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« Le fait que cette Copa se joue aux États-Unis me dérange »

Propos recueillis par Bastien Poupat et Ruben Curiel, à Buenos Aires
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Milieu de terrain de San Lorenzo, cadre naturalisé de la sélection paraguayenne, Néstor Ortigoza et ses kilos en trop représentent un football qui meurt petit à petit. Celui des potreros. Interview avec un joueur qui a appris à tirer des penaltys dans des tournois de quartier.

Il paraît que Néstor n’est pas ton vrai prénom ?À la base, mes parents voulaient m’appeler Jonatán, mais à l’état civil, ils se sont fait envoyer bouler. Je suis né en 1984, et la guerre des Malouines était toujours dans les esprits en Argentine. Jonatán était un prénom à trop forte consonance anglaise pour eux, donc ils ont refusé. Ils ont donc dû changer et ils ont choisi Nestor Ezequiel. Mais pour eux, je suis Jonatán et toute famille m’appelle ainsi.

Jeune, tu passais ton temps dans les potreros (matchs de quartier, ndlr) à jouer des matchs où le fair-play ne régnait pas forcément et à disputer des concours de penaltys. En général, on débutait vers 21h, et j’étais souvent accompagné de mon oncle Manuel. Il était un spécialiste des penaltys, et je me souviens que je me positionnais tout le temps derrière lui pour analyser sa course d’élan et sa manière de les tirer. J’ai voulu me lancer à mon tour, l’imiter. Le principe était simple, chacun posait un billet et celui qui remportait la séance repartait avec l’argent. Ça pouvait durer des heures, aller jusqu’au bout de la nuit.

Aujourd’hui, l’influence du football de quartier est moindre en Argentine. Tu regrettes ça ?Ce qu’il s’est passé, c’est que la Playstation a tué peu à peu le potrero.

Aujourd’hui, les terrains de quartier sont vides, et que font les jeunes ? Eh bien ils jouent à FIFA.

Il y a beaucoup moins de terrains dans les quartiers par exemple. Je me souviens quand j’étais gamin, depuis ma fenêtre je pouvais apercevoir six ou sept terrains qui étaient tout le temps pleins. Il fallait attendre ton tour pour pouvoir jouer. Aujourd’hui, les terrains sont vides, et que font les jeunes ? Eh bien ils jouent à FIFA.

C’est plus un problème générationnel donc ?Complètement, il est là le souci. Et rien n’est fait pour refaire vivre ce football où on apprend pourtant énormément.

Du coup, ces fameux tournois de penaltys ont fait de toi un spécialiste de l’exercice. Dans ta carrière, c’était lequel le plus difficile à mettre ? (Il hésite quelques secondes) Celui contre Instituto. On jouait un match couperet pour le maintien et on était vraiment mal, en manque de confiance. Donc ce penalty qui nous donne l’égalisation, il fallait avoir une grosse paire de cojones pour le tirer. Finalement, je l’ai mis au fond. Contre le Nacional en finale de la Libertadores, c’était un autre contexte. Les gens ont commencé à gueuler mon nom avant que je m’élance. Je me répétais dans ma tête : « Je suis le meilleur, je suis le meilleur » , et je l’ai finalement transformé très tranquillement.


Et lors du Clásico face à Huracán, qu’est-ce qu’il s’est passé ? Putain, je ne sais pas pourquoi j’ai mis autant de puissance. J’ai vu le gardien partir de l’autre côté, j’ai voulu assurer en mettant plus de force et là, je vois le ballon taper la barre avant de rebondir juste un peu avant la ligne. C’est pas grave, au final on remporte le Clásico 1-0. Les pénos les plus importants, je les ai mis au fond. C’est seulement le deuxième que je rate dans toute ma carrière (sous le maillot d’Argentinos Juniors, Ortigoza avait raté le premier penalty de sa carrière face à Godoy Cruz, ndlr).


Bon, maintenant tu nous racontes ton secret pour les penaltys ? Cette course d’élan ?(Rires) Non ! Je le raconterai quand j’arrêterai ma carrière, mais pas avant.

Tu es né en Argentine ? Pourquoi ce choix de jouer pour le Paraguay ? Au départ, les Paraguayens ne voulaient pas de moi.

La rivalité entre l’Argentine et le Paraguay est très forte. Heureusement, mes coéquipiers m’ont très bien accueilli.

Même si énormément de membres de ma famille sont paraguayens, dont mon père, pour eux je suis argentin. Il faut savoir que la rivalité entre les deux pays est très forte. Heureusement, mes coéquipiers m’ont bien accueilli. Tout comme le sélectionneur de l’époque, Tata Martino, qui entraîne aujourd’hui l’Argentine.

Comment as-tu gagné le cœur des Paraguayens ?Le premier match que je joue avec la sélection paraguayenne, j’ai eu de très bonnes sensations. J’ai sorti une grosse performance ce jour-là. Les gens ont commencé à m’apprécier au fur et à mesure des rencontres. J’ai toujours donné mon maximum pour ce maillot, et aujourd’hui, les gens me traitent merveilleusement bien, avec énormément de respect.

Pourtant, tu pourrais regretter ce choix. Un certain Diego Maradona te voulait pour la sélection argentine… Putain, même en France, vous êtes au courant ! Oui, c’est vrai, c’était juste après que Tata Martino m’a appelé pour jouer avec le Paraguay, en 2009. Je reçois un coup de fil et là, j’entends : « Salut, c’est Diego, tu vas bien ? » Moi, je réponds : « Diego qui ? » Et le mec au bout du téléphone dit : « Diego Maradona. » J’ai raccroché directement, car je pensais que c’était une connerie, une blague. Il m’a appelé une seconde fois et j’ai compris que c’était vraiment lui. Je me suis excusé directement. Après, il m’a expliqué qu’il voulait me voir en sélection avec des joueurs évoluant dans le championnat argentin, mais je m’étais déjà engagé auprès de Tata Martino. J’ai donné ma parole à Martino, et je ne voulais pas revenir dessus.

On en vient à la Copa América. Ramón Díaz, le sélectionneur du Paraguay, a eu un rôle important dans ta carrière…

Ramón Díaz, c’est un entraîneur que j’apprécie énormément, parce qu’il m’a toujours fait confiance. Avec lui, je me sens important.

C’est un entraîneur que j’apprécie énormément, parce qu’il m’a toujours fait confiance. Avec lui, je me sens important. Je l’ai connu à San Lorenzo et je suis très heureux qu’il soit à la tête de la sélection. Après, je sais me motiver seul et ce n’est pas parce qu’il y a Ramón que je vais relâcher cette pression. Je dois toujours démontrer ce que je peux et sais faire.

Quels sont les objectifs du Paraguay pour cette Copa América Centenario ?La gagner. Ramón Díaz est un gagnant, et l’objectif est clairement d’aller au bout après un échec en finale en 2011 en Argentine face à l’Uruguay, et un autre en demi-finale l’année dernière au Chili (contre l’Argentine, ndlr). On a une très belle génération actuellement. Ce sont des très bons jeunes qui brillent avec leurs clubs lors des dernières compétitions internationales. Je pense au Nacional que nous avons battu en finale de la Copa Libertadores 2014, l’année dernière Guarani a été jusqu’en demi-finale face à River Plate. Donc j’espère que ces petits seront prêts pour ce rendez-vous. Au-delà des individualités, on a un groupe qui est en train de naître.

Le fait que cette compétition se dispute aux États-Unis, tu en penses quoi? Ça me dérange. Les États-Unis ne sont pas un pays avec une grande culture football.

J’aurais préféré que cette Copa América Centenario se joue en Argentine ou en Uruguay, mais pas aux États-Unis.

Leur sélection a participé seulement trois fois à cette Copa América en tant qu’invitée, et le centenaire de la plus vieille compétition de football au monde se joue là-bas… J’aurais préféré que cela se joue en Argentine, qui a organisé le premier tournoi en 1916, ou encore en Uruguay qui l’a remporté cette année-là. Bref, en Amérique du Sud, quoi.

Plus loin que cette Copa América Centenario, il y a la Russie en 2018. Tu y penses déjà ?Oui, on y pense indéniablement, car les éliminatoires ont déjà débuté et on sort de deux matchs très durs moralement. On s’est fait rejoindre deux fois dans les arrêts de jeu et on perd quatre points qui nous tendaient les bras. La première à Quito contre l’Équateur, en altitude en plus, où on menait 2-1 et cinq jours plus tard, rebelote face au Brésil à domicile. Ça laisse vraiment un goût amer.

Dans cet article :
Le sélectionneur du Paraguay ému aux larmes pour son retour en Équateur
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