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Le fil de Yaya
Titulaire pour la première fois depuis fin août avec Manchester City samedi, Yaya Touré est sorti de son silence pour inscrire un doublé décisif et offrir la victoire des siens à Crystal Palace (1-2). Une réponse plus fine que les mots que certains s’amusent à prononcer à sa place, une façon parfaite d’appuyer sa récente lettre d’excuses à Pep Guardiola, mais aussi une foule de questions dont la principale : et maintenant, on fait quoi ?
Longtemps, il a raconté à l’envi son mal-être. L’homme traînait le plus souvent son mètre quatre-vingt-onze avec une forme de nonchalance chronique, et plus le temps passait, plus son physique semblait touché. Depuis plusieurs mois, Yaya Touré n’était pas un homme heureux. Rien ne dit que la situation s’est subitement arrangée et il ne faut pas oublier certains propos qu’il avait tenus dans un entretien donné à L’Équipe en octobre 2015. « J’ai gagné des titres, beaucoup d’argent, mais je ne suis pas heureux » , racontait-il alors à l’époque en visant la presse britannique, le monde du foot, mais également la Confédération africaine de football (CAF). Les mois qui suivirent furent difficiles pour un homme sans qui City n’aurait probablement jamais franchi un cap historique avec les titres de 2012 et 2014. Dans une capsule temporelle, l’international ivoirien (102 sélections) a allumé son continent lors de la cérémonie du Joueur africain de l’année, a commencé à goûter au banc dans son club et a surtout tiré la langue comme rarement dans sa carrière. Alors, beaucoup pensaient Yaya Touré terminé, cramé et incapable de rebondir.
« S’il veut la guerre, il l’aura »
Lui avait décidé de fermer sa gueule, continuant à taire ses émotions et laissant son agent, Dimitri Seluk – un homme rencontré par le joueur au moment de son départ pour l’Ukraine en 2004 – parler à sa place. Seluk est certainement l’inconnue décisive de l’équation Touré. Car l’intermédiaire est imprévisible et n’a cessé de défendre avec acharnement les intérêts de son joueur depuis son arrivée au Barça en août 2007. Avec un verbe fort et quelques cibles préférentielles, parlant souvent au nom de Yaya. Le sujet le plus brûlant ? Pep Guardiola. Un homme à qui Seluk a décidé de déclarer la guerre depuis que le Catalan a dégagé le milieu du Barça pour installer Busquets. Jusqu’à tabasser les barrières il y a quelques semaines : « S’il veut la guerre, il l’aura. Guardiola a gagné quelques matchs et il se prend pour un roi.(…)On vit dans des pays libres, j’ai le droit de dire ce que je veux. Je m’excuserai quand il s’excusera auprès de Hart qu’il a viré alors qu’il est l’un des rares Anglais à jouer en Premier League et auprès de Manuel Pellegrini. » Problème : Pep ne semblait pas forcément contre l’idée de réintégrer Yaya Touré à ses idéaux de jeu.
Guerre et paix
Au départ, la clé était physique, pas personnelle. Guardiola voulait que Touré maigrisse et lui a fait comprendre, alors que le système installé par le Catalan depuis son arrivée à City peut accueillir l’Ivoirien. Il est d’ailleurs entré dedans le 24 août dernier contre le Steaua Bucarest (1-0). Pour disparaître. Disparaître de la liste des joueurs inscrits par le club pour la Ligue des champions, disparaître des plans de Pep Guardiola, mais débarquer de nouveau comme un sujet fréquent dans les médias. La raison de ce silence est finalement humaine : l’ancien coach du Barça voulait des excuses de Dimitri Seluk qui ne cessait de l’allumer depuis plusieurs mois pour sa « gestion humiliante » du cas Touré. Seluk ne s’est jamais excusé. Mais Yaya a finalement décidé de prendre la parole, alors que Gündoğan occupe une place centrale dans la machine de Guardiola. Un jour, sur son compte Facebook : « Je veux m’excuser, en mon nom et pour mon agent, auprès du staff. Les paroles de mon agent ne représentent pas ce que je ressens pour ce club. J’ai été très fier d’écrire l’histoire de cette équipe. » Guerre et paix, même si Seluk s’est amusé à balancer sur TalkSport qu’il se désolidarisait de ces excuses : « J’ai juste dit qu’on voulait faire la paix. Pourquoi je m’excuserais ? Yaya s’est excusé, je ne vois pas pourquoi. » Passons, Pep Guardiola a eu ce qu’il voulait, et Touré est revenu. Jusqu’à une suite que l’on connaît maintenant : une titularisation samedi à Londres face à Crystal Palace (1-2), un doublé décisif de l’Ivoirien, un sourire non dissimulé et un vrai plaisir de le revoir à ce niveau. Non, Yaya Touré n’est pas mort.
Le modèle Guardiola
Reste qu’il faut tirer les leçons des derniers mois. Si, sportivement, l’avenir du joueur est encore à voir sur un terrain après un dernier exercice alternatif et alors que City s’est mis en place cette saison sans lui, le vainqueur de l’histoire semble dépasser le cadre de Touré. Le vrai vainqueur du bras de fer s’appelle Pep Guardiola, qui a récupéré un joueur sur lequel il semble compter – « Je dirais que sa performance est davantage liée à ses qualités qu’à ma décision.(…)Sa condition physique et son poids sont meilleurs que jamais. » – et qui a retourné un cas de gestion sportive avec une justesse rare. Il faut le remercier et savourer le retour de Yaya Touré sur un terrain de foot, surtout quand il le fait de cette façon, et même si ce n’est que pour être dans la rotation. Car il ne semble plus avoir les qualités qui faisaient sa force hier, mais est revenu « dans le groupe » plutôt que d’entrer dans une forme de victimisation permanente. Il mérite mieux que ça, et ce retour le prouve définitivement. Il faut maintenant le confirmer, et Pep Guardiola sort grandi d’une bataille médiatique qui raconte beaucoup de l’influence que peut avoir un agent sur son « client » . Une question de perspective sur l’époque.
Par Maxime Brigand