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Le Enzo Scifo-ico
Belgique/Italie en match amical, c’est l’occasion de se souvenir du plus italien des Belges, un mec qui aurait pu être international dans les deux équipes. Son nom ? Enzo Scifo. Un mix entre Zinedine Zidane et Luigi Pieroni.
Tout s’est joué dans le bureau du procureur du roi de Mons. Un mec avec une barbe rousse à la ZZ Top, des lunettes à la Derrick et une pipe dans la bouche. On est en 1984 et Vincenzo dit « Enzo » Scifo demande officiellement la nationalité belge. Il est accompagné par son père. Les Scifo sont italiens. Plus pour longtemps. « Je viens de prendre une décision, j’ai accepté de prendre cette nationalité, car j’ai mon avenir ici, en Belgique » , lâche-t-il à la sortie du Parquet de Mons. Quelques mois plus tard, l’Euro 84 se déroulera en France, et Enzo fera partie de l’aventure. À 18 piges. Signe de la précocité et du génie qui habitaient l’enfant de la Louvière.
Le petit Pelé du Tivoli
Mais en France, le jeune Belge passe plutôt inaperçu en 1984. Il faudra attendre 1989 pour s’amouracher du milieu de terrain. La faute à Guy Roux qui le ramène dans l’Yonne pour retrouver le disparu de l’Inter et de Bordeaux. Voilà deux ans que Scifo a quitté la Belgique. Deux ans qu’il galère à justifier son talent loin de chez lui. À Auxerre, Scifo va revivre pendant deux saisons (plus de 30 buts). Sur place, Guy Roux lui confie tout, et notamment les clés du camion de l’AJA. Dans un milieu à trois, Scifo joue au sommet et fait la pluie et le beau temps. Il retrouve foi en son football et brille lors du Mondial 1990 avec la Belgique. On a retrouvé le joueur qui avait tant émerveillé Anderlecht dès son plus jeune âge.
Le football, Scifo l’a appris dans la rue de la Louvière. C’est là qu’une grande partie de la diaspora sicilienne s’est établie en Belgique. À 7 ans, il signe sa première licence au club du coin avant de rejoindre le grand Anderlecht en 1982. Avec les jeunes de la Louvière, il plante 432 buts et gagne un surnom : « Le petit Pelé du Tivoli » , du nom du stade local. Il a 16 ans quand il quitte le cocon familial. L’histoire est en marche. Un an plus tard, il foule la pelouse du Parc Astrid pour la première fois. Le début d’une folle histoire d’amour avec le club le plus titré de Belgique. Très vite, Scifo devient le maître à jouer d’Anderlecht et conduit les siens en finale de la Coupe UEFA contre Tottenham. À ses côtés, des vieux routiers européens : Morten Olsen, Franky Vercauteren, Frank Arnesen. Scifo n’est pas plus impressionné que ça et mène sa barque entre buts et caviars. Et là, il prend de l’épaisseur.
Un restau et un 45 tours
Entre 1985 et 1987, Anderlecht braque trois titres de champions consécutifs. En 1986, Scifo est aussi demi-finaliste de la Coupe du monde au Mexique. Bref, il vole. L’homme est tellement sur un nuage qu’il déborde même sur la musique en s’essayant à la variété avec le chanteur Toto Cutugno lors d’un 45 tours intitulé Gagné d’avance. Un échec.
Mais son football, lui, est une réussite incontestable. À tel point que l’Inter lui fait les yeux doux en 1987. Il succombe aux sirènes de la Serie A, mais se perd dans l’effectif pléthorique des Italiens. Rebelote à Bordeaux, en 1989, malgré l’arrivée sur le banc de son compatriote Raymond Goethals. C’est donc un joueur en plein doute que Guy Roux va relancer. Un de plus. Comme le garçon est têtu, il veut retenter l’aventure italienne. Ça sera Torino avec une Coupe d’Italie en guise de cadeau en 1993. Rassuré sur son niveau, Scifo revient en France, à Monaco, en 1993. Il a 27 ans, l’âge de la maturité. Il va rester quatre ans sur le Rocher, avec un titre de champion lors de son départ en 1997 et une équipe incroyable au fil des ans : Klinsmann, Henry, Trezeguet, Ikpeba, Thuram, Petit.
Sentant ses jambes ralentir, il fait comme tous les grands de ce monde : il rentre chez lui. Anderlecht jusqu’en 2000, puis une dernière pige à Charleroi. Là, il dit stop. « Un professeur s’est demandé comment j’avais pu jouer aussi longtemps avec une hanche dans un tel état » , s’étonne-t-il à l’aube de se retraite sportive. Mais Enzo ne va pas rester très longtemps éloigné des terrains. Bien entendu, il place ses billes dans l’immobilier. À Waterloo, sur le site de la bataille perdue par Napoléon, il investi dans un restaurant : le « 1815 » . Mais il a besoin de football pour respirer. Alors il devient coach : Charleroi, Tubize, Mouscron, Mons, puis l’évidence : la sélection belge. Depuis peu, il est en charge des Espoirs où son franc-parler fait du bien. Récemment, il a recadré Adnan Januzaj qui estimait que les Diablotins n’étaient pas assez bons pour lui. Et si l’ailier de Dortmund a la mémoire courte, il peut se reluquer les exploits de Scifo sur Internet. À son âge, Enzo ne parlait pas, il jouait. Et plutôt bien.
Par Mathieu Faure