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FC 93, quality street
Le FC 93 a marqué les esprits en éliminant le Red Star lors des 64es de finale de la Coupe de France. À la suite de cette baston départementale, c’est l'Angers SCO (Ligue 1) qui se présente aux Séquano-Dyonisiens. Un beau coup de projecteur sur ce club né en 2020 de la fusion de clubs de Seine-Saint-Denis, qui allie ambitions sportives et rôle socio-éducatif, avec le désir de représenter fièrement la banlieue et de révéler les talents locaux.
Le 30 novembre dernier, la magie a encore opéré. Mais si, vous savez : ces fameuses étincelles que seule la Coupe peut offrir. Cette fois, c’était un derby de Seine-Saint-Denis qui a servi de scène, voyant le FC 93 éliminer aux tirs au but son vieux et prestigieux voisin qu’est le Red Star. Et comme tout tour de magie, cela a une conséquence : le pensionnaire de National 2 a gagné le droit de disputer le match le plus important de sa courte histoire. Dimanche 22 décembre, 32es de finale de Coupe de France, dans son stade d’Auguste-Delaune à Bobigny et contre Angers : en ce jour sera posée une nouvelle pierre dans l’édification de ce club en plein développement.
Après quasiment 15 ans de construction et de négociations en sous-terrain, le Fooball Club 93 Bobigny voit officiellement le jour en 2020. Né d’une coalition entre l’Athlétic Club Bobigny, l’USM Gagny et la Bagnolet Académie, le projet semblait irréalisable. Bobigny est un historique du niveau national, Gagny et Bagnolet comptent eux sur un réservoir de formateurs et de joueurs : chaque entité était dans son couloir et ne semblait pas avoir la volonté profonde d’unir leurs forces. Si bien que celui qui est aujourd’hui le directeur sportif de l’entente, Siné Danioko, avait du mal à croire au rêve de son ami Mahamadou Niakaté, l’actuel président. « Je me suis dit que c’était compliqué de convaincre des gens, mais Mahamadou était certain de ça, rejoue le premier. Il me dit que si on ne le fait pas, on ne réussira jamais à avoir un club professionnel dans le département. » Mais à force de discussions, tout ça a fini par prendre corps.
Aux armes citoyens
Il faut dire que le FC 93 s’est fixé une mission : celle de fédérer. « Le rôle socio-éducatif, c’est le cœur du projet, et le football n’est que 40% de notre activité. » Au cœur du projet, il y a l’humain. Dans un département aussi dense en population, où les différentes formes de précarité coexistent, l’environnement peut être dur à vivre. Le FC93, lui, s’est érigé comme structure accompagnatrice pour tous les adhérents, qui, en acceptant de porter le maillot du club, acceptent alors d’être encadrés, accompagnés. « On ne peut pas faire que du foot. Nous, notre rôle, c’est préparer les citoyens de demain, assure Danioko. Le gamin que tu prends dans ton association, tu le prends avec ses qualités, ses défauts, ses problèmes. Tu dois intervenir au niveau scolaire, parfois familial, continuer l’éducation donnée par les parents. On fait de l’aide aux devoirs, des stages et pour les plus âgés parfois de la réinsertion sociale. »
Ce rôle d’accompagnant pour le staff est de préparer un joueur à devenir un adulte, mais pas obligatoirement un joueur professionnel. Conscients que leurs ouailles ne mettront pas tous un pied dans le monde pro, Siné Danioko et ses collègues préparent leurs licenciés à anticiper l’échec footballistique et préparer un plan B. « Les chiffres sont aberrants, moins de 1% des jeunes en centre de formation signent pro, donc en vrai, il y a plus de gamins qui en sortent. » Et quand on sait à quel point l’Île-de-France est une mine de talents pour le foot pro, il faut avoir conscience que le nombre de déçus sera proportionnellement aussi important que ceux qui réussiront.
Une offre pour répondre à la demande
Plus qu’à São Paulo, la région francilienne est aujourd’hui le plus grand vivier du monde de footballeurs. Cependant, une problématique a émergé : ces joueurs s’exportent et brillent ailleurs. Ils ne restent plus dans les clubs du coin, car ceux-là ne sont pas assez professionnalisés. Les voir briller au PSG n’est pas non plus gagné : le club phare n’a pas toujours laissé autant de place aux produits locaux qu’il ne le fait actuellement avec Warren Zaïre-Emery ou Randal Kolo Muani. De ce constat sont nées les ambitions à long terme du FC 93 : intégrer, former, faire évoluer et conserver les joueurs licenciés.
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Du National 2 aux divisions professionnelles, la route est longue, mais le FC 93 a un plan pour essayer d’atteindre ces niveaux-là. Avec une politique de communication et un jeu d’influence efficaces, des joueurs aux carrières professionnelles riches ont rejoint le club. À l’image de Younousse Sankharé, 35 ans, expert de la Ligue 1, passé au PSG, à Dijon, Lille ou encore Bordeaux, rejoint il y a peu par Bakary Sako, 36 ans. Cet habitué des joutes de Premier League avec Wolverhampton et Crystal Palace notamment est arrivé au club par l’intermédiaire du rappeur Sefyu, investisseur du FC 93. « C’est un coup de com pour nous, mais au-delà de faire venir des joueurs qui ont une carrière, il faut faire venir des joueurs qui ont les mêmes valeurs que nous, commente Danioko. Ces joueurs vont nous faire passer un cap. » Du fait de leur expérience du monde pro, ces figures ont une crédibilité incontestable, et leur statut permet de cadrer, expliquer, accompagner les plus jeunes, encore en formation. « Ils reviennent en banlieue, pour redonner ce qu’on leur a donné, finalement. Tu reviens là où tu as commencé, tu transmets un peu de ta force, de ta sagesse dans un projet humain. »
Un amour de banlieue
Progressivement, le FC 93 passe des étapes et a su surtout se créer une véritable identité. En représentant la banlieue populaire, et la Seine-Saint-Denis particulièrement, et en affirmant un rôle de club social, il arrive à toucher toute une frange de joueurs : ceux qui viennent de là. Certes, le Red Star est là et bien là avec sa dimension historique et son ancrage à gauche, mais il touche un public bien plus large que le 93 « brut ». À Bobigny, on affirme le bagage et l’image de la street. La même street qui donne vie à toutes les superstars que l’on connaît. Le club balbynien, attaché à ses racines, arbore le numéro de département dans son nom, et souhaite devenir LE club de banlieue par excellence, à l’échelle nationale, avec son propre état d’esprit. Siné Danioko : « Cet état d’esprit, c’est de ne jamais douter, oser, aller là où on te dit de ne pas aller. Quand on vient de banlieue, on nous met dans des cases. Donc on a un côté street, mais on sait s’organiser, se structurer, on peut être beaux, performants, et dans tous les domaines. » Derrière cette tirade, le directeur sportif pointe un mal récurrent dans notre société : « On n’investit pas assez dans la banlieue pour que tous les talents, peu importe le domaine, puissent s’exprimer. Aujourd’hui, c’est la débrouille. » Au SCO de se frotter donc à cette banlieue rugissante.
Par Benjamin Gaillardin-Claeys
Tous propos recueillis par BGC.