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Le foot en slip

Par Ronan Boscher, à Rio.
5 minutes
Le foot en slip

À Rio, la plage appartient à ceux qui se lèvent tôt ou ne se couchent pas. Le dimanche, à 10 heures 30, une partie de foot particulière prend place sur une frange de Copacabana. Petite immersion dans ce foot de rue sur le sable : le pelado.

Leonardo et Zé travaillent respectivement dans un supermarché et dans un hôtel. Mais, aujourd’hui, c’est dimanche et relâche. Ces deux « quinqua » – au moins – portent parfaitement le sunga, ce slip de bain brésilien à mi-chemin entre le shorty et le slip, et profitent de leur transat, à deux tongs du bord de l’eau, sur Copacabana. Leonardo a sa bière ; Zé une caïpirinha et affirme avoir joué contre Dada Maravilha. Il est exactement 11h12 du matin et les deux compères ont, à l’ouïe, déjà du kilomètre au compteur. « Vous êtes français ? Mon cousin vit en France. C’est un bixona (ndlr, un gay) » , détend de suite Zé, en mettant son index évocateur dans le petit trou mimé par son autre main.

Junior l’habitué

En suivant le doigt, on oublie vite le séant du cousin de Zé pour apercevoir une quinzaine de Golgoths cariocas, dont certains en slip, en pleine partie de foot. Le pelado de 10h30 de Siqueira Campos bat son plein sur Copacabana. C’est une institution du match informel dominical ensablé à Rio. Il oppose toujours les gars des milieux populaires de l’arrière-pays « copacabanesque » , depuis trois générations. « Junior, il est là tous les dimanches normalement, explique Almeida, qui se dit être le « Scolari » du lieu, pépé et pépère sur sa chaise de camping. Mais pour la Coupe du monde, il a dû s’absenter, pour aller sur les plateaux télés. » Ce pelado possède même son lever de rideau. Le broxadão brochadent – « débander » ou « demi-molle » en VF – oppose les quinquagénaires au talent plus limité. L’endroit est tellement couru qu’à l’été brésilien, les figures du pays viennent avec leurs équipes pour en découdre. Les initiés l’appellent le « jugo de crack » . Romário ou Zico sont par exemple de la sauterie.

L’enjeu est toujours le même : « Celui qui perd paye la viande grillée, les bières et les caïpi » , précise Almeida. Pourtant, sur le terrain, l’ambiance est tendue. Le goût de la viande et de l’agrume peut-être. Machado, banquier dans le civil et arbitre « officiel » de ce pelado, y officie depuis 5 ans, tous les dimanches matin, mais encaisse quolibets et intimidations physiques. « C’est toujours la même chose. Ils n’arrêtent pas. Mais ce sont des amis, malgré ce que vous avez vu. » Question autorité, il est vrai qu’on a vu mieux. Slobard, chapeau et tee-shirt en protection sur la nuque font de lui l’homme en noir. Théâtral dans sa gestuelle, il essaie de canaliser un jeu qui n’a finalement rien du joga bonito. Si les gestes simples sur gazon sont parfaitement maîtrisés sur le sable, les jongles et autres fantaisies de l’imaginaire footballistique brésilien restent à la cave. Déjà, il faut pouvoir s’enquiller une heure et quarante minutes de jeu. À patauger dans le sable. « Si Junior en est arrivé là, aussi haut dans sa carrière, c’est qu’il a construit son physique sur ce pelado » , se gargarise Almeida. Ensuite, les contacts sont rudes, nombreux et sans pitié, pote ou pas. La barbaque et le rafraîchissement semblent vraiment motiver. « C’est beaucoup plus dur que le beach-soccer, où il y a beaucoup de coups francs » explique De Valdo, sélectionné pour 4 Mondiaux de « beach » avec la Seleção et sur l’aire de jeu ce dimanche. Imaginez un 8 contre 8 sur la surface d’un terrain de hand, tanké dans le sable. Forcément, les doigts de pied se rencontrent.

La concurrence du beach-soccer

Mais Almeida du haut de sa petite chaise de campeur et 50 ans d’observation grimace : « Le niveau est plus faible qu’avant. Je vois moins de joueurs venir s’essayer à ce pelado. » D’une part, il faut se faire coopter. Le gringo ou jeunot ne peut venir à l’improviste. Almeida résume : « Si t’es mon copain, et que t’es bon, alors on peut y réfléchir. Après ça, tu es sûr d’une chose : tu commences sur le banc et t’espères qu’un type se fatigue pour un remplacement. Et que ce soit ton tour. Bon, en général, au bout de vingt minutes, ça peut le faire. » D’autre part, le frémissement du beach-soccer sur le globe a siphonné le réservoir. « Le « beach » peut offrir un peu d’argent. Beaucoup partent à l’étranger et en arrivent à jouer pour des sélections étrangères. » De Valdo parle de « la Russie, un pays dans lequel tu peux gagner ta vie avec le beach-soccer » , mais ne souhaite pas pour autant s’y hasarder. « Aujourd’hui, je partage mon temps le matin avec le beach soccer et l’après-midi, j’aide les gamins de la « Communidade » (ndlr : une favéla dite de façon polie à Rio). J’avais fait des essais à Breda à un moment, pour du foot sur gazon, mais j’étais trop jeune, pas assez de plomb dans la tête. Aujourd’hui, dès que je peux, j’essaie de me faire ce pelado du dimanche. » Si, sur le terrain, la passion irrationnelle pour une petite partie du dimanche matin transpire, autour, l’audience reste tout de même clairsemée, bien que curieuse du combat menée au milieu de cette tambouille en slip. Le « Scolari » Almeida en est d’ailleurs venu à créer son propre pelado, à côté : « Il n’y a pas le droit d’emmener des bières, pas le droit de fumer, de s’insulter. Les parents sont plutôt contents de m’envoyer leurs enfants. Ça rassure. » Ce dimanche 24 juin, le pelado de 10 h 30 de Siqueira Campos s’est ponctué sur un 3-3. Ils partageront l’addition.

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