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Le Falcao de Monaco est-il plus fort que celui de Porto ?
En recroisant ce mardi son ex de Porto, où il s’est révélé aux yeux de l’Europe, Falcao aura sûrement l’occasion de voir tout le chemin qu’il a parcouru en six saisons. Alors que le Colombien cartonne en ce début de saison, cette rencontre européenne est l’occasion de se demander si El Tigre était plus fort chez les Dragões, ou si c’est bien sur le Rocher qu’il connaît l’apogée de sa carrière. Messieurs-dames, le débat est ouvert.
L’équation n’est pas facile à résoudre. D’un côté, il y a celui qui n’a jamais été aussi brillant qu’aujourd’hui, en tant que taulier de l’attaque monégasque. De l’autre, il y a ce Colombien fraîchement débarqué en Europe en 2009 qui va, deux saisons durant, marcher sur l’eau et conduire son club aux succès continentaux. Deux trajectoires de vie qui concernent bien le même homme : Radamel Falcao. L’attaquant monégasque semble enfin avoir retrouvé toutes les variables qui lui avaient permis de devenir ce chasseur de buts redouté avant d’être confronté au doute à la suite de sa lésion du ligament croisé en 2014, puis ses prêts compliqués à Chelsea et à Manchester United. « Il y a un an et demi, 80% des personnes pensaient qu’il était fini. Aujourd’hui, il est à un grand niveau, s’enthousiasmait Leonardo Jardim face à la presse. Il est au niveau de ce qu’il était à Porto ou à l’Atlético. » Si le Portugais arbitre donc la question en optant pour un statu quo, quelques pistes peuvent faire pencher la balance d’un côté comme de l’autre.
Avantage Porto
Leonardo Jardim a raison de flatter l’ego de son capitaine, mais le technicien portugais a dû oublier ce 22 août 2010. Alors jeune coach du promu Beira Mar, Leonardo Jardim affronte le FC Porto de Radamel Falcao. Pendant 90 minutes, l’attaquant colombien fait vivre un cauchemar à la défense des Auri-Negros. Une tête plongeante pour ouvrir le score, avant de prendre de vitesse son vis-à-vis sur dix mètres pour le but du 3-0. Une action que ses jambes de trentenaire l’empêchent de réitérer à l’AS Monaco. Plus que sa rapidité, qui n’a finalement jamais été son fort, le Falcao de Porto était surtout un attaquant complet, capable de marquer de n’importe quelle position. Loin, très loin, de celui qui se contente d’attendre les caviars de Thomas Lemar, João Moutinho ou de Rony Lopes pour pousser la balle au fond des filets. Lors de ses deux saisons à Porto, Falcao aurait même pu marquer une tête sur un centre de Layvin Kurzawa, tant sa détente, son intelligence dans le placement et son coup de boule en faisaient le meilleur joueur de tête du circuit.
Le championnat portugais n’étant pas réputé pour sa solidité défensive, la Coupe d’Europe est là pour jouer son rôle d’arbitre. Sept pions en dix matchs de Ligue des champions la saison passée ? Bien. Mais que dire de son rôle lors du sacre du FC Porto en Ligue Europa en 2011 ? Un triplé en quarts de finale contre le Spartak Moscou, un quadruplé en demi-finales contre Villarreal et le but de la victoire en finale face à Braga. Sur l’ensemble de la compétition, Radamel Falcao marque à dix-huit reprises et ridiculise ainsi le précédent record de Jürgen Klinsmann établi en 1996 (quinze buts). Ces buts, le Colombien les inscrivait grâce à son talent, sa technique – il était à l’époque auteur de quelques crochets destructeurs –, mais surtout sa grinta. Celle qui lui permettait de se jeter sur chaque ballon, de mettre la tête où d’autres ne mettraient pas le pied et de haranguer la foule après chaque but. Un vrai Tigre. Assagi depuis sa grave blessure au genou, Falcao ressemble désormais plus à un tigron. Un tigron très fort certes, mais un tigron quand même.
Avantage Monaco
« Même le Radamel de Porto ne marquait pas autant » . C’est Falcao lui-même qui l’a reconnu après la victoire de Monaco face à Lille (0-4) où il a inscrit un nouveau doublé qui porte son compteur à onze unités. Ou comment commencer une saison comme il ne l’a jamais fait auparavant. Même s’il a fait forte impression lors de son arrivée à Porto, l’attaquant ne comptait « que » sept réalisations en autant de journées lors de sa première saison au Portugal et seulement deux lors du lancement de la saison 2010-2011. Avec le temps, le Colombien est devenu un joueur à l’efficacité implacable : sur ses douze tirs cadrés en Ligue 1, un seul n’a pas fini au fond des filets. C’était face au Messin Thomas Didillon, ce qui n’a pas empêché l’attaquant d’être décisif (1-0). Et si son nom s’affiche aussi souvent sur les tableaux d’affichage, c’est aussi parce que Jardim l’emploie avec un positionnement légèrement différent qu’à Porto. Là où on le voyait régulièrement décrocher avec les Dragões, le Falcao princier joue collé à la ligne des défenseurs, se concentrant sur sa mission : être à la conclusion de chaque mouvement.
Mais au-delà de la forme actuelle, c’est le statut qui a diamétralement changé depuis qu’il sévit sur le Rocher. À Porto, El Tigre était arrivé avec le rôle de buteur soliste et nécessairement égoïste. Un job taillé pour lui et pile dans ce qu’attendent les Dragões de leurs joueurs : être fort sur le court terme pour faire ensuite l’objet d’une vente à forte plus-value. À Monaco, la politique des RH est sensiblement la même, sauf que Falcao a déjà laissé passer sa chance de briller dans un grand club européen. Si le Colombien garde toujours un œil sur les récompenses individuelles, il sait qu’il les atteindra plus facilement en mettant ses qualités et son énergie au service d’un collectif.
Surtout quand le club en question lui confie les clés du camion et en fait son capitaine. Un rôle de leader qu’il tient tant sur le terrain que dans les vestiaires. « Mon rôle est simple, je suis là pour rappeler à chaque match que rien n’est acquis. On doit se remettre en question en permanence pour garder tout le monde concerné » , expliquait-il il y a quelques mois à Nice-Matin. À Porto, il était une comète ; à Monaco, on veut qu’il soit l’étoile qui guide l’équipe. Celui qui garantira une stabilité offensive malgré les arrivées et les départs de ses camarades d’attaque. Moins de fougue certes, mais de la sérénité, du caractère et de la clairvoyance, voilà ce qu’a trouvé Falcao en court de chemin. Tout ce qu’il fallait pour qu’une bête blessée puisse redevenir le roi de la jungle.
Par Steven Oliveira et Mathieu Rollinger