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« Le football participe à la construction de l'Europe »
Étudiant dans le civil, Briac Favé est le directeur de campagne du parti écologiste indépendant Equinoxe... mais aussi buvetier pour le Stade rennais les soirs de matchs. À quelques jours des élections européennes, le jeune breton a évoqué les liens entre le football et la politique ou encore l’écologie.
Comment on passe de buvetier au Roazhon Park à directeur de campagne d’un parti pour les européennes ?
Il y a deux ans, j’ai découvert par un ami que le Stade rennais cherchait des buvetiers. J’avais décidé de travailler pour financer mes études à Rennes, j’ai candidaté et j’ai été pris. Depuis un an, je suis manager en charge d’une à trois buvettes selon les matchs, même si là, j’ai arrêté avec la fin de saison. En parallèle, je me suis investi dans le parti d’Equinoxe il y a un an. Je suis devenu responsable de la communication, puis directeur de campagne. Je ne suis pas supporter rennais, mais j’adore Benjamin Bourigeaud ! Je suis originaire de Brest, donc je suis évidemment plutôt partisan du Stade brestois. Cependant, je ne suis pas un grand amateur de football, parce que je n’ai pas grandi dans cette culture.
Quelles ressemblances on peut trouver entre un footballeur et un politique en campagne ?
Peut-être le rythme de vie. Pour la campagne, il faut être en forme ! La politique, c’est presque un sport au sens noble du terme, parce qu’il faut tout le temps être capable d’aller de l’avant. Et une équipe de campagne, c’est comme une équipe de foot : il faut être tous solidaires, on ne joue pas perso en politique, en tout cas pas chez nous ! En politique comme en football, il faut en vouloir. Si on n’a pas envie que notre équipe gagne, si on n’y croit pas, ça ne marchera pas. Si l’on ne fait ça que pour l’argent et la gloire, ça ne marchera pas.
Est-ce plus simple de faire carrière dans le football ou en politique ?
Alors pour moi, c’est clairement le foot ! (Rires.) Je ne me débrouille pas assez bien avec une balle. Mais je dirais malheureusement qu’aujourd’hui, le plus dur c’est peut-être de faire de la politique. On a une classe de dirigeants vieillissante qui ne veut pas forcément voir de nouvelles figures apparaître. Les médias nous disent : « Ah non vous êtes trop jeunes, on ne va pas parler de vous », alors que souvent dans le foot, quand il y a des nouvelles pépites qui apparaissent, les médias mettent la lumière sur eux et c’est tout leur rôle. Faire de la politique, c’est assez violent et très physique, même si je pense que le football aussi. (Rires.)
Qu’est-ce que le football réussit mieux que la politique ?
Au niveau du public, je trouve que le stade de foot est un symbole fort parce qu’il rassemble des gens de milieux sociaux différents : certains viennent de la ville, d’autres de la campagne, de milieux favorisés ou défavorisés. Le football arrive encore à réunir tout le monde. Quand on a gagné la Coupe du monde en 2018, tous les Français vibraient quels que soient leur genre, leur couleur de peau, leur religion, leur origine, etc. Et malheureusement en politique, je trouve qu’il y a trop de barrières construites entre les gens et que l’on perd un peu ce côté « unisson ».
Le foot, ça peut servir quand on se lance en politique ?
Oui, je pense par exemple à Emmanuel Macron qui met souvent en scène sa relation privilégiée avec Kylian Mbappé. C’est un peu de la récupération politique, pour coller une image jeune à sa présidence. Mais moi, ce n’est pas parce que je fais de la politique que je vais m’amuser à aller plus souvent au stade.
Les déplacements en avion des équipes de foot ont fait beaucoup polémique ces dernières saisons. Mardi, les Bleus se sont rendus à Metz en train, c’est inédit. Ça peut et doit être généralisé ?
Franchement, je trouve ça très bien que les pratiques changent. Derrière le changement des pratiques de l’équipe de France, ça montre aussi l’évolution de la société. Je pense que ce serait beau de réussir à organiser un Euro où les équipes prennent toutes uniquement le train à travers l’Europe, à travers la France. Ce serait une sacrée image ! On est quand même un pays de train, et l’Europe, c’est le continent du train.
Donc l’écologie et le football sont compatibles ?
Complètement ! Le football c’est une pratique vraiment écolo. Dans le monde qui vient, évidemment que le foot a toute sa place. Quel sport est plus réparti dans les territoires que le football ? Chaque commune a une équipe de foot, il n’y a pas besoin de prendre la voiture et de faire 400 bornes pour aller jouer. Pas besoin de construire des énormes stades, on en a déjà partout en France. Il nous faut quatre plots, des potes, un ballon et c’est parti. Après, évidemment qu’il y a quelques dérives : organiser un Euro entre plusieurs pays (comme en 2021) où les joueurs prennent l’avion entre chaque match, faire une Coupe du monde au Qatar où les stades sont climatisés…
Et être écolo et aimer le foot, c’est compatible aussi ?
Pour moi, le football, c’est plus large que juste la Ligue 1 ou des équipes qui prennent des avions de temps en temps. C’est aussi tout le football amateur, semi-pro, la Ligue 2, les ligues départementales, etc. Et puis on peut aimer quelque chose sans être totalement en phase avec… C’est vrai que, quand je vois des joueurs qui prennent l’avion alors que le train leur aurait pris une heure de plus, je me dis qu’ils auraient pu faire l’effort de le prendre, mais je pense que cela va se généraliser.
Le football, en Europe notamment, est éminemment politique. On l’a vu avec la Superligue, l’Union européenne, via sa Cour de justice, est intervenue pour désavouer l’UEFA. Mais a-t-il une place dans ces élections européennes ?
Le football est une composante essentielle de la société et, au niveau européen, il est un des vecteurs de paix au sein de l’Union européenne. Il participe à la construction de l’Europe, de la France et à la vie de toutes nos petites communes. Mais parfois, le foot a tendance à être trop politique, quand je vois des joueurs qui sont récupérés par des politiciens, je me dis : « Punaise, laissez-les tranquilles. » Au niveau européen, certaines ligues ou certains pays essaient de s’arroger plus de droits télé parce que cela permet de rayonner, donc il y a peut-être aussi plus de lutte contre la corruption à mener en Europe.
Terrier, chauffé à bleuPropos recueillis par Lucie Lemaire