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Le Fajr Mahal
Après un départ houleux et un passage enrichissant en Liga ces dernières années, Fayçal Fajr est revenu à l'intersaison dans son berceau normand pour regoûter à la Ligue 1 et renouer avec Malherbe. À l'aide de son délicieux pied droit, le milieu de poche rattrape le temps perdu et a déjà transformé l'entrejeu caennais.
Il a beau n’avoir quasiment jamais eu sa chance avec les Bleus, Stéphane Ruffier n’en reste pas moins l’un des portiers les plus sûrs de notre championnat. Alors des boulettes, la Ruff’ n’en fait pas beaucoup. Mais quand ça se produit, ça ne passe pas inaperçu. La plus célèbre reste sans conteste son contrôle orienté foireux sous le pressing de son bourreau préféré Zlatan Ibrahimović, un soir de fessée au Parc aux princes (5-0).
Le Z parti loin de l’Hexagone, la marmule de Bayonne s’est vue dans l’obligation de se trouver un nouveau martyriseur. Plus petit, plus fin, beaucoup moins fantasque, mais pas forcément moins élégant sur un pré. Ce joueur mystère n’est autre que Fayçal Fajr. Et ce dernier, avec l’aide de l’habituel mur des Verts, a signé le week-end dernier à Geoffroy-Guichard son premier pion en Ligue 1. Histoire de marquer comme il se doit son retour dans le Calvados et sa réconciliation avec « son » club.
Les meilleurs caviars de Ligue 2
À la signature du milieu de terrain à Malherbe cet été quatre ans après l’avoir quitté, son nouvel entraîneur Fabien Mercadal ne cachait pas son enthousiasme. « C’est un bon recrutement d’un point de vue technique, mais aussi d’un point de vue humain. C’est une chance pour nous d’avoir un joueur comme lui. Vous l’avez connu à un moment où il n’était pas au top de sa carrière. Il a progressé depuis et sort d’une saison pleine en Espagne, il était titulaire l’année dernière. Contre l’Atlético de Madrid, c’était un des meilleurs sur le terrain. » Le technicien savait ce qu’il disait.
Car avant d’en arriver là, Fajr a eu le temps de faire ses preuves. Longtemps « rejeté » par le monde pro puis repêché par le club normand en 2011 alors qu’il sévissait à Fréjus-Saint-Raphaël en CFA, le droitier était devenu une pièce maîtresse de Patrice Garande. L’une des attractions de la Ligue 2, même, avec un statut de meilleur passeur de l’équipe et un exercice bouclé à huit buts et quinze offrandes – un record dans l’antichambre de l’élite battu depuis par Zinedine Ferhat – avant de traverser les Pyrénées à cause d’une atmosphère devenue nauséabonde autour de lui. En Liga, le milieu offensif a enchaîné les saisons pleines entre Elche, La Corogne (deux ans) et Getafe, distribuant à travers l’Espagne ses coups de patte léchés. Même s’il n’a pas particulièrement fait gonfler ses stats sur les terrains ibériques.
« On m’a juste dit « Tu pars » »
Son départ, en 2014, a longtemps hanté le joueur, comme il le déclarait en février dernier, bien avant de resigner : « Je n’ai pas compris pourquoi j’étais parti de Caen. J’aurais bien aimé savoir. Un joueur qui te met huit buts et quinze passes décisives, qui a des stats, qui te fait monter en Ligue 1 et qui fait une grosse saison, pourquoi tu ne le gardes pas ? Je suis parti en mauvais termes, et je ne sais pas pourquoi. On a parlé de mon caractère, ou du fait que soi-disant je n’acceptais pas la concurrence. C’est faux. C’est pour ça que c’est important de chercher à savoir ce qu’un joueur ressent vraiment au fond de lui. Mais moi, on m’a juste dit « Tu pars ». »
? Fayçal Fajr (37,5%) est le premier joueur du mois @KunkelSas de cette saison 2018/2019 devant @alex_djiku et @StefPeeters8 ??#SMCaen #TeamSMC #Ligue1Conforama pic.twitter.com/RwLADwTNJM
— Stade Malherbe Caen (@SMCaen) 4 septembre 2018
Alors, quand il a eu l’occasion de renfiler la tunique avec laquelle il a été lancé en pro, celui qui est entre-temps devenu international marocain (25 sélections) a hoché la tête, et le Stade Malherbe a pu le rapatrier de la banlieue de Madrid contre un million et demi d’euros. Arrivé orné de ses deux entrées en Russie avec les Lions de l’Atlas, le natif de Rouen n’a eu aucun mal à se faire une place de choix au milieu du onze de Mercadal, avec aucune minute manquée depuis le début de saison et une influence déjà notable sur le jeu de son équipe.
À l’image de ses quatre dernières prestations : après sa presque passe décisive pour Enzo Crivelli à Dijon, sa galette pour Oniangué lors de la réception de Lyon puis sa réalisation à Sainté, Fajr a provoqué l’égalisation de Yacine Bammou contre Montpellier mercredi (2-2) en trouvant le poteau sur coup franc. En plus de sa vision du jeu, sa polyvalence au milieu, son habileté technique et son toucher soyeux, le trentenaire (depuis deux mois) apporte ainsi également aux Rouge et Bleu une justesse non négligeable sur les coups de pied arrêtés. Les aficionados de Michel-d’Ornano ne s’y sont pas trompés, faisant de lui le Caennais du début de saison. Et s’il peut faire marquer des types comme Bammou ou Crivelli, qui sait où le Franco-Marocain s’arrêtera ?
Par Jérémie Baron
Propos de FB tirés de Ouest-France, ceux de FM tirés de France Bleu.