- Ligue 2
- J6
- Valenciennes-Clermont
Le fil d’Adrian Grbic
Deuxième meilleur buteur de Ligue 2 après cinq journées, Adrian Grbic est la dernière bonne pioche en date du Clermont Foot, mais aussi la première pépite trouvée à l'étranger par la nouvelle direction du club auvergnat. Perçons le mystère.
À quoi reconnaît-on un tueur des surfaces ? Peut-être à son regard. Du moins, c’est l’avis de Pascal Gastien, homme de cinquante-cinq ans qui possède au moins un argument pour briller en société : au printemps dernier, l’entraîneur du Clermont Foot a été élu meilleur entraîneur de Ligue 2. Ce qu’il en a dit ? Une vérité que peu de types de son secteur ose affirmer publiquement : « Sans les joueurs, je pense qu’on n’est pas grand-chose. » Simple, quand Gastien parle, on l’écoute et on prend note, surtout lorsqu’on l’interroge sur les attaquants passés récemment par Gabriel-Montpied. Voilà les noms : Sloan Privat, Idriss Saadi, Adrien Hunou, Gaëtan Laborde, Famara Diédhiou, Ludovic Ajorque, Rémy Dugimont, Florian Ayé. Et voilà la dernière trouvaille : Adrian Grbić, vingt-trois ans, que personne n’avait, là encore, vu arriver. Un mec qui voit « clair et juste » , explique Gastien.
La preuve : après 435 minutes de Ligue 2, l’Autrichien en est à cinq buts en cinq journées et bombe fermement le torse sur le podium des meilleurs buteurs du championnat, entre un Tino Kadewere en feu et un trio de poursuivants Courtet-Merdji-Wissa. Interrogé récemment par MaLigue2, son coéquipier Alassane N’Diaye n’a pas joué les surpris. Au fond de lui, le milieu clermontois savait : « On a vu dès les premiers entraînements que c’était un très bon joueur. Il fait le début de saison qu’il mérite, c’est un très bon jeune élément. Tout ce qu’il montre sur le terrain, il nous le montre à l’entraînement. » Pascal Gastien ne dit pas autre chose : « Mes recruteurs savaient ce que je recherchais : un mec concerné par les autres, collectif, excellent point de fixation, capable de dévier, de marquer… Un attaquant complet. Adrian avait envie de venir en France pour grimper une marche dans sa progression, Clermont est un club qui lui proposait de le faire dans une équipe qui joue au foot… Maintenant, pourquoi les attaquants se sentent bien chez nous ? Je ne sais pas trop… »
« Je n’ai jamais cessé de l’avoir dans le viseur »
Reste les faits : Clermont est devenu un tremplin en or pour bon nombre de talents laissés sur le bord de la route ou placés hors des radars classiques. « Prenons le cas de Diedhiou, complète Gastien. Il fallait le trouver, car il ne jouait pas à Sochaux. Il n’y a pas de chance dans ce milieu, il y a du travail, et ce travail, c’est celui de nos recruteurs. » Pour Grbić, c’est aussi la réussite d’une nouvelle direction qui avait annoncé, à son arrivée en mars dernier, qu’elle ne venait pas en France pour « tout révolutionner » . Au contraire, le président Schaefer, conseillé par l’ancien candidat à la président de la FIFA, Jérôme Champagne, en charge en Auvergne des relations internationales et de la communication, construit doucement son projet et a lancé cet été, dans la bataille, son responsable du scouting, Ingo Winter, notamment passé par Hanovre ou les Young Boys de Berne. « Il nous permet de faire grandir la cellule de recrutement du club, note Champagne. Philippe Vaugeois fait déjà un travail énorme sur la France, on avait, en plus, envie d’apporter une touche étrangère au Clermont Foot. Le réseau d’Ingo le permet et c’est comme ça qu’on a trouvé Adrian Grbić et Mario Gonzalez, qui était capitaine de l’équipe réserve de Villarreal. »
Partant, il faut désormais s’intéresser à la traque, racontée par Winter en personne. D’abord, on déniche : « Je connais Adrian depuis longtemps. Je l’avais repéré lorsqu’il était au centre de formation de Stuttgart, qu’il jouait en Bundesliga U17 et U19, où il avait terminé trois fois de suite meilleur buteur. Je n’ai jamais cessé de l’avoir dans le viseur et je savais que le contrat qui le liait avec son club (le SC Rheindorf Altach, N.D.L.R.) allait prendre fin cet été. Sa situation là-bas était assez difficile : il jouait peu et devait impérativement s’en aller. » Ensuite, on appréhende la bête : « J’ai tout de suite pensé qu’il devait venir à Clermont, car son style de jeu colle parfaitement avec la philosophie de Pascal Gastien. Honnêtement, Adrian ne connaissait pas la Ligue 2, et personne ne regarde ce championnat en Allemagne et en Autriche. Je suis donc parti à Alach, j’ai parlé avec lui, son entraîneur, je lui ai expliqué le projet du club… Il a compris qu’il aurait dans son environnement des gens qui parlent allemand et il est ensuite venu à Clermont pour visiter la ville. On lui a ensuite donné des vidéos à bosser pour qu’il assimile le style de jeu de l’équipe. Tout a commencé comme ça. » Enfin, on la dresse et là, tout le mérite revient à Gastien, qui ne cache pas « favoriser les revanchards » et qui a également avalé bon nombre de vidéos de l’attaquant autrichien, notamment de ses matchs avec les espoirs. On connaît la suite.
L’exemple Florian Ayé
Mais aussi le passé, et c’est aussi cet élément qui a fini de convaincre Adrian Grbić, comme l’explique Ingo Winter : « Il a vu l’exemple de Florian Ayé, qui vient de signer à Brescia, qui était très performant chez les jeunes et qui n’a pas trop brillé à Auxerre au début de sa carrière, chez les pros. Adrian a connu la même chose avec Stuttgart. Là, il a vu qu’avec le football pratiqué par Pascal, un jeu basé sur les combinaisons, il aurait de la place pour mettre ses forces en lumière. » Ce que Grbić fait depuis le début de saison, entre une merveille glissée dans la lucarne de Vachoux à Orléans (0-1) et un match XXL contre Lens (1-1) début août. Au point de bluffer une grande partie de l’effectif clermontois, qui a vu débarquer sans prétention un type qui a disputé le dernier championnat d’Europe espoirs en Italie – 78 minutes contre Gibraltar (3-0) – et qui ne maîtrise pas encore le français. « C’est ce qui rend encore plus fort ce qu’il fait jusqu’ici, enchaîne Gastien. Lorsqu’il aura dépassé la barrière de la langue, Adrian risque d’être encore mieux. Il a une grande marge de progression, c’est positif. » Prochaine étape : un déplacement à Valenciennes, vendredi soir, où Grbić pourrait défoncer encore un peu plus une porte qu’il a ouverte en marquant lors de la réception d’Auxerre (1-1) la semaine dernière. En cinq matchs, l’Autrichien a déjà sauté et écrasé son record de l’an passé. Clair et juste.
Par Maxime Brigand
Tous propos recueillis par MB, exceptés ceux de Ingo Winter, recueillis par JD.