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Le Dynamo de l’Escaut, en campagne pour un foot populaire
Faire du ballon rond un outil d’émancipation, d’éducation, d’accès à la culture, ainsi qu’un prétexte pour mener à bien des projets solidaires, c’est le pari du Dynamo de l’Escaut, club créé en mars dernier du côté de Denain, dans le Valenciennois. Focus sur ces insoumis du ballon rond, plus branchés jeu de la bordure que foot business.
Ce sont deux entités dont les esprits taquins diront qu’elles ne font pas bon ménage. La FIFA et le FISC ont pourtant cohabité dans la joie et la bonne humeur, 90 minutes durant, le 22 septembre 2018. Ce jour-là, à Lille, elles ont disputé un match de football. Entre camarades. D’où leur vient cette amitié ? De la politique, la FIFA et le FISC étant en fait deux groupes de sympathisants de la France insoumise, venus du Valenciennois pour les uns (France insoumise Football Association), de la métropole lilloise pour les autres (France insoumise Sporting Club) et opposés, le temps d’un après-midi, à l’occasion de la fête départementale du parti. Une opération politique et un coup de comm’ auxquels le député LFI de la 2e circonscription du Nord Ugo Bernalicis, aligné dans l’entrejeu du FISC, a apporté sa contribution en transformant sa tentative lors de la séance de tirs au but.
Manifeste, radio et foot populo
Un acte fondateur, surtout, pour quelques joueurs de la France insoumise Football Association. Ceux-là ont grandi près de Denain, ont fréquenté le même lycée et jouent au foot ensemble sous le maillot du Dynamo de l’Escaut tous les dimanches matin, non loin de Valenciennes, à Trith-Saint-Léger, commune d’un peu plus de 6000 âmes qui a vu naître le druide Daniel Leclercq, ancien coach de Lens et du VAFC, et passer JPP durant son adolescence (1978-1979). Membres de la « Génération 98 » , ces jeunes trentenaires « curieux de l’impact du foot sur l’économie ou la géopolitique » se retrouvent aussi tous les lundis pour enregistrer une émission de radio autour du sport, diffusée le mardi soir sur Ramdam, radio étudiante valenciennoise. « L’idée, c’était de jumeler tout ça dans un projet intégrant la dimension sociale du foot » , résume Mehdi Rouiti, pilier du groupe à la tête du Dynamo de l’Escaut, association d’éducation populaire par le football « à vocation culturelle et citoyenne » . Créée le 1er mars dernier, l’asso, esprit ouvrier oblige, s’appuie sur un manifeste, adopté le 30 mai.
Ce dernier érige la solidarité, la fraternité et la convivialité au rang de valeurs fondatrices, et dénonce notamment « la captation du sport de haut niveau et des événements sportifs par des entreprises et des fonds de pension avec comme seule boussole la rentabilité » . Le club, dont la fonction – selon ce manifeste – est autant sportive, culturelle, éducative que revendicative, se veut ouvert à tous, farouchement opposé aux discriminations, et entend soutenir les initiatives « qui visent l’accès aux sports pour tous » ou « mêlant le sport et la culture » . Il ambitionne, aussi, de promouvoir un « sport populaire, joyeux et fraternel » . Vaste programme. Histoire de rester dans le thème, il fallait une appellation à la consonance est-européenne à associer à l’Escaut, rivière coulant dans le Valenciennois et traversant chacun des bleds d’où sont originaires les membres de l’asso, de Douchy-les-Mines à « Véha » en passant par Trith, Escaudain, Wavrechain ou Denain. Le CSKA ? Trop militaire. Le Spartak ? Déjà pris par un club de foot loisir lillois. Le Rapid ? « Trop compétiteur » , juge Mehdi. Ce sera le Dynamo de l’Escaut.
Chevalement et jeu de la bordure, deux institutions
Et tant pis si, sous l’ère soviétique, les clubs appelés Dynamo étaient liés au KGB. « On est une terre d’industrie, cela renvoie tout de même au passé de notre territoire » , préfère retenir Mehdi. Ce passé est aussi minier, comme le rappelle le blason du club, frappé d’un chevalement, édifice permettant jadis l’extraction des puits de mine, et encore visible aujourd’hui depuis certaines portions d’autoroutes du Nord et du Pas-de-Calais. De la FIFA, son appellation originelle, l’association a également conservé un héritage : la sémantique. Au Dynamo, on ne dit pas « président » mais « secrétaire général » . On ne parle pas d’assemblée générale et de conseil d’administration, mais de congrès et de comité exécutif. Quant aux adhérents, appelez-les « socios » . Au nombre de 27 et âgés de 17 à 64 ans, ceux-ci peuvent se ranger en trois catégories, selon Mehdi Rouiti, le secrétaire général, donc : « Un noyau de gens qui viennent du lycée, ceux qui ont adhéré pour les matchs, et les adhésions de soutien. Certains ne viennent que pour le foot, d’autres pour la dimension pédagogique. À partir du moment où on respecte le cadre et le manifeste… »
Le cadre, lui, peut se résumer à cette règle simple :
« Chaque euro dépensé dans du matériel est également investi dans un projet éducatif ou culturel. » Ou sportif, naturellement. À l’initiative d’un de ses socios, l’asso planche ainsi sur la création d’une Fédération française et d’un championnat de France de bordure, jeu de balle ultra-populaire dans les cités des Hauts-de-France, consistant à se placer de part et d’autre d’une rue et à tenter de faire rebondir un ballon sur la bordure du trottoir opposé. « On y a tous joué quand on était jeune, sourit Mehdi. On réfléchit aux règles officielles : la distance entre les bordures, la largeur des bordures, ce que ça rapporte si la balle retape la bordure, si tu jettes en arrière… » À leur intégration au club, les socios se voient attribuer un numéro à vie. Témoin de l’ambition de l’association, celui-ci comporte six chiffres. Le prochain adhérent portera ainsi le numéro 000 028. « On s’arrêtera au million, claironne Mehdi, avant de recouvrer son sérieux. L’enjeu, c’est que le développement des adhérents soit en adéquation avec le développement des moyens. Je préfère être 27 et agir qu’être 400 avec des gens qui ne font pas. »
Francinsoumisico, acte II
Pour l’heure, l’asso peut s’enorgueillir d’un « petit bilan » : 26 émissions, des participations à une dizaine de tournois, la plupart du temps avec une équipe mixte, une sortie à Bruxelles pour affronter une formation de la capitale belge, et une exposition visible à l’hôtel de ville de Valenciennes durant la Coupe du monde féminine. Intitulée Tir cadré, celle-ci proposait des instants de vie et des actions de jeu d’un tournoi amateur. « Ce qu’on essaie de dire, éclaire Mehdi, c’est que foot et culture ne sont pas opposés. On peut grouper les deux. L’art et le sport, c’est vieux comme le monde : certaines statues grecques représentaient bien l’olympisme. » Une autre expo photo figure à l’agenda 2020 du Dynamo, lequel prévoit également l’organisation dans le Denaisis d’une toute première fête du foot populaire mêlant rencontres mixtes, concerts, tables rondes et débats ; et celle d’un séjour solidaire en Tunisie pour ses socios. Avant cela, il y aura ce ciné-débat autour du sport, à l’automne prochain. Et, bien sûr, le Vrai Foot Day, le dimanche 13 octobre. Ce jour-là, le Dynamo, battu aux pénos après un nul 2-2 en septembre, prévoit de prendre sa revanche face au FISC, qui pourrait être renforcé par un certain Adrien Quatennens. Ancien conseiller de clientèle EDF, celui qui est aujourd’hui député de la 1re circo’ du Nord et n°2 de la France insoumise a tout l’été pour s’entraîner aux tirs au but. Et ainsi tromper la vigilance du n°1.
Par Simon Butel