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« Le football en Allemagne de l’Est reflète fortement ce qui vivent les Ossies »

Propos recueillis par Nicolas Kssis-Martov
« Le football en Allemagne de l’Est reflète fortement ce qui vivent les Ossies »

Voici trente ans, la RFA engloutissait définitivement la RDA. Si peu pleurèrent la disparition de ce régime autoritaire, le processus d’unification ne s’est pas déroulé sans douleurs, comme en témoigne le très beau documentaire de Netflix sur l’assassinat par la Fraction Armée rouge de son principal maître d’œuvre, Detlev Rohwedder. Dans le domaine du football, le processus aboutit à annihiler un championnat et une sélection nationale, une certaine culture du foot, ancrée aussi bien dans le projet d’un sport « socialiste » que dans l’héritage de l’ancienne Prusse. Daniel Ziesche, professeur d’université à Chemnitz et supporter du Dynamo Dresde, lève le voile sur cette dimension peu connue de la grande Allemagne.

Pouvez-vous nous décrire le processus de l’unification du football allemand ?Tout comme avec la réunification des deux États qui s’est achevée il y a une trentaine d’années et qui, à bien des égards, n’était pas une réunification, mais plutôt une absorption de la RDA, les deux systèmes de football n’ont en fait pas fusionné (ou été unifiés). Les clubs est-allemands ont été incorporés dans la fédération ouest-allemande, n’offrant qu’une poignée de positions de départ dans les deux premières divisions de Bundesliga pour lesquelles les équipes ont dû concourir lors de la dernière saison de l’Oberliga (le premier niveau du système de football de la RDA). De plus, dès la fin de 1989, les stars du football est-allemand ont été attirées par des grandes enseignes de l’Ouest à des prix ridicules. À tel point que le chancelier de l’époque Helmut Kohl a dû intervenir et exiger un arrêt de la vente des talents de l’exRDA.

Beaucoup de clubs ont par la suite fait faillite.Oui. Ils ont fait faillite dans une nouvelle configuration économique et sportive pour laquelle ils ne possédaient ni le savoir-faire ni les moyens financiers pour concourir équitablement. L’aide offerte par les soi-disant « Glücksritter » – des managers imprudents qui recherchaient des profits à court terme dans ce qui était largement considéré comme un « Far East » – a aussi contribué à la ruine de nombreux anciens clubs de haut niveau.

Les anciens clubs vedettes ont cessé d’exister plutôt que de demeurer dans les ligues basses.

Comment s’est, dès lors, réorganisé le foot dans ce qui était désormais les Länder de l’Est ?À partir de 1996, ce sont les clubs qui n’avaient pas gagné beaucoup de gloire dans le système de football de la RDA qui ont été en mesure de s’adapter le mieux aux nouvelles circonstances. Délaissés par les managers de l’Ouest et donc non vendus ou mis en ruine, l’Hansa Rostock, l’Energie Cottbus, et dans une certaine mesure aussi l’Erzgebirge Aue, sont parvenus à représenter la région en Bundesliga. L’Union Berlin pourrait être considérée comme un autre exemple plus contemporain. Au lieu de cela, les anciens clubs vedettes ont cessé d’exister plutôt que de demeurer dans les ligues basses.

Les clubs qui subsistent gardent-ils une trace ou une mémoire de leur passé en RDA ?De nombreux clubs, chacun à leur manière, ont tenté de se débarrasser de la mémoire culturelle du football de la RDA, par exemple en changeant leur nom, soit pour revenir à des sigles qui existaient avant la RDA, à l’instar du Lokomotiv Leipzig qui a changé de paronyme et d’emblème pour revenir au VfB Leipzig, qui avait au passage remporté le premier championnat entièrement allemand en 1903. D’autres n’ont tronqué que des parties de leur identité, comme le Dynamo Dresden qui se faisait appeler 1. FC (premier football club) Dynamo Dresden à partir de 1990 et qui a adopté le vert et le blanc (les couleurs de l’État fédéral de Saxe) dans son logo par opposition au bordeaux-blanc. D’autres ont présenté des noms complètement nouveaux, tels le BSG Chemie Leipzig qui a évolué sous celui de FC Sachsen Leipzig avec un tout nouvel emblème jusqu’en 2011.

Le fait que vous ayez besoin de vous tourner vers les ligues inférieures pour vivre ces fameux derbys de l’Est est bien sûr assez révélateur en ce qui concerne le lourd tribut que le processus de réunification a entraîné pour les clubs est-allemands.

Du coup, quelle leçon ou bilan en tirer sur le résultat de l’unification du foot allemand, trente ans après ?Sportivement, l’impression de « sous-classe » est définitivement une caractéristique forte du football en Allemagne de l’Est aujourd’hui, comme je l’ai indiqué précédemment. Malgré le fait que d’autres équipes occidentales bien connues connaissent des difficultés similaires, la liquidation et la chute libre de l’ensemble des clubs de premier plan est un processus sans précédent à tous égards et fortement politisé. Le fait que vous ayez besoin de vous tourner vers les ligues inférieures pour vivre ces fameux derbys de l’Est est bien sûr assez révélateur en ce qui concerne le lourd tribut que le processus de réunification a entraîné pour les clubs est-allemands. Il présente de nombreuses similitudes avec les processus qui ont eu lieu en dehors du football. Pendant longtemps, pas un seul club d’Allemagne de l’Est n’a concouru en Bundesliga contre le Bayern ou Dortmund. De nos jours, le RB Leipzig, fondé en tant que nouvelle structure en 2009, cherche à s’imposer. Mais le club se polarise trop et n’est pas considéré comme un véritable club d’Allemagne de l’Est par de nombreux Ossies. Pas seulement parce qu’il manque d’histoire et de tradition, mais en raison de son modèle de propriété, de la société autrichienne qu’il représente (et de l’argent qu’elle dépense), du manque de personnel ou d’acteurs ayant des racines en Allemagne de l’Est.

Le foot dans les Länderde l’Est a-t-il toujours une mauvaise image, notamment en raison de ses supporters et du hooliganisme, souvent d’extrême droite ?
C’est un lieu commun d’affirmer souvent que le football en Allemagne de l’Est est vécu plus intensément par ses fans, avec tous les effets secondaires positifs et négatifs que cela peut signifier. L’image et l’opinion véhiculées dans les médias suggèrent que les supporters est-allemands se révèlent plus violents et qu’ils pencheraient vers la droite. Certaines données semblent étayer ces faits. Pourtant, il y existe une forte distorsion sur l’étude et les couvertures du foot à l’Est, donc je serais prudent pour y voir une caractéristique spécifique, en dehors de l’image. Bien sûr, nous devons garder à l’esprit que ce sont les anciens meilleurs clubs avec un large public qui s’affrontent désormais dans les ligues inférieures. Ce seul fait rend les comparaisons difficiles s’ils jouent contre une équipe de troisième division de l’Ouest qui n’a jamais connu le niveau supérieur. Ainsi, les foules que certains clubs d’Allemagne de l’Est attirent sont immenses au regard du championnat considéré. Cela illustre d’ailleurs également la capacité à souffrir de ces fans. Néanmoins, cela peut être généralisé aux nombreux clubs qui attirent encore de grandes foules malgré la chute sportive.

Les clubs de l’Est sont souvent le seul élément du passé de la RDA dans la vie quotidienne de nombreuses personnes, encore davantage pour celles qui ont migré à l’Ouest.

Les supporters seraient donc le lien le plus puissant avec le passé est-allemand et l’ex-RDA ?Le football en Allemagne de l’Est – l’état des clubs et les tensions qui les traversent – reflète fortement le vécu de nombreux Ossies. Cela ne veut pas dire que cela n’affecte que les clubs est-allemands – il existe de nombreux clubs traditionnels occidentaux qui ont subi des destins similaires de la gloire à la ruine ces dernières années, comme Essen ou Kaiserslautern. Cela ne signifie pas non plus que les personnes qui ne sont pas originaires de l’Est s’identifient moins à leur club respectif, ce serait une affirmation ridicule compte tenu des relations solides que les gens entretiennent avec leur club de football dans toutes les régions d’Allemagne. Cependant, les clubs de l’Est sont souvent le seul élément du passé de la RDA dans la vie quotidienne de nombreuses personnes, encore davantage pour celles qui ont migré à l’Ouest. Je dirais donc peut-être que les fans des clubs d’Allemagne de l’Est s’identifient à leurs couleurs à un niveau supplémentaire, surtout si ces clubs avaient connu des succès autrefois, sous la RDA. Cependant, ces résultats et ces trophée furent remportés dans un système de football différent et dans un pays différent, les deux n’existent plus. Les clubs si. Cela crée certainement une relation spéciale.

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