- Rétro
- Ce jour-là
- 6 novembre 1977
«Le fait d’être bourré m’a aidé à marquer»
En retrait par rapport à ses compatriotes Mario Kempés et Daniel Passarella, René Houseman n’en fut pas moins un grand acteur de la Coupe du monde 1978. Pièce maîtresse d’Huracan dans les années 70, il revient pour So Foot sur l’épisode le plus rock’n’roll de sa carrière.
Le visage buriné par le temps et les excès d’alcool, René Houseman, sorte de père spirituel de George Best et d’Éric Cantona (porteur du numéro 7 tout comme ses illustres successeurs mancuniens), traverse la rue qui sépare son modeste appartement du petit café du quartier de Belgrano dans lequel il nous a donné rendez-vous, pour revenir sur un épisode mythique de son épique carrière. 6 novembre 1977, son fils souffle l’une de ses premières bougies. Le magicien d’Huracan ne veut manquer l’événement pour rien au monde. « C’était un samedi, veille de match contre River Plate. J’ai demandé une permission et le staff m’a autorisé à rentrer à 21h. Ce n’était pas un simple goûter d’anniversaire, il y avait surtout des adultes, des amis, la famille, etc. J’étais avec un coéquipier, on est rentrés de la fête un peu en retard… et lorsqu’on est arrivés à la concentration, je me suis rendu compte que j’avais gardé les clés de ma femme. J’ai dû expliquer ça à mes dirigeants, je n’allais pas laisser ma femme dans la rue quand même ! Donc je suis reparti à la fête, mais je ne suis rentré qu’à 11h, le lendemain matin, un peu éméché disons… » .
Un anniversaire arrosé
Le match se joue en début d’après-midi. René dort une petite heure, « puis ils m’ont réveillé en me jetant sous une douche froide » , se remémore celui que certains considèrent comme l’un des plus grands joueurs argentins de l’histoire, dans les crampons de Maradona. L’enjeu est clair comme de l’eau de roche : Houseman doit jouer coûte que coûte si Huracan veut avoir une chance de titiller les Millonarios dans leur antre du Monumental. Osvaldo Ardiles, Carlos Babington et Miguel Angel Brindisi, compagnons du titre Metropolitano de 1973 (l’unique remporté par le club), ont depuis répondu aux sirènes du Vieux continent. Ne reste qu’ »El Loco » Houseman parmi les cracks, pour sauver la baraque. Ce jour-là, il enfile donc ses crampons, fait fi de sa gueule de bois et fait grimacer ses adversaires. « Ils évitaient sans doute de s’approcher trop près à cause des vapeurs d’alcool » , se marre le vieux briscard. A vingt minutes de la fin, le cuir retombe dans la surface, Houseman ne se pose pas de questions et tend la jambe gauche. El « Pato » Fillol – qui soulèvera la Coupe du monde quelques mois plus tard à ses côtés – reste de marbre. « Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je sais que le fait d’être bourré m’a aidé à marquer ce but à Fillol » , confie aujourd’hui le champion du monde 1978.
Douche froide, vapeurs d’alcool et reprise du gauche
Devoir accompli, le goléador simule une blessure et demande le changement. « Je n’en pouvais plus » , confesse-t-il. Lui se souvient « d’une victoire 1 à 0 » . Les statistiques d’une défaite 2-1. Qu’importe, l’homme de la « villa » (bidonville) restera à jamais « un super héros : un fou pour certains, un génie pour les autres, une légende pour beaucoup » , comme le présente un remarquable spot animé, hommage de la chaîne TyC Sports. « Robin des Bois » du rectangle vert, le fantastique ailier droit était coutumier des blessures imaginaires, « une fois le match plié » , précise-t-il. « Je le faisais pour que les gars puissent jouer un peu et gagner quelques pesos » , à une époque où les joueurs étaient encore rémunérés « à la pige ». Après une dernière confession ( « Marseille voulait m’acheter à l’époque mais Huracan demandait trop » ), on se fait donc un plaisir de régler la note, comme on jette une poignée de billets dans le chapeau à la fin d’une représentation. Révérence de Houseman, « El Hombre Casa », vagabond de la vie et du football. Rideau.
Le fameux but de Houseman face à River Plate (le second, d’après les révélations de Houseman) :
L’hommage de TyC Sports à René Houseman :
Par Florent Torchut, à Buenos Aires