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Le foot bourguignon dans les bas-fonds
Sauf exploit des hommes de Patrice Carteron, Auxerre et Dijon seront relégués en Ligue 2. Une double descente qui renforcera un peu plus l'appauvrissement du foot de haut niveau en Bourgogne, après les dégringolades récentes de Gueugnon et Louhans-Cuiseaux.
« Je gagne, tu gagnes, il gagne, nous Gueugnon. » 22 avril 2000, la génération dorée du FC Gueugnon tape le PSG de Jay-Jay Okocha (2-0) en finale de Coupe de la Ligue. Un scénario parfait ponctué de deux buts de Marcelo Trapasso et Sylvain Flauto, qui couronne finalement la ruralité au détriment de ce PSG plein aux as, symbole du foot business. Un événement qui a fait s’extasier le million et demi de Bourguignons comme un soir de juillet 1998.
Douze ans plus tard, la Bourgogne du football a la gueule de bois. Si tout semblait aller comme sur des roulettes en début de saison avec les départs canons de l’AJ Auxerre et du Dijon FCO, la roue a bien tourné depuis. Occupant aujourd’hui les deux dernières places du classement, les deux locomotives sont plus prêtes que jamais à prendre le train de la mine pour retourner piocher en Ligue 2. Si c’est une certitude pour Auxerre, ce n’est encore qu’une possibilité à forte probabilité pour le club de la Côte d’Or, qui devra réaliser l’improbable à Rennes et profiter d’un concours de circonstances favorable samedi.
Des conséquences sportives à l’aléa économique
En plus d’être un coup dur financier, baisse des droits TV oblige, la chute des deux clubs serait préjudiciable sur le plan sportif, en particulier pour le club qu’a façonné Guy Roux. « A mon sens, c’est moins problématique pour Dijon car le club se structure encore. Mais pour l’AJA, ça va être très dur de remonter en Ligue 1. Il va falloir d’abord assurer sa survie à ce niveau. Les exemples de Lens, Nantes ou Monaco le montrent bien » , s’inquiète Fabien Cool, ancien de la maison devenu élu Nouveau Centre au conseil municipal de la ville.
Et l’ancien dernier rempart de mettre largement en cause les choix du président Hamel, aujourd’hui remplacé par Gérard Bourgoin. Pour lui, multiplier les recrutements foireux et avoir mis de côté la politique de formation qui avait fait la renommée du club l’ont fragilisé : « Avec la revente des joueurs formés, l’AJ Auxerre s’était constitué une cagnotte de 60 millions d’euros, voire de 80 avec les participations en C1. Mais on a dilapidé cet argent en six ans en recrutant 35 joueurs sans être capables de les revendre par la suite. »
Enfin, plus grave, les déboires sportifs des deux larrons bourguignons devraient avoir des retombées néfastes sur l’hôtellerie, les transports ou le tourisme. « Quand on parle aux professionnels de ces secteurs, certains se voilent la face et ne veulent pas croire à une baisse de leur activité. Mais d’autres se montrent plus lucides et estiment que leurs entreprises pourront enregistrer une baisse de 10% de leur business » , souligne Fabien Cool.
Membre de la diagonale du vide ?
Pour Jacques Léger, le président de la ligue régionale, cette cure d’austérité serait désastreuse sportivement : « Pour nous, ça serait un énorme préjudice qui ne ferait que renforcer le phénomène de dégringolade des clubs de la région, après les chutes du FC Gueugnon et de Louhans-Cuiseaux. » Autrefois dignes représentants régionaux en D2, ces clubs formateurs ne sont aujourd’hui que l’ombre de ce qu’ils étaient, végétant respectivement en DH et en CFA2, suite à une succession d’erreurs de gestion.
D’autres indicateurs montrent d’ailleurs à quel point la Bourgogne est en train de s’enfoncer dans la diagonale du vide footballistique. Une zone peu ou prou fidèle géographiquement à celle que présentent les profs de géo aux collégiens ou lycéens. A l’heure actuelle par exemple, le troisième club de la région évoluant au plus haut niveau est le FC Montceau. Demi-finaliste de la Coupe de France 2007 et surtout installé en D2 à la fin des années 80, le club du pays minier est aujourd’hui leader de son championnat en… CFA 2.
« Quand une équipe de DH Bourgogne monte à l’échelon national, elle lutte difficilement pour son maintien alors que n’importe quelle équipe provenant d’une région forte comme Rhône-Alpes joue immédiatement la montée ou le milieu de tableau » , explique encore Nicolas Mermet-Maréchal, conseiller technique départemental de Saône-et-Loire, passé durant sa carrière par l’AS Saint-Étienne, le Red Star ou Louhans-Cuiseaux. Quand le club évoluait encore en D2 ou en National, il rassemblait 3 à 4000 personnes au stade de Bram et permettait à des Alou Diarra, Fabrice Pancrate ou Alayxis Romao, d’émerger de son centre de formation.
Un retournement possible comme en Corse ?
Si tous espèrent voir la tendance s’inverser, dur dur de tabler sur un retournement de situation au vu de cette chienlit. « On voit que c’est très facile de tomber, mais bien plus difficile de remonter. J’espère qu’on va y parvenir. Mais ça dépend aussi de l’aspect économique ou de l’attractivité de la région. Malheureusement, les collectivités n’ont plus les moyens de nous aider comme auparavant » , constate, un brin amer, Jacques Léger. Autrement dit, dur de lutter.
Pour autant, Nicolas Mermet-Maréchal estime que la situation de la région est avant tout l’affaire des clubs. Pour lui, une fois une dynamique sportive insufflée, on ne peut que récolter ce que l’on a semé : « Je ne suis pas sûr que ce soit le signe d’un déclin de la région. La Corse aura deux représentants en L1 l’an prochain et peut-être un autre en L2 avec le Gazélec. L’exemple de Bastia est d’ailleurs significatif. » Le Sporting avait presque un pied en CFA en 2010, avant de remonter la pente pour aujourd’hui remonter dans l’élite.
Par Arnaud Clement