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Le Barça privé d'Europe, c'est sérieux ?
Les supporters du FC Barcelone pensaient les démêlés de leur club avec la justice réglés, mais voilà que l’affaire Negreira refait aujourd’hui surface. Avec des accusations de plus en plus fondées, et une mise en péril probable.
Cette saison 2023-2024 devait marquer celle du retour au premier plan pour le FC Barcelone. Avec Xavi enfin installé sur le banc et Joan Laporta de retour à la direction, les Catalans semblaient promis à un avenir radieux, après quatre ans de boxon incompréhensible. Le titre de champion d’Espagne obtenu au printemps dernier indexait d’ailleurs l’embellie retrouvée par le club culé, malgré l’apparition d’une polémique dès le mois de février : l’affaire Negreira. Le Barça est alors accusé d’avoir financé José María Enríquez Negreira, ancien arbitre et ancien vice-président de la Commission technique des arbitres espagnols (CTA), afin d’obtenir des rapports détaillés sur les officiels désignés pour arbitrer les rencontres du club entre 2001 et 2018. Des paiements estimés à 7,7 millions d’euros, opérés par quatre présidents successifs, à savoir Joan Gaspart, Joan Laporta, Sandro Rosell et Josep Maria Bartomeu. D’abord jugée comme un cas de corruption, cette affaire s’est éteinte durant l’été, puisque la somme n’a pas été versée à Negreira, mais à sept sociétés intermédiaires – dont deux appartenant à l’intéressé et à son fils Javier Enríquez. De plus, la prescription des matchs concernés (cinq ans en Espagne) rendait difficilement punissable le FC Barcelone. En cette fin septembre, le juge Joaquín Aguirre, chargé du dossier, a cependant décider de remuer les fonds de tiroir pour y trouver un terme magique : le délit de concussion.
Le délit de concussion est le fait, pour une personne dépositaire de l’autorité publique en charge d’une mission de service public, de sciemment recevoir, exiger ou ordonner de percevoir une somme indue. En résumé : il s’agit de payer un fonctionnaire, en échange de services divers. Ce qui est illégal un peu partout dans le monde. Et justement, en qualité d’employé de la fédération espagnole (RFEF) jusqu’en 2018, José María Enríquez Negreira est considéré comme employé du Royaume d’Espagne. Dès lors, ces financements reçus de la part des dirigeants du FC Barcelone, qu’ils aient été directs ou indirects, sortent du cadre de la loi. C’est dans ce cadre que les bureaux de la CTA ont été perquisitionnés, douze heures durant, afin de compiler l’ensemble des documents relatifs au passage de Negreira. Idem au sein de la fédération catalane, où la Guardia Civil a pu récupérer plusieurs factures et autres documents concernant le FC Barcelone et les sociétés de Negreira.
L’UEFA comme arbitre
Une accélération des événements en partie dictée par l’UEFA, impliquée depuis le mois de juillet dernier, afin d’établir (ou non) des sanctions. Car au bout de cette énumération d’infractions, ce qui est attendu, c’est un verdict. Et dans ce registre, trois scénarios sont à prévoir. Le premier verrait le Barça faire traîner le dossier sur le long terme. Le deuxième, évoqué mais encore moins probable, déboucherait sur une cessation d’activité. Le FC Barcelone serait ainsi placé sous la tutelle de la fédération espagnole, et ne pourrait plus exister en tant qu’institution privée et indépendante. Mais à l’image de l’affaire Puerto en cyclisme, il est difficilement envisageable de voir les instances espagnoles mettre en difficulté l’une de leurs plus grandes entités. Ne reste donc que la troisième option. Celle qui verrait l’écurie blaugrana purger une suspension de courte ou moyenne durée, à échelle continentale.
Le 27 juillet dernier, l’UEFA communiquait en effet son refus d’exclure le Barça de cette édition 2023-2024 de la Ligue des champions, puisque l’enquête en était à ses prémices, et que la conquête du titre de champion d’Espagne n’avait en aucun cas été tronquée. En revanche, et dans ce même communiqué, l’instance européenne se réservait le droit de sévir dès la saison prochaine, si des preuves tangibles lui étaient fournies : « Le FC Barcelone est provisoirement admis à participer aux compétitions interclubs de l’UEFA 2023-2024. Une future décision sur l’admission ou l’exclusion des compétitions interclubs de l’UEFA est tout de même à envisager. » D’après des sources consultées par nos confrères de Mundo Deportivo ce jeudi, l’UEFA précise également que l’affaire Negreira étant désormais considérée comme pénale, elle s’autorisait à interférer dans l’organigramme du FC Barcelone en cas de demande des enquêteurs. Pour Aleksander Čeferin, appuyé par l’Association européenne des clubs (ECA) de Nasser al-Khelaïfi, il s’agirait alors d’une deuxième victoire contre l’un des fondateurs de la Superligue, après avoir exclu la Juventus pour irrégularités financières. En attendant la conclusion de cet énième feuilleton peu glorieux, le FC Barcelone continuera de vivre sur le fil. Comme il le fait visiblement depuis 2001.
Par Adel Bentaha