- Euro 2016
Le foot est-il une drogue ?
Trois, voire quatre matchs par jour, et puis plus rien. Tout s’arrête. Brutalement. Sans prévenir. Et ce, pendant deux jours. Le manque est là. L’envie de s’en mettre plein les veines aussi. Alors forcément, la question se pose.
Il est 17h50 et tout va bien pour toi. Ton cul posé sur une chaise, quelques rayons de soleil (pour les sudistes) caressent encore ta peau. Tes amis sont là, avec toi, face à cet écran géant de mauvaise qualité. Le volume, poussé jusqu’à 45, sature comme tu l’apprécies. Les quelques bières que vous avez commandées arrivent tout juste sur votre table. Timing parfait, puisque l’arbitre, Clément Turpin (oui, tu te souviens très bien de son identité) s’apprête à siffler le coup d’envoi de cette petite affiche, pour ne pas dire indigeste, Autriche-Hongrie. Et pourtant, malgré tout, un sentiment de bonheur intense envahit ton corps. Tu as la banane, mais tu ne comprends pas pourquoi toutes tes sensations, tes émotions, tes réactions sont si fortes. L’alcool ? Les amis ? La fin de journée ? Un peu de tout ça, certainement. Mais aussi et surtout parce que tu t’apprêtes à recevoir ta dose quotidienne de footballine.
Drogue dure
Jusque-là, tu ne t’étais pas vraiment posé la question. Mais devant les 48 heures de vide, d’absence, de manque qui t’attendent aujourd’hui, un courant d’air frais parcourt le chemin tracé par ta colonne vertébrale, humide. Alors certes, le football n’entre pas dans la définition médicale de ce que l’on appelle une « drogue » – une substance, naturelle ou synthétique, qui a un effet modificateur sur l’état de conscience et/ou l’activité mentale -, mais les symptômes s’en rapprochent. À n’en pas douter. Plusieurs footballeurs l’ont raconté avec un vocabulaire qui ne laisse aucune place au doute.
Éric Cantona, d’abord, lors d’une interview accordée à France Info en 2015 :
« Je disais dans les interviews quand j’avais 20 ans que, quand je n’aurais plus cette passion du jeu, j’arrêterais. Quand je l’ai perdue, j’ai arrêté. Je sais que le football est quelque chose de très fort, c’est une drogue. J’ai décidé de ne plus regarder les matchs, un peu comme un drogué qui doit absolument fuir son dealer. J’avais d’autres passions, j’ai commencé le cinéma, j’ai commencé à tourner. » Quelques années avant le King, Claudio Gentile, légende du football italien, avait déjà emprunté ce champ lexical : après la fin de sa carrière, en 1988, il travailla pendant quatre ans dans une usine de textile pour « se désintoxiquer » du ballon rond.
Sevrage
Bref, et puisque le football n’est pas « une substance naturelle ou synthétique » , mais qu’il provoque « une modification de l’état de conscience et/ou l’activité mentale » , il rejoint donc la catégorie des assimilés. Un peu comme le chocolat et les jeux vidéos : « Il y a une addiction au foot, c’est sûr, affirme Pascal Anger, psychologue. Beaucoup de mecs et de femmes s’y mettent, encore plus aujourd’hui. Et quand on a mis le pied dedans, on ne peut plus s’en passer. Il n’y pas d’entre-deux dans le foot. Soit on est un passionné et on est accro à tout ce que nous procure le foot. Plaisirs, tensions, adrénaline. Soit on n’aime pas du tout ça. »
Il en faudrait donc peu pour qu’il soit reconnu, à l’avenir, comme une addiction officielle : « C’est déjà le cas pour la télé, les tablettes, les jeux vidéo, les supports numériques… Alors pourquoi pas le foot ? » D’ailleurs, peut-être que l’UEFA est déjà au courant de tout ça et que cette pause de deux jours est un moyen de commencer à nous sevrer… Il y a bien un petit match de Copa América qui traîne par là, non ?
Par Ugo Bocchi