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  • Foot et Réseaux sociaux

Le foot doit-il faire une croix sur X ?

Par Nicolas Kssis-Martov
4 minutes

Sankt Pauli et le Werder Brême ont annoncé, avec forte publicité, quitter X (anciennement Twitter), le joujou d’Elon Musk. Cette décision survient dans un contexte de prise de conscience générale sur la place des réseaux sociaux, entre inquiétude éthique et hypocrisie commerciale.

Le foot doit-il faire une croix sur X ?

« Depuis qu’Elon Musk a repris la plateforme, les discours de haine, la haine contre les minorités, les messages d’extrême droite et les théories du complot se sont multipliés à un rythme incroyable sous couvert de liberté d’expression. » Il ne s’agit pas d’une réaction de Kamala Harris à la suite de sa défaite, mais simplement d’un extrait du communiqué du Werder Brême, qui nous prévient que l’actuel huitième de Bundesliga renonce officiellement à sa présence sur X (anciennement Twitter). Très politique, et dans l’air du temps, ce choix, tout sauf anodin, s’inscrit dans la foulée de Sankt Pauli, plus attendu au regard de l’identité du club d’Hambourg. Ce dernier semble également considérer le réseau social comme une sorte de pandémonium du fascisme virtuel, menaçant désormais l’Allemagne après les USA. Bref, « un amplificateur de haine qui peut également influencer la campagne électorale du Bundestag ».

Tweet

L’exode de l’ancien Twitter est devenu une véritable tendance, surtout depuis qu’il est rendu partiellement responsable du cataclysme démocratique qui a conduit le populiste d’extrême droite Donald Trump vers une élection présidentielle triomphale. De nombreuses personnalités se sont exilées, à l’instar de l’acteur Mark Ruffalo, vers Bluesky, incarnant désormais l’alternative progressiste au royaume du mal d’Elon Musk. Il s’avère certes infiniment louable de fuir ce repaire de trolls et de comptes anonymes pro-russes. X cristallise par de nombreux aspects, et depuis longtemps, avant même le rachat par le boss de Tesla, les maux et les dérives des réseaux sociaux, le cyberharcèlement notamment, poussant par exemple LeBron James à débrancher la perf pour se désintoxiquer et se préserver.

Marketing maléfique et vecteur de passion

En France, le mouvement s’avère plus modeste. Ouest-France a néanmoins cessé de publier sur son compte officiel, imitant de nombreux titres à travers le Vieux Continent, tel le Guardian en perfide Albion. Une prise de conscience un peu tardive en guise de pénitence, pour s’excuser d’avoir été les complices « certifiés », à l’insu de leur plein gré, de la puissance du monstre dévorant les âmes avec ses hashtags et ses gifs (So Foot ne faisant pas exception). Pour l’instant, aucun pensionnaire de Ligue 1 ou Ligue 2, ni même le Red Star, n’a déserté ce canal de diffusion et ses 11 millions de comptes dans l’Hexagone (dont quasiment l’ensemble de la presse et des acteurs du petit monde du foot pro). Difficile en effet de disparaître de cet espace au risque de perdre de l’influence, de la popularité (ou de l’impopularité, ce qui revient au même), et de l’attractivité commerciale. Le marketing maléfique reste du marketing malgré tout.

Les risques sont connus depuis longtemps, comme l’a expérimenté Jean-Michel Aulas, une des anciennes gloires tricolores de Twitter, et pas seulement en DM, lorsqu’il avait dû supprimer précipitamment un tweet sur John Textor après la défaite la saison dernière des Gones contre Montpelier (1-4), assurant ceci : « Mon compte Twitter a été piraté. Je ne suis évidemment pas l’auteur du tweet paru hier à 23h27, que je supprime immédiatement. » L’affaire de l’armée numérique du PSG a démontré qu’il pouvait se transformer en un champ de bataille occulte dans les jeux d’influence et de pression, au-delà de la simple virulence de ce qui peut s’y lire dans le flux d’un défouloir permanent. Kylian Mbappé a même essayé de l’utiliser pour agiter le spectre de la fake news dopée au complotisme, alors que surgissaient les rumeurs sur sa soirée à Stockholm. Toutefois, soyons honnêtes, nous avons tous été des voyeurs amusés cette fameuse nuit où le compte de Samir Nasri avait été hacké en 2016, donnant lieu à l’étalage de sa vie privée.

Mais, dans le même temps, si Twitter puis X ont bénéficié de la manne de contenus apportée par le ballon rond, ils auront été en retour une planche de salut pour maintenir la ferveur et la passion, et donc l’économie, autour du foot. Clubs, joueurs – certes de plus en portés vers Instagram –, supporters, tous furent complices, accros au buzz, au clash et à l’adrénaline de l’actualité permanente. De facto, par pur cynisme, il y a fort à parier que la plupart des responsables de com, de Reims à l’OM, optent davantage pour la diversification que le courage politique ou moral. L’OL a déjà montré la voie en ouvrant un compte sur Bluesky afin de se reconnecter avec certains de ses supporters… Une manière comme une autre de parler à toutes les sensibilités dans ses tribunes.

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