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« Le flacon a glissé et paf, j’avais le tendon coupé »

Propos recueillis par Antoine Donnarieix
7 minutes
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46 sélections dans une sélection comme l’Espagne, ce n’est pas rien. Pourtant, Santiago Cañizares n’aura pas eu beaucoup de réussite avec la Roja, aussi bien sur le terrain qu’en dehors. Sans mâcher ses mots, le prédécesseur d’Iker Casillas s’est confié sur ses années avec la tunique espagnole.

Pour ta première en sélection le 17 novembre 1993, tu remplaces Andoni Zubizarreta contre le Danemark, un match crucial pour la qualification que vous remportez (1-0). À ce moment-là, tu te dis que tu as une chance d’être le gardien de l’Espagne pour le Mondial 1994 ? Cette sélection, c’était plus un accident qu’autre chose. Le portier habituel de l’équipe nationale dans l’esprit de Javier Clemente, c’était Zubizarreta. Il n’y avait aucun doute là-dessus. Ce soir-là, Andoni se fait expulser très vite, et sa suspension se prolonge jusqu’au Mondial américain. J’ai donc joué tout le match avec une équipe en infériorité numérique, mais nous sommes tout de même parvenus à nous qualifier sans prendre un but. Ensuite, je pense que Clemente avait une grande confiance en Zubizarreta et que cela n’allait pas changer. De mon côté, cette sélection m’avait permis d’attirer l’œil des grandes équipes d’Espagne.

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Tu joues le premier match du Mondial 1994 contre la Corée du Sud, où vous craquez sur la fin (2-2). Tu penses que si vous aviez remporté le match, tu restais dans le but pour le reste de la Coupe du monde ? C’était à Dallas, il faisait une chaleur étouffante… Pour les organismes, c’était très dur à suivre. Je pense que les Coréens étaient plus aptes à jouer sous ses conditions, du moins plus endurants. Nous avons plongé physiquement dans les dix dernières minutes. Le score final était évidemment décevant, mais ce fut un vrai rêve de jouer en Coupe du monde pour l’Espagne. Ensuite, Zubizarreta est revenu dans les buts et il n’y a pas eu de débat. Dans les médias, on en parlait bien sûr, mais dans le vestiaire, il était un leader respecté.


Comment qualifierais-tu tes rapports avec Zubi en équipe nationale ?

J’ai appris beaucoup de choses aux côtés de Zubi, dans une entente très correcte et sans aucune tension particulière.

Logiquement, nous étions rivaux pour ce poste de gardien de but durant plusieurs années, mais avec un grand respect l’un envers l’autre et une bonne entente entre nous. J’ai appris beaucoup de choses à ses côtés, dans une entente très correcte et sans aucune tension particulière. C’était un très bon coéquipier.

En 1998, son énorme boulette contre le Nigeria au Mondial est restée dans les mémoires… L’Espagne était-elle trop marquée par les conflits Barça-Real à cette époque ? Non, pas du tout. L’équipe était très soudée, ce n’était pas le souci. Nous étions tous des professionnels. La seule chose, c’est que le premier match était fondamental pour bien rentrer dans la compétition. Après le Nigeria, les choses sont devenues complexes. Nous avions une énorme pression médiatique contre le Paraguay par la suite… Cette défaite contre le Nigeria n’était pas du tout attendue.

Comment s’est senti Zubi ?Tu sais, même les plus grands gardiens peuvent avoir des absences… Le plus touché dans cette histoire, c’était lui. Dans l’équipe, nous cherchions surtout à oublier cette rencontre et repartir de l’avant. Zubizarreta n’était pas coupable de notre défaite. Il n’a pas eu de réussite sur le coup, cela arrive. Nous avons eu plusieurs opportunités de mener 3-1 avant cela, mais voilà, nous n’y sommes pas parvenus.

Deux ans plus tard, tu disputes l’Euro 2000 avec la Roja. Forcément, on est obligés de penser à ce quart de finale contre la France, avec ce merveilleux coup franc de Zizou… C’était un sacré but… À ce moment-là, la France avait une équipe phénoménale, ils venaient d’être champions du monde. C’était un match très compliqué pour tous en réalité, une affiche.


Comment était l’atmosphère après la rencontre ? On rappelle que le match s’est terminé sur un penalty raté de Raúl…Raúl savait qu’il allait tirer ce penalty.

C’est un penalty qui peut te poursuivre toute ta carrière. La vérité, c’est que seuls les joueurs au courage immense sont capables de prendre la balle et de frapper.

Quand tu as une balle d’égalisation de dernière minute, et que tu sais que si tu le rates, tu rentres à la maison… Tu as une énorme pression. C’est un penalty qui peut te poursuivre toute ta carrière. Mais la vérité, c’est que seuls les joueurs au courage immense sont capables de prendre la balle et de frapper. Raúl était ce joueur courageux, et toute sa carrière était à ce moment presque parfaite. Et cette fois-ci, il l’a mise au-dessus… (Il hésite) Raúl a dû faire avec ce fardeau pendant de longues années. Mais ce sont des choses qui arrivent, et les sportifs peuvent beaucoup plus comprendre ce genre de choses que les supporters.

Ses coéquipiers étaient là pour le réconforter ou il préférait digérer cette déception tout seul ?Avec Fernando Hierro, Raúl était le grand joueur de la Roja. C’était les deux leaders de l’équipe. Très sincèrement, on était heureux de savoir qu’il se chargeait de tirer le penalty. On savait qu’on avait une vraie chance de marquer avec lui, parce que mentalement, il était fort. Mais voilà, nous sommes tous des hommes et nous commettons tous des erreurs. Raúl a pu compter sur le soutien de l’équipe entière après son échec… Vraiment, je crois que tous les joueurs de notre équipe auraient flippé sur ce penalty (rires) ! C’est même une réaction normale, d’ailleurs.

Tu penses que ce but aurait éliminé la France, un peu comme celui de Wiltord a éliminé l’Italie ? Égaliser à la dernière minute et aller en prolongation derrière, ça fait très mal mentalement à l’adversaire…Quand tu arrives à un tel niveau de compétition, ces championnats se jouent sur des petits détails. Là, c’est clair que ce penalty raté a dû renforcer la confiance de la France pour lui permettre d’aller au bout derrière. Mais aussi, il faut se souvenir que l’Espagne avait ce complexe des quarts de finale, et que maintenant, chaque fois qu’elle passe cette barrière psychologique, elle joue de mieux en mieux. Le footballeur espagnol ressent une grande pression de ne pas accomplir les objectifs. Mais si l’objectif est acquis, alors le football espagnol se libère et devient très compliqué à arrêter. L’équipe d’Espagne marche avec beaucoup de psychologie. C’est comme en 2012 contre l’Italie par exemple, on avait vu que le match du premier tour (1-1, ndlr) n’avait rien à voir avec celui de la finale. On gagne quand même 4-0…

Au final, tu ne penses pas que ta carrière en sélection aurait pu, voire aurait dû, être beaucoup plus importante ?

À part lors de l’Euro 2000, on ne m’a jamais vraiment donné une entière confiance en sélection.

En sélection, j’ai toujours cherché à être disponible pour jouer, et cela m’a beaucoup apporté : jouer un championnat d’Europe, c’était quelque chose de fabuleux. Mais c’est vrai que mis à part cet Euro 2000, où d’ailleurs je ne commence pas titulaire, puisque c’est Molina contre la Norvège, on ne m’a jamais vraiment donné une entière confiance en sélection. Peut-être que j’aurais pu l’avoir en 2002, cette fois où je me blesse pendant la préparation… Je n’ai jamais pu engranger beaucoup d’expérience à ce niveau-là, c’est un regret, je dois l’avouer.

Raconte-nous cette blessure…Pfff… Je crois que c’était de la sorcellerie (rires) ! Il devait rester deux ou trois jours avant de décoller pour la Corée et le Japon. On sortait de l’entraînement pour revenir à l’hôtel où nous étions installés pour la préparation d’avant-tournoi. On devait prendre nos douches, donc on rentrait tranquilles dans nos chambres individuelles. Bon, il fallait faire un peu vite, parce que le dîner n’allait pas tarder à être servi. Je me suis douché, je suis sorti de la douche et je me suis séché. Et là, j’ai voulu me mettre un petit peu de parfum avant de descendre. Le flacon a glissé et paf, j’avais le tendon coupé… Incroyable et absurde ! Camacho m’a tout de même proposé de venir avec l’équipe pour les suivre dans le tournoi, donc j’y suis allé pour me soigner avec le staff sur place et je les ai suivis depuis les tribunes. Quelle guigne…

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