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Le festival de CAN
Malgré des travaux qui n’avançaient pas toujours assez vite, des rumeurs de délocalisation, la pression de certains clubs européens qui rêvaient de voir la compétition reportée ou même annulée, la FIFA qui plaidait pour la première option et une préparation compliquée pour plusieurs sélections à cause de l’épidémie de Covid-19, la trente-troisième édition de la Coupe d'Afrique des nations aura bien lieu au Cameroun du 9 janvier au 6 février. Avec une meute de prétendants qui espère détrôner l’Algérie, tenante du titre.
Les Camerounais qui aiment le football, c’est-à-dire la majorité de la population, ont vécu un mois de décembre agité, surtout pour les sujets au stress et à l’hypertension. Ils ont à peu près tout entendu, à tel point que certains d’entre eux commençaient à se faire à l’idée que la CAN n’aurait pas lieu. Un jour, une rumeur annonçait une délocalisation de la CAN au Qatar, ou même en Algérie, en raison de l’avancée trop lente des travaux sur plusieurs sites, dont celui d’Olembé, à Yaoundé, où se joueront notamment le match d’ouverture entre les Lions indomptables et le Burkina Faso et la finale. Puis des clubs européens, à commencer par les Anglais, ont fait leur cinéma habituel à l’approche de chaque CAN, en menaçant de ne pas libérer leurs internationaux africains, craignant une mise en quarantaine au retour du Cameroun. La Confédération africaine de football (CAF), prête à tout pour sauver sa compétition phare, a accepté que les joueurs concernés par des matchs de championnat pendant la période des fêtes de fin d’année ne rejoignent les sélections que le 3 janvier plutôt que le 27 décembre, comme l’avait imposé la FIFA. Laquelle, par la voix de son président Gianni Infantino, militait en douce pour un report de la CAN à 2023, afin que l’édition camerounaise ne viennent pas parasiter la Coupe du monde des clubs aux Émirats arabes unis, programmée du 3 au 12 février prochains.
Évidemment, le tableau aurait été incomplet si la Covid-19 n’avait pas mis son grain de sel dans ce feuilleton à tiroirs. Plusieurs sélections ont été plus ou moins durement touchées (Cameroun, Sénégal, Gabon, Cap-Vert, Tunisie, Nigeria, Guinée, Comores, Côte d’Ivoire), entraînant l’annulation de nombreux matchs amicaux. La Gambie, une des plus affectées, s’est fait poliment, mais fermement recadrer par la CAF sur la question du remplacement des joueurs positifs. L’instance n’a pas souhaité changer une virgule à son règlement, et il ne sera pas possible de modifier les listes des 28 enregistrées le 30 décembre. « En gros, on fait tout pour protéger les clubs européens, mais rien pour les sélections africaines. C’est déplorable », a braillé Tom Saintfiet, le sélectionneur belge des Scorpions gambiens.
L’Algérie ne faiblit pas
Le Cameroun a fignolé les derniers détails pour que tous les sites soient opérationnels, a mis sur pied avec la CAF un protocole sanitaire strict et mobilisé des milliers de militaires et de policiers pour assurer la sécurité des délégations, des officiels, des supporters et des journalistes. Le pays est toujours sous la menace des terroristes de Boko Haram, et la partie anglophone est en proie à un conflit entre les forces armées camerounaises et des groupes indépendantistes, dans le nord-ouest et le sud-ouest. Les quatre sélections du groupe F (Tunisie, Mali, Gambie, Mauritanie), qui joueront à Limbe (sud-ouest) ont même reçu des menaces de la part de quelques milices locales. John Keister, le sélectionneur de la Sierra Leone, a lui aussi été menacé de mort par quelques supporters de son équipe, après avoir publié sa liste des 28. La Sierra Leone qui, pour son grand retour sur la scène continentale après 26 ans d’absence, a hérité sans doute de ce qui se fait de mieux en Afrique actuellement, c’est-à-dire l’Algérie, tenante du titre et invaincue depuis 34 matchs, à trois unités du record mondial détenu par l’Italie.
Les Fennecs n’ont pas levé le pied depuis le sacre du Caire face au Sénégal (1-0) en juillet 2019. Ils continuent de pratiquer un football toujours aussi offensifs, distribuent ici et là quelques roustes – Niger (6-1, 4-0), Djibouti (4-0, 8-0), Mauritanie (4-1), Botswana (5-0) – et s’en sortent toujours, même quand ils sont mis en difficulté, comme ce fut le cas lors du deuxième tour des qualifications pour la Coupe du monde 2022 par le Burkina Faso (1-1, 2-2). Djamel Belmadi a conservé la même ossature (M’Bolhi, Benlamri, Feghouli, Brahimi, Bennacer, Slimani notamment) articulée autour d’un Riyad Mahrez en grande forme, et incorporé quelques nouvelles têtes, dont le prometteur Ramiz Zerrouki.
Le bal des prétendants
Mais beaucoup d’autres sélections sont capables de renverser l’Algérie, puisque, surtout à la CAN, ce n’est pas toujours la plus brillante qui gagne à la fin. On pense notamment au Cameroun, et pas seulement parce qu’il jouera à domicile. En éliminant la Côte d’Ivoire lors du second tour des qualifications au Mondial 2022, les Lions indomptables, boostés par Samuel Eto’o, le nouveau boss du football camerounais et qui en connaît un rayon en CAN (deux titres en 2000 et 2002), ont prouvé qu’il faudrait compter sur eux.
Finaliste en 2019, le Sénégal est lui toujours en quête d’un premier trophée, et suffisamment outillé pour emmerder jusqu’au bout, selon une expression à la mode, l’Algérie et le Cameroun. La Côte d’Ivoire, le Maroc ou l’Égypte peuvent eux aussi s’avancer avec des prétentions. Les Éléphants ivoiriens ont été éjectés du Mondial, et leur sélectionneur français, dont l’avenir du côté d’Abidjan dépend du parcours de son équipe en Afrique équatoriale, est sous pression. Le Maroc court après une CAN depuis 1976, et il partira à sa conquête avec presque tous ses atouts, hormis Hakim Ziyech et Noussair Mazroui, écartés par Vahid Halilhodžić pour des raisons disciplinaires, tandis que l’Égypte, complètement à côté de la plaque chez elle en 2019, puisque éliminée en seizièmes de finale par l’Afrique du Sud, rêve d’effacer l’affront.
Dépucelage pour les Comores et la Gambie
Impossible également d’ignorer le Nigeria, qui n’a rien trouvé de plus urgent que de virer Gernot Rohr au mois de décembre, le Ghana et la Tunisie au moment d’égrener la liste des candidats au titre. Les plus audacieux n’hésitent pas à faire du Mali et du Burkina Faso, deux sélections qui déçoivent rarement en phase finale, des outsiders à prendre avec le plus grand sérieux. La CAN 2021, la seconde de l’histoire à se jouer à 24, accueillera deux nouveaux (Comores et Gambie), et quelques revenants, dont la Sierra Leone, le Soudan – qui s’est séparé d’Hubert Velud mi-décembre – et le Malawi. Lequel, pour sa dernière apparition en 2010 en Angola, avait collé un brutal 3-0 à une certaine Algérie. La Sierra Leone, qui affrontera les Nord-Africains le 11 janvier, aime ça…
Par Alexis Billebault