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Le FC Bruges, ce vieux fantôme du football belge
Il y a la nostalgie des plus belles années du football belge dans le FC Bruges de Michel Preud'homme qui retrouve ce jeudi le FK Dnipro Dnipropetrovsk en quart de finale retour de la C3. Cela tombe bien, parce que cela fait tout doucement 22 ans que la Belgique attend de rejoindre le dernier carré d'une compétition européenne. Et 22 ans, c'est un peu longuet...
Un jeudi soir de printemps où Julie Lescaut ne bat pas des records d’audience sur la RTBF n’est pas un jeudi soir ordinaire. C’est peu de le dire pour un pays comme la Belgique, plus habituée au feuilleton policier qu’au rassemblement populaire improvisé dans la foulée d’une victoire un jeudi soir vers 23 heures. Parce qu’en Belgique, les soirées football s’arrêtent presque toujours mi-décembre sur les coups de 20h45. En partie à cause de l’UEFA et de ses matchs trop souvent programmés à 19h, mais surtout à cause du statut de figurant dans lequel se complaisent les clubs belges depuis près d’un quart de siècle. De ce fait-là, la génération Courtois, Hazard et De Bruyne n’a jamais vu l’un de ses représentants dans le dernier carré d’une compétition européenne et a toujours eu du mal à prononcer le nom d’Alex Czerniatynski. Un nom à coucher dehors, mais un joueur symbole de toute une génération. Celle qui gagnait des Coupes d’Europe et participait tous les quatre ans au Mondial. Czernia, plus facile à sortir, n’était pas un esthète et n’avait pas que des amis, mais marquait des buts importants. « Des buts à la Czernia » , comme on dit en Belgique. La preuve, c’est qu’il est aujourd’hui encore le dernier homme à avoir envoyé un club belge dans le dernier carré d’une Coupe d’Europe. Presque sur la Lune donc. C’était le 18 mars 1993, avec l’arrière de son crâne contre le Steua Bucarest. Il y a 22 ans… Légitimement, les moins de 30 ans ne s’en souviennent pas et les autres ont la mémoire qui flanche. Il est donc temps qu’un club belge se rappelle aux bons souvenirs de ses supporters.
Une madeleine un peu lourde
Si les puristes se souviennent sans mal de la dernière accession du Standard de Liège à ce niveau de la compétition – c’était en 2010 – la vérité oblige à dire que si vous avez moins de 30 ans et que vous êtes belges, vos « bonnes » soirées européennes se résument à des coups d’un soir. Des performances grisantes, mais sans lendemain, des trucs qui font vibrer en Belgique, mais dont personne ne parle à l’étranger. Principalement parce que cela se passe généralement au cœur de l’automne et que tout le monde s’en fout. Parmi les immanquables de votre (post)adolescence, il y a forcément le but et les oreilles de Tomasz Radzinski contre la Lazio de Rome à l’automne 2000, le match de Sandy Martens en 2002 contre Galatasaray, l’extérieur du pied de Mendoza à San Siro en 2003, la volée de Jan Polak contre Bordeaux en 2008, la frappe de De Camargo contre Salzbourg en 2010 ou encore le coup de casque de Sinan Bolat à Sclessin en 2009.
Dans beaucoup de pays, cette flopée d’exploits aussi retentissants qu’inattendus aurait fini par se perdre dans l’imaginaire collectif au gré du temps qui passe et des titres qui s’accumulent. En Belgique, non. On les conserve précieusement et on y repense souvent. Comme une madeleine de Proust mal digérée. Et si, ce jeudi soir, Obbi Oularé plante un retourné acrobatique à 4-0 pour le Dnipro, cela fera sans doute le même effet. C’est un peu gênant, mais c’est comme ça. En Belgique, on a appris à se satisfaire de ce que l’on nous donne. C’est parfois très beau, mais cela sert rarement à grand-chose. Depuis près de trente ans, la rengaine est toujours la même et les rêves de titres finissent toujours par une élimination sans gloire, le plus souvent contre un sans-grade. Et il n’y a pas à dire, le club ukrainien du FK Dnipro Dnipropetrovsk a le profil idéal du bourreau anonyme et sans cœur.
Un Club so eighties
Il n’empêche que cette fois, la Belgique a des raisons d’y croire. Principalement parce que le Club de Bruges version 2015 est une équipe qui ressemble à la Belgique des années 70-80. Celle de Czernia, Gerets et Ceulemans. Des types qui jouaient plus avec leurs tripes qu’avec leurs pieds, mais qui gagnaient des matchs et savaient s’entourer des meilleurs. Il y a un peu de cela dans le Club de Bruges de Michel Preud’homme aujourd’hui. Des porteurs d’eau dévoués dans toutes les lignes et à tous les postes, accompagnés d’un artiste épanoui. S’il y aurait bien un peu d’Enzo Scifo dans Víctor Vázquez, il y a aussi et surtout un entraîneur qui n’a pas le profil du souffre-douleur un peu niais trop souvent accolé à l’étiquette de l’entraîneur belge de seconde zone. Michel Preud’homme a du vécu, du talent et une gueule. Comme ses plus illustres prédécesseurs. De Raymond Goethals à Guy Thys en passant par Ernst Happel, Tomislav Ivić ou Henk Houwaart, il a connu la plus grande époque du football belge et n’a jamais été habitué à se faire marcher dessus.
Il n’y a pas à dire, s’il y en a bien un capable de ramener un trophée européen à la Belgique, cela ne peut-être que lui. Et tant pis si, pour cela, il faut accepter de voir des longs ballons de Mechele survoler le crâne dégarni de Timmy Simons et des célébrations toutes tristounettes de Tom de Sutter. Aussi paradoxal que cela puisse être, le Club de Bruges de MPH n’est pas là pour séduire, il est là pour conclure. Méticuleux, maniaque et ambitieux, le Club est à l’image de son entraîneur et ressemble à la meilleure chance pour un club belge de rejoindre le dernier carré d’une compétition européenne. Peut-être même mieux. Ce sera cette année ou cela ne sera pas. Car s’il y a peu de chances qu’une occasion comme celle-ci se représente de sitôt, c’est avant tout parce qu’il est très peu probable de retrouver Michel Preud’homme sur le banc d’un club belge l’an prochain. L’homme a toujours été volage et le succès n’y changera sans doute rien.
Par Martin Grimberghs, en Belgique