France, la Ligue des champions et toutes les autres compétitions dont il est possible de se délecter devant la télé. Non, le football se joue également dans la rue, au pied d’un immeuble, dans un square, un parc, une cour d’école ou au five d’Ivry-sur-Seine. Et entre nous, qui n’est jamais tombé sur un adversaire, un pote un peu trop chambreur, dont les multiples grigris donnent envie de répondre par un sale coup de pied dans les tibias ? Attention, rien de bien méchant. Il n’est pas question de l’envoyer à l’hosto, juste de lui rappeler que tu peux le stopper, quitte à ce que ce ne soit pas d’un joli tacle glissé dans les pieds. Une question de frustration, une question de fierté, et tant pis si elle est parfois mal placée. Une réaction humaine, quoi.
Droit de réponse
Et c’est exactement ce qui a dû commander Moatez Zemzemi, mercredi soir, quelques minutes avant la sortie de Neymar sur blessure à la 61e minute de jeu, lors du seizième de finale de Coupe de France entre Paris et Strasbourg. Au Parc des Princes, le Tunisien de 19 piges a connu sa première titularisation au plus haut niveau en Europe. Au programme : un Ney plutôt chambreur, amateur de feintes en tout genre et gestes techniques dont il a le secret. Joli, très joli. Qui n’aime pas venir au stade pour voir des artistes comme Neymar régaler son monde ? Oui, mais en face, il y a une équipe, il y a des joueurs qui ne sont pas là pour admirer la technique du Brésilien et le laisser se balader sur le pré. Alors le jeune Zemzemi a évacué toute sa frustration en envoyant trois méchants coups dans les guibolles de Neymar, au point de réveiller sa douleur au pied droit. Oui, le gamin a réagi sans aucune intention de blesser l’ancien Barcelonais gravement. Et il aurait bien mérité une belle sanction, mais l’arbitre a attendu la troisième faute pour siffler. Le joueur a d’ailleurs immédiatement présenté ses excuses au micro d’Eurosport après la défaite : « Je n’ai pas fait exprès de le blesser. Ça, c’est sûr. Je m’excuse auprès de Neymar s’il est gravement blessé. Je n’aime pas me faire blesser, donc je ne veux pas le faire aux autres. Je lui souhaite un prompt rétablissement. »
Qu’on s’entende : Neymar est un génie, un phénomène, et il a parfaitement le droit de se laisser aller à quelques chambrages. Après tout, cela fait partie du jeu. Mais son adversaire, celui qui se ramasse un petit pont, une passe du dos ou une main tendue retirée (cf Hamari Traoré lors de PSG-Rennes en janvier 2018), il a aussi le droit d’être frustré, vexé, tout simplement parce que c’est une réaction humaine. Et Neymar, lui, répondra avec un nouveau geste délicieux pour les yeux. Quant au mauvais coup, au sale tacle, il doit logiquement être sanctionné par l’arbitre d’un carton jaune (ou rouge, question d’interprétation). Comme on peut le voir sur tous les terrains chaque week-end, quand d’autres artistes, d’autres joueurs prennent des sales coups, sans que cela ne crée un grand débat national sur le football hexagonal. Non, la L1 n’est pas un championnat merdique parce que des joueurs osent rentrer dans le lard de Neymar. Heureusement, elle a suffisamment de problèmes à régler comme ça.
Mauvaises réactions, bonne attitude
Autre problème : les déclarations d’après-match de Thierry Laurey et Anthony Gonçalves. « C’est son style, mais forcément quand tu veux jouer comme ça, ne viens pas te plaindre si tu prends des coups derrière.(…)C’est un grand joueur, je le respecte. Il veut s’amuser, on répond avec nos armes, on ne va pas se laisser faire » , a lâché le milieu strasbourgeois. Une réaction à chaud, après 90 minutes d’effort et une défaite. Une excuse ? Pas du tout, mais il est nécessaire de la contextualiser. Non, Neymar n’est pas le coupable, il est la victime dans cette histoire. Mais faudrait-il pour autant lui faire une haie d’honneur pour le laisser passer ? Des tacles irréguliers, il y en a dans tous les matchs. Et peut-être encore plus dans ceux du PSG, tant les équipes en face se sentent parfois désemparées face aux talents de la capitale. Aux arbitres de protéger les meilleurs provocateurs, à Paris ou ailleurs.
Le vrai souci, c’est probablement la déclaration de Thierry Laurey, 54 ans et plus expérimenté : « Je ne pense pas que j’ai demandé à mes joueurs de mettre des coups, mais je comprends que mes joueurs en aient marre de voir quelqu’un qui cherche un peu à les narguer, à les chambrer. » Avant de lâcher : « Je n’ai rien contre Neymar. Qu’il continue à faire ça, il n’y a pas de problème ! Parce que Neymar, s’il fait ça contre Manchester, il va se faire soulever de la même façon, ne soyez pas surpris ! » Oui, le technicien aurait pu s’abstenir, montrer l’exemple, ne pas se lâcher autant sur l’international brésilien. Ses joueurs étaient-ils vraiment là pour faire mal aux Parisiens ? Probablement pas. Quand ils ne jouent pas contre lui, il n’est même pas impossible qu’ils soient fans des gestes de Neymar. Sauf qu’ils étaient sur la pelouse mercredi soir. Et sur celle-ci, il y a les joueurs techniques, les artistes et il y a les gars plus besogneux, les guerriers, les rugueux. Et finalement, c’est bien pour cette diversité que le foot est si bon.
Par Clément Gavard