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Le FC Nantes de retour en Europe : le goût d’avant
L'attente fut interminable. Après deux décennies de privation, le FC Nantes retrouve le parfum des joutes européennes, à la faveur de son succès en Coupe de France en mai dernier. De quoi faire jaillir des souvenirs enfouis, sans trop savoir ce que cette équipe peut viser dans cette Ligue Europa.
Une finale de C3 en 2013, puis une autre en 2016 ; une finale de C1 en 2018, puis une quatrième place du Final Four en 2021, au moment où les filles remportaient elles la petite Coupe d’Europe : en réalité, Nantes n’a jamais véritablement quitté la scène européenne. Mais il faut l’avouer, en comparaison au ballon rond, le handball ne joue pas encore dans la même cour quand il s’agit de fédérer une ville autour de son équipe. En ce qui concerne le sport roi, voilà deux décennies que la ville de foot qu’est la Cité des ducs de Bretagne n’a plus vibré pour une phase de groupes continentale (l’épisode Intertoto en 2004, avec un succès face à Cork City puis une défaite contre le Slovan Liberec en demies, n’ayant pas marqué les esprits). Une anomalie, pour une écurie qui s’était découvert un authentique ADN européen entre les seventies (avec notamment une demi-finale de Coupe des coupes face à Valence) et le début des années 2000 (victoire face au PSV, le 11 septembre 2001, parcours jusqu’en deuxième phase de C1, exploit tout proche face à Manchester United), l’apogée du club sur la scène continentale ayant eu lieu en 1995-1996 avec une épopée menant au dernier carré de la coupe aux grandes oreilles et une mémorable élimination les armes à la main contre la Juve.
« Ça bouscule un peu »
Ça n’est sans doute pas un hasard si les alentours de la Beaujoire, méconnaissables, ressemblent en ce début de saison à un vaste chantier : le club jaune et vert a perdu l’habitude des rendez-vous européens. En vingt ans, le FC Nantes est passé d’épouvantail du foot français à limace qui lutte avec le SCO Angers pour la treizième place de Ligue 1. Et le voir revenir à ce niveau relève quasiment du miracle, après une saison d’anthologie qui n’aura peut-être aucune véritable suite, au vu du mercato minimaliste opéré par l’octuple champion de France. Bien loin de Viorel Moldovan, Mickaël Landreau, Olivier Quint, Néstor Fabbri, Frédéric Da Rocha, Pierre-Yves André, Eric Djemba Djemba ou Marama Vahirua qui mettaient au supplice le PSV ou la Lazio en 2001, c’est cette nouvelle génération qui vient enfin prendre la suite (pour croiser le fer avec l’Olympiakos ce jeudi, puis Qarabağ et Fribourg) : celle de Ludovic Blas, Alban Lafont, Quentin Merlin, Nicolas Pallois, Andrei Girotto, Moses Simon ou Pedro Chirivella ; Randal Kolo Muani ayant, lui, logiquement préféré vivre la Ligue des champions dans une belle cylindrée allemande plutôt que l’Europa dans son tempétueux club formateur.
« On l’a senti directement après la victoire en Coupe de France : c’est quelque chose qui était attendu par le club et les supporters, a témoigné ce mercredi Alban Lafont, dont l’excitation n’a pas pris le pas sur le flegme caractéristique. Après une vingtaine d’années, forcément, il y a eu un gros engouement. On s’est fixé un objectif avec tout le groupe, le staff et les joueurs, on a des ambitions élevées. Jouer ce genre de compétition, on l’attend depuis qu’on est tout petit, je fais ce sport pour ça. Le vivre demain, c’est quelque chose de grand et d’exceptionnel. » Ils seront un paquet, comme l’ancien du Téfécé, à découvrir cet univers si particulier du milieu de semaine. Mais ils ne seront pas les seuls : avec eux, c’est toute une frange du public nantais, la plus jeune, qui va enfin goûter à l’European Dream après avoir connu son premier titre en mai dernier, elle qui n’avait jusqu’ici eu droit qu’à la fadeur et l’anonymat sous le règne des Kita.
Antoine Kombouaré se souvient assez bien du 3-3 concédé à Nantes contre l’Inter, en quarts de finale retours de Coupe de l’UEFA 1985-1986, de son occasion de la tête ratée face à Walter Zenga et de l’élimination qui avait suivi. Trente-six années plus tard, la boucle est bouclée pour « Casque d’or » , qui retrouve d’ailleurs, avec la réception de l’Olympiakos, son « petit frangin » et ancien de la maison Christian Karembeu, directeur sportif au Pirée. « Ça bouscule un peu, il y a de l’excitation, a confessé devant la presse Kombouaré, qui n’a pas coaché lors d’un match européen depuis onze ans. C’est beaucoup de fierté, et de responsabilité aussi. Me retrouver à faire la Coupe d’Europe avec mon club formateur en tant qu’entraîneur, c’est un clin d’œil fantastique. Après le tirage au sort on était tous un peu déçus, on voulait tirer un gros comme Manchester United, Arsenal ou la Roma, mais la déception s’est vite estompée, car on s’est dit qu’il y avait un coup à jouer. » Et si la Beaujoire répond souvent présent à l’occasion des grandes affiches de Ligue 1, le Kanak s’est montré impatient de retrouver les ambiances européennes au cœur de l’écrin nantais : « J’ai vu mardi PSG-Juventus et ce qu’ont fait les supporters derrière le but, à l’entame de match. Ça n’est pas interdit, ça ? Je pense que demain(jeudi), ça peut faire la même chose. J’espère qu’il y aura le feu en tribune Loire. » Et si le frisson ne faisait que commencer ?
Par Jérémie Baron, à Nantes
Propos recueillis par JB, à la Beaujoire