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Le doublé de Double K
Kevin Kuranyi sera le grand absent allemand en Afrique du Sud. Tricard déjà en 2006, l'attaquant de Schalke paie son coup de sang d'octobre 2008, malgré une saison 2009-2010 de cador. Pourtant la Nationalmannschaft s'en sortira, comme trop souvent.
Sélection contre club. Deux modes de fonctionnement bien différents. Pour une Coupe du Monde, chaque sélectionneur a ses critères pour établir son groupe. Trois données sont alors présentées comme fondamentales: les performances de la saison, l’influence au sein de l’équipe et la capacité à accepter les règles d’un collectif, une dernière composante souvent qualifiée par les sélectionneurs de ciment fondateur pour les plus grandes victoires.
Kevin Kuranyi répond au moins au premier critère. Cette saison, il a porté l’attaque de Schalke 04. Avec 18 buts au compteur en Bundesliga, « KK » a réalisé la saison la plus complète de sa carrière et rapporté plus d’un point décisif à coach Magath. Après un doublé dès l’ouverture de la Bundesliga (victoire contre Nüremberg 2-0), il aura attendu la 9ème journée pour enfiler perle sur perle : but décisif à Stuttgart en octobre, son ancien club, but égalisateur contre Hambourg la journée suivante (3-3), nouveau bourreau du VFB à la mi-mars ou encore doublé à Leverkusen fin mars, leader du championnat un mois plus tôt. Pour faire court, Kuranyi a rarement scoré pour du beurre – et les Kartoffeln qui vont avec – et a largement contribué à la 2ème place du club phare de Gelsenkirchen cette année.
Pour ce qui est des deux autres critères, Kuranyi part de loin. En octobre 2008, Kuranyi, vexé d’être calé en tribunes pour un match de qualification à la Coupe du Monde contre la Russie, décide de quitter le stade et la sélection, sans laisser de petit mot. Löw déclare alors que « Kuranyi ne portera plus jamais le maillot de la Nationalmannschaft (NM) tant que j’en serais le sélectionneur » . Kuranyi ne crève pas non plus l’écran lors de la saison 2008-2009 et personne ne s’offusque outre-mesure de la position du sélectionneur, plutôt compréhensible. Mais cette année, les performances du grand Allemand ne pouvaient passer inaperçues, si bien qu’un fort lobbying de la part du Bild et du Kaiser en personne – « la sélection appartient à tout le monde et elle a besoin de tous les meilleurs joueurs, dont Kevin Kuranyi » – ont poussé à sa réintégration au sein de la NM. Löw est resté sur son idée première, malgré un semblant d’ouverture en avril, laissant le natif de Rio sur le bas-côté. « L’affaire disciplinaire d’octobre 2008 n’a, pour ma part, joué aucun rôle. Pour nous, cela n’aurait pas été un problème de lui donner une nouvelle chance en équipe nationale » se justifie, jeudi dernier, sans trop convaincre, le sélectionneur de la NM. C’est ça…
La graine et les muets
L’Allemagne partira donc en Afrique du Sud sans le deuxième meilleur buteur allemand de cette saison de Bundesliga. Jojo reste fidèle à ses hommes habituels : Klose, Podolski et Gomez. Pourtant, pour cet exercice 2009-2010, les trois larrons ne se sont pas particulièrement illustrés. Klose est resté planté à 4 buts avec le Bayern, la vedette Podolski a manqué son retour à Cologne (2 pions seulement) et Gomez est resté tétanisé par le poids de son transfert en Bavière (30 millions d’euros) et par la rapidité du système prôné par Van Gaal (10 buts quand même mais quel tâche en Champion’s League). Au niveau de la stricte performance en club, seul Stefan Kiessling, de Leverkusen, mérite sa convocation, auréolé (avant la dernière journée de cet après-midi) du titre de meilleur buteur aux côtés de Dzeko, avec 21 cachous dans la poche. Considéré comme l’actuel attaquant le plus complet d’Allemagne, une sorte de Chamakh blanc et blond, la pointe du Bayer tentera de planter sa graine chez la NM pendant cette Coupe du Monde.
Oui mais voilà, la stricte performance n’est pas suffisante. Le vécu et l’influence au sein d’un groupe ont leurs mots à dire. « Podi » et Klose, muets en club, cultivent le paradoxe en retrouvant la parole en NM et en alignant les « Tor » , respectivement auteurs de six et sept buts durant la campagne de qualification pour l’Afrique du Sud. Le choix de Gomez, au profil similaire à Kuranyi – grande tige physique, cheveux mi-longs, originaire d’Amérique du Sud – est finalement le plus sujet à caution. De plus, le bilan de Löw, jusqu’à aujourd’hui, ne s’est pas avéré dégueu : finaliste de l’Euro 2008 contre l’invincible Espagne ou qualification easy ( « einfach » pour les puristes) à la Coupe du Monde 2010.
Kuranyi, il est vrai jamais indiscutable en sélection, manquera tout de même son deuxième Mondial, après avoir été éjecté de la sélection Klinsmann pour la WM 2006. Le contexte était tout de même différent. A cette époque, Kevin sortait d’une saison poussive, digérant mal son nouveau statut né de son transfert dix mois plus tôt entre Stuttgart et Schalke. À aujourd’hui 28 ans, KK, en fin de contrat en juin, aura au moins le temps de se concentrer sur sa future destination (Dynamo Moscou ? tristesse…), et peut viser un nouvel objectif : la Coupe du Monde 2014 au Brésil, son pays natal, comme un clin d’oeil à son parcours. En espérant pour lui que les cannes suivront et que le sélectionneur de la NM ne s’appelle plus Joachim Löw…
Ronan Boscher
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