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Le foot roule-t-il au racisme ordinaire ?
La trêve internationale commence à peine que le foot ne quitte pas l’actualité. Cette fois avec des affaires de racisme secouant les divisions dites inférieures. Rien d'idéologique, mais la manifestation d’un racisme ordinaire et structurel qui s’impose aussi dans le ballon rond.
L’Olympique Lyon Sud représente l’un de ces nombreux clubs dits moyens qui font la force et l’enracinement du foot dans l’Hexagone. Disputant le championnat de Régional 1, il est peu habitué à attirer l’attention, si ce n’est de la presse locale. Cette fois, il défraye la chronique, mais sur un autre terrain que celui d’une éventuelle montée. En effet, son entraîneur Mamadou Doumbia, ancien international ivoirien, son adjoint Charles Danquah et une douzaine de joueurs ont démissionné pour dénoncer le racisme sévissant au sein de l’association. Il s’en est expliqué plusieurs fois sur Facebook : « Ils comptent le nombre de noirs alors que nous voyons une belle bande de copains. C’est trop ! »
Depuis, une autre affaire, du côté d’Orléans, est venue écorner la belle image d’un sport ou règnent la diversité et le métissage (davantage que dans d’autres disciplines telle que le rugby, ou d’autres secteurs de la société). L’accusé se nomme cette fois Bernard Casoni, coach de l’US Orléans (17e en National), ex-international tricolore (30 sélections, 1 but) et surtout ancienne gloire de la grande période de l’OM. Sa réputation autour de son mauvais caractère et surtout son management à l’ancienne ne datent pas d’hier. Cette fois-ci, de nombreux membres de son effectif se sont plaints de propos à caractère raciste, publics et lors des entraînements.
« Ils ne sont pas plus cons que des Maghrébins, hein… »
Un problème que le principal concerné a lui-même illustré le 21 septembre dernier, à la veille du match entre l’USO et Châteauroux. Au micro de France Bleu Orléans, il a déroulé une belle analyse ethno-différentialiste sur l’intelligence des joueurs suivant leur origine. « Mon rôle, c’est de leur dire, de leur montrer et de les aider à résoudre les problèmes. Voilà, c’est tout. Je l’ai fait dans tous les clubs où je suis passé, je l’ai fait avec des Maghrébins ! Ils ne sont pas plus cons que des Maghrébins, hein… Je veux dire, voilà, c’est le rôle d’un entraîneur. » Cette embardée ne s’avère guère surprenante finalement quand on se souvient de son soutien à un Laurent Blanc empêtré dans la polémique des quotas. Il dissertait alors sur les aptitudes physiques et intellectuelles des joueurs noirs et du joueur africain qui « est puissant sur un terrain. Mais le foot, ce n’est pas que ça. C’est aussi de la technique, de l’intelligence, de la discipline ». Dans ce registre, il aurait également demandé à « blanchir l’effectif », ce qu’un joueur orléanais admettait à demi-mot auprès de France Bleu : « Est-ce que l’entraîneur m’a demandé de blanchir l’effectif ? Je ne peux pas vous répondre. Il ne faut pas sortir cette phrase de son contexte. Il ne faut pas déstabiliser le club. »
À la différence de Christophe Galtier, Bernard Casoni ne nie pas grand-chose. Devine-t-il que dans la France qui regarde CNews et apporte un tiers de ses votes au RN ou à Zemmour, ses propos sont finalement bien dans l’air du temps ? Nous ne sommes pas cependant face à un racisme conceptualisé ni idéologique (comme celui qui existe dans certaines firmes de hooligans). Bernard Casoni n’est pas un suprémaciste « white power » qui organise des raouts de la nouvelle droite chez lui le week-end. Il croit simplement à un ordre des choses (ce qui semble s’associer parfaitement avec son approche assez brutale des rapports hiérarchiques). Il s’agit d’un racisme dit ordinaire, structurel, fondé sur l’idée que les préjugés constituent en fait des lieux communs, du bon sens, et sont donc inattaquables. Par exemple, il utilise son passage à la tête de clubs d’Afrique du Nord en guise d’alibi imparable. « Ma phrase sur les Maghrébins en conférence de presse (« Ils ne sont pas plus cons que des Maghrébins »), c’est pour dire à mes joueurs qu’ils sont aussi intelligents que des Maghrébins. J’ai bossé six ans là-bas et vous pensez que je suis raciste ? », déroule-t-il auprès de France Bleu. De la même manière, il balaie d’un revers de main rabelaisien les reproches envers son humour, par exemple lorsqu’il explique qu’une équipe formée uniquement de noirs n’a pas besoin de chasuble. « C’est du chambrage ! Je suis un gars du Sud, c’est du football, ce n’est que du chambrage. Aujourd’hui, on ne peut plus rien dire. » On attend avec impatience son analyse si des punaises de lit venaient à être découvertes dans les repose-tête du bus du club.
Par Nicolas Kssis-Martov