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Le don de Morgan
Capitaine et buteuse décisive mardi soir face à l'Angleterre, Alex Morgan a réussi son retour à Lyon et a parfaitement soufflé sur sa trentième bougie. Mieux : elle a réussi à créer une tempête en mimant de boire une tasse de thé. Sacrée soirée.
Quelle pire angoisse que de se trouver dans un lieu public, qui se baigne sans prévenir dans l’obscurité que seule viendrait troubler un gâteau surmonté de bougies, et une assistance venant entonner en chœur le traditionnel « Happy Birthday » ? Américaine et star nationale, Alex Morgan a vécu cette situation à une échelle forcément démesurée. Ainsi, quand les supporters américains se sont mis à célébrer l’anniversaire de leur attaquante, celle-ci a esquissé un remerciement de la main, avant que d’autres fans en remettent une couche quelques minutes plus tard. « Oui, je l’ai entendu plusieurs fois ! S’il vous plaît, ne me le souhaitez plus » , lâchait-elle en coulisses à la sortie du match, comme si elle ne voulait plus qu’on lui rappelle le temps qui passe. Ce mardi 2 juillet 2019, ne lui en déplaise, Alex Morgan a donc fêté ses 30 ans, mais aussi une qualification en finale de la Coupe du monde, la cinquième de son pays, mais la troisième de suite à titre personnel.
Captain Morgan
Et c’est peu dire qu’elle a tout fait pour être le personnage central de cette soirée si spéciale, organisée dans un endroit qui lui est familier pour y avoir passé six mois de sa vie (en 2017), sous les couleurs de l’Olympique lyonnais. Pas de Megan Rapinoe dans la liste des invités, préservée en raison d’une petite alerte physique non précisée par le staff américain, la numéro 13 de la Team US, brassard de capitaine au bras, a pris un peu plus de galon sur la ligne d’attaque. Pas de quoi l’effrayer, mais Alex Morgan avait tout de même des choses à prouver. Depuis son festin en ouverture de Mondial contre la Thaïlande avec un quintuplé à la clé, elle avait laissé son aînée aux cheveux lavande se muer en héroïne de la nation, étant elle un peu plus en retrait dans le jeu.
Ce mardi, elle a bien cru qu’une autre allait lui « piquer la vedette » , puisque c’est la remplaçante de Rapinoe dans le onze de départ, Christen Press, qui a ouvert le score d’une tête parfaite. C’était son jour à elle, alors Alex Morgan est sortie de sa boîte. Idéalement servie par Lindsay Horan, elle s’est défaite de Demi Stokes pour croiser sa reprise du front pour redonner l’avantage. « Avec Lindsay, on se trouve les yeux fermés. Je sais que dès qu’elle lève la tête, qu’elle est sur son bon pied, elle saura me trouver » , claironnait-elle. Une délivrance collective, mais personnelle aussi. Avec ce pion, elle revient à hauteur d’Ellen White au classement des buteuses, qui avait égalisé entre-temps. Mais c’est surtout sa célébration qui fera parler d’elle, et crisser des dents, comme une fève non prévue dans le gâteau d’anniversaire.
Avec un nuage de lait
En mimant de déguster une tasse de thé, à la britannique, petit doigt levé, il n’en fallait pas plus pour s’attirer les foudres. Un geste qui peut être perçu comme du chambrage pur, dans une semaine où Britanniques et Américains se sont renvoyés les balles, qui plus dans la semaine des festivités de l’Indépendance. Si Hillary Clinton a félicité sur Twitter « l’USWNT d’avoir gagné ce thé » , certains énervés y voient aussi un clin d’œil à l’épisode de la Boston Tea Party de 1773, où les Bostoniens avaient balancé par-dessus bord des caisses de thé anglais.
Congrats to the #USWNT for earning that tea. On to the final! ?? pic.twitter.com/nI8HoMjN1D
— Hillary Clinton (@HillaryClinton) 2 juillet 2019
Une « déclaration de guerre » ? Rien de tout ça pour la footballeuse. « Megan Rapinoe a tellement de célébrations, personne ne lui demande de se justifier. Moi, j’en fait une et tout le monde veut savoir pourquoi » , se défendait-elle en conférence, d’un air amusé. Une explication différente sera donnée au micro de TF1 : « Certains nous reprochent notre arrogance, ce geste permet de dire qu’on est insensibles à ces critiques. » Pour ne rien arranger, la néo-trentenaire s’est aussi illustrée en jouant la montre ou en se jetant au sol sur chaque contact, notamment dans son duel face à la rugueuse Millie Bright, exclue pour deux cartons jaunes comme autant de frictions avec l’Américaine. Reste à savoir si elle aura encore assez soif pour boire ses futurs adversaires dimanche, dans un after qui pourrait être tout aussi mouvementé.
Par Mathieu Rollinger, à Lyon