- Koh-Lanta
« Le feu ? La même joie que quand j’ai été appelé en bleu »
Avant de devenir le maître du feu sur le camp des Sambor, dans la toute dernière saison de Koh-Lanta, Benoît Assadi, vingt-deux ans, était un gardien de but prometteur au centre de formation du FC Lorient, de 2008 à 2014. Non conservé par le club breton à l'issue de son contrat de stagiaire, le Parisien a décidé de se lancer un nouveau défi sous le soleil du Cambodge. Entretien ballon et noix de coco.
Comment as-tu atterri à Lorient ? Je viens de la région parisienne, de Châtillon, dans le 92. J’ai fait les sélections d’Île-de-France, la coupe nationale, et c’est à l’issue de ça que le FC Lorient m’a approché. À cette époque-là, je jouais à Montrouge.
Comment tu t’es retrouvé dans les buts ?En fait, un jour, notre gardien s’est blessé et le coach a demandé qui voulait aller dans les buts. Vu que j’aimais bien me rouler dans la boue, j’ai dit : « C’est pour moi. »
À quel âge tu t’es dit que tu avais peut-être un avenir là-dedans ? À partir de treize ans, quand j’ai fait les tests à l’INF Clairefontaine. J’ai vu que j’étais dans les cinq derniers gardiens de but pour intégrer l’INF, et même si, au final, je n’ai pas été retenu, je me suis rendu compte que les choses commençaient à devenir vraiment concrètes. Il y avait des clubs qui m’approchaient et tout.
Et quand les Merlus t’ont dit qu’ils te voulaient, tu as hésité avant de sauter le pas ?
Non, jamais, j’étais sûr que c’était le bon moment pour moi. Le seul truc qui m’a fait hésiter, c’était la destination, vu que j’avais reçu plusieurs autres propositions : Nancy, Troyes, Rennes, Lille. Il y a eu aussi le PSG qui m’a proposé un essai. Mais Lorient montrait un réel intérêt et me proposait un contrat de cinq ans.
Tu étais avec des joueurs qui ont percé chez les pros par la suite ?Ouais, il y avait Mario Lemina. Lui, c’est mon grand, grand pote. On est arrivés la même année, on a fait toutes nos classes ensemble, et aujourd’hui, on est toujours en contact. Après, lui, il a explosé, et moi non. Ça se voyait direct qu’il avait un truc en plus par rapport aux autres. Après, de là à dire qu’il allait signer à la Juve quelques années plus tard… Mais j’étais persuadé qu’il terminerait au moins dans un club comme Marseille ou Lyon.
C’est compliqué de vivre dans un milieu concurrentiel comme l’est celui du foot ? Honnêtement, la première année, c’était trop dur. Vraiment trop, trop dur. J’arrivais même pas à terminer les footings, j’étais complètement à la ramasse. Deux entraînements par jour, c’était un truc de fou. Et à côté, vu que je n’étais pas assez mature, ça ne se passait pas vraiment bien en cours non plus, je faisais un peu n’importe quoi. Mais dès la saison suivante, tout s’est très bien passé, j’ai pris conscience des choses et j’ai fini par me fondre dans le moule.
T’as galéré sur le plan physique au début ? Ah mais trop ! Comme j’avais eu plein de clubs qui m’approchaient, que j’étais la star dans mon petit club, je me disais : « Ben voilà, c’est bon, je vais débarquer là-bas et ça va être les doigts dans le nez. » Alors qu’en fait pas du tout… Mais après la première saison, j’ai beaucoup bossé et en voyant que j’étais convoqué en équipe de France U17 et que j’étais surclassé à Lorient, j’ai fini par voir que je faisais partie des bons éléments du centre. Et vers dix-sept, dix-huit ans, j’ai commencé à m’entraîner avec les pros et à titiller le truc, quoi.
Tu as toujours été titulaire ? Je l’ai été en U17, en U19 et en CFA 2. Mais après, quand on a fait la montée en CFA, j’étais quatrième gardien et c’est là que je me suis pété le ménisque. Sur ma dernière année de contrat en plus… Du coup, ils ont recruté un nouveau gardien et c’est là que ça a commencé à être la merde. J’ai eu deux opérations consécutives du genou, ça ne m’a pas aidé.
Ta convocation en équipe de France U17, ça reste un grand moment pour toi ?
Ah mais carrément ! Surtout que j’avais déjà été convoqué par le passé, mais je m’étais pété un doigt à cette époque. Du coup, je sentais vraiment que j’étais proche des Bleus et quand ils m’ont appelé la seconde fois, je pense que c’était le moment le plus heureux de ma période lorientaise. C’était ouf, j’ai côtoyé Kurt Zouma, Benjamin Mendy, Aymeric Laporte. C’était génial de pouvoir se comparer à l’élite du foot français dans ces catégories d’âge-là.
Finalement, tu n’as pas été conservé par les Merlus…Non, à l’issue de mon contrat de stagiaire pro, ils ne m’ont rien proposé et j’ai dû me trouver autre chose. Après voilà, c’est le foot, on sait très bien dans quoi on s’engage, on sait qu’il n’y aura que peu d’élus à l’arrivée et qu’il faut vraiment avoir un truc en plus pour pouvoir passer le cap. Bon, sur le coup, c’était difficile à avaler, mais avec le recul, tu te dis que ça t’a permis de vivre des trucs de fou et de gagner en maturité.
T’as cherché une porte de sortie dans un autre club pro ? Non. Mon agent a essayé de me trouver un truc vite fait, mais il n’a pas trouvé, il n’y avait pas d’approche, rien. En plus, je sortais d’une saison quasi blanche avec ma blessure. Dans ce milieu, on t’oublie vite…
Après ça, tu as fait quoi ?Vu que j’étais un peu connu dans la région, j’ai décidé de ne pas quitter le coin et je suis allé dans deux clubs amateurs, d’abord à Locminé (CFA 2), et ensuite à La Montagne (DH). J’entraînais les jeunes, histoire de pouvoir continuer à vivre. Ça a été une bonne expérience, car même si tu joues dans des division inférieures, ce qui est cool, c’est d’être dans l’équipe fanion. Tu vois le monde que ça ramène au stade, les petits villes ne vivent que pour ça. Après, le truc, c’est que tu t’entraînes limite autant que si tu jouais en National, mais derrière t’as rien au niveau thunes. Mais bon, les clubs étaient arrangeants et ils m’ont trouvé des petites missions par-ci par-là. J’ai fait un peu de vente à Go Sport et à King Jouet.
Bon, on va peut-être causer un peu de Koh-Lanta quand même. Honnêtement, il ne faut pas être un peu maso, ou taré, ou les deux, pour tenter l’expérience ?
Ouais franchement c’est un truc de fou. Que tu restes trois, vingt ou quarante jours, c’est un truc de malade, tu ressors changé. T’es vraiment déstabilisé, tu ne sais jamais quelle heure il est, t’as faim, tu n’arrives pas à dormir. Ouais, c’est horrible !
C’était pire que ce que tu avais imaginé ?
C’était dix fois pire. Je pensais qu’on aurait au moins des toilettes là-bas, tu vois ? Au moins des chiottes ! Mais même pas. Ils ne t’aident en rien, tu te débrouilles de A à Z. Moi, je pensais que si on se retrouvait en galère, ils pouvaient nous aider. Ben pas du tout ! Du coup, c’est vraiment le mental qui joue. Le physique, il tient une semaine, mais après tout est dans la tête.
Les épreuves en elles-mêmes, avec une condition physique normale, du sommeil et l’estomac bien rempli, ça se fait tranquille ou pas ? Oui. Tu me mets n’importe quelle épreuve, là, maintenant, je la fais easy. Mais quand t’enlèves le sommeil et la bouffe, c’est horrible.
Raconte-nous un peu comment se passent les nuits.Déjà, c’est froid et humide, donc tu te réveilles en permanence. Ensuite, on peut pas dire que ça soit hyper confortable, donc là, pareil, tu dors peu et mal. Et pour peu qu’il pleuve, là c’est mort, tu ne dors pas du tout. Après, comme on est tous dans la même galère, ça finit par passer, tu tournes la tête à droite, à gauche, et tu te dis : « Ah ouais, ils sont dans la même merde que moi ! »
Et la faim ? En fait, le plus dur, ce sont les six premiers jours. Ton estomac se réduit, c’est vraiment chaud. Mais une fois que tu t’es habitué, tu te dis que ça va le faire le temps qu’il faudra.
T’es pas dégoûté par le riz ou les crustacés aujourd’hui ?Non, ça, ça va. Mais en revanche, la noix de coco, c’est impossible. En yaourt, en glace, en tout ce que tu veux, c’est mort. C’est con parce qu’avant de partir, j’étais fan de ça !
As-tu réussi à trouver un acolyte pour causer un peu ballon ?Non, on ne parlait que de bouffe ! Pour te donner une idée, en rentrant, j’ai pris quinze kilos en un mois.
À aucun moment tu n’as ressenti l’envie de t’isoler, d’être peinard ?Si, ça arrive forcément, mais tu dois prendre sur toi parce qu’il faut laisser une bonne image auprès du groupe. Si tu t’isoles, c’est mort pour toi.
Et sinon, qu’est-ce que ça fait d’être le mec qui offre le feu à la tribu ?C’est un truc de malade ! Quand on dit que là-bas toutes les émotions sont décuplées, c’est pas des conneries. Quand j’ai fait le feu, c’est comme quand j’avais été appelé en équipe de France ! J’ai ressenti la même joie. Tu deviens fou. Et quand on perdait une épreuve, j’étais encore plus dégoûté que lorsqu’on perdait un match à Lorient. Alors que quand je regardais ça à la télé, je me disais tout le temps : « Ils abusent les mecs… »
Allez, la question qui tue : tu préfères arrêter un péno en finale de Coupe de France ou faire le feu sur l’île ?Le péno en Coupe de France c’est mieux, faut pas déconner !
Propos recueillis par Aymeric Le Gall