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Le dilemme de Mano Menezes
Intronisé il y a deux ans pour redonner de l'éclat au football brésilien après le mandat de Dunga, Mano Menezes a une mission ardue : associer l'essence fantasque du football brésilien à une rigueur plus européenne.
Le football brésilien, c’est comme le rap, c’était mieux avant. Voilà en somme ce que se sont dit les supporters brésiliens à l’issue de la Coupe du monde 2010. Alors que le public réclamait de la saudade et de l’audace, Dunga avait offert l’austérité. L’ancien capitaine de la Seleção victorieuse en 1994 avait fait le choix de renoncer par pragmatisme au football champagne. Tant que les coéquipiers de Lucio s’imposaient, on pardonnait au sélectionneur au look de sergent son penchant pour la rigueur défensive. Après tout, Dunga avait été mis en place pour gagner. Et après les belles, mais vaines années de Joga Bonito et de règne du quatuor Ronaldinho-Robinho-Ronaldo-Adriano, l’ex-joueur de la Fiorentina faisait bien le boulot, en dépit des critiques insistantes de Pelé et de quelques vieux sénateurs du football auriverde. Sous son mandat, la sélection remportait ainsi la Copa América 2007, puis la Coupe des confédérations 2009. Mais l’échec en quarts de finale de la Coupe du Monde 2010 face aux Pays-Bas sonnait le glas de l’ère Dunga. Au Brésil, on pardonne les perdants magnifiques, à la limite, pas les besogneux.
Une équation insoluble ?
Du coup, après le départ du coach, l’opinion publique réclamait du beau jeu. La CBF, pour la satisfaire, tentait de convaincre Luiz Felipe Scolari, artisan du penta, la cinquième Coupe du monde remportée en 2002, d’effectuer son retour aux affaires. En vain. Muricy Ramalho, alors entraineur de Fluminense, décline également l’invitation. On se tourne alors vers Mano Menezes. L’homme vient d’enchaîner les succès avec les Corinthians. En trois ans, il a fait remonter l’équipe paulista en première division, puis remporté le championnat de l’État et la Coupe du Brésil, permettant aux Corinthiens de retrouver la Copa Libertadores. Au pays, la nomination de Mano est unanimement saluée. On applaudit les choix de l’homme qui a connu ses premiers succès probants sur le banc du Grêmio Porto Alegre.
Quand Dunga le frileux oubliait d’appeler Neymar et Ganso pour la Coupe du monde 2010, Menezes fait comprendre qu’il compte faire des meninos da Vila ses hommes de base pour le Mondial 2014. Pourtant, l’état de grâce ne dure pas, les premières critiques arrivent rapidement après les défaites en amical face à l’Argentine et la France. Pis, en juillet dernier, le Brésil n’est que l’ombre de lui-même lors de la Copa América, s’inclinant en quarts de finale aux tirs au but face au Paraguay. Le mensuel anglais Four Four Two titre alors « La mort du Brésil« . Mano Menezes, appelé au nom du beau jeu, doit désormais résoudre une équation insoluble : maintenir les racines du jeu brésilien tout en succombant au pragmatisme européen. Il lui faut brider la fantaisie de certains de ses meilleurs joueurs tout en leur permettant de mettre leurs talents de solistes au service du collectif. Un challenge casse-gueule.
Mais Luiz Antonio Venker de Menezes est un homme de défis. Bien conscient que les Jeux Olympiques londoniens sont une vraie échéance à 2 ans à peine de la Coupe du monde, il organise un vraie préparation pour l’occasion et fait vivre son groupe ensemble. Après les victoires probantes lors des matchs amicaux face au Danemark et aux États-Unis, la presse brésilienne salue cette Seleção retrouvée qui joue enfin com cara de time (comme une vraie équipe, en VF). Pourtant l’équilibre est précaire. Alors qu’on pensait le pari de Mano en passe d’être gagné, le Brésil est retombé dans ses vieux travers, encaissant 6 buts lors de ses deux dernières sorties contre le rival argentin ( 3-4) et face au Mexique (0-2). Deux défaites qui ont relancé le débat sur le style de jeu que doivent adopter les Auriverdes.
Menezes, fidèle à sa philosophie, a répondu en ces termes : « Le football brésilien a toujours été basé sur l’attaque et, culturellement, c’est ainsi que nos fans veulent nous voir jouer, je ne vois pas pourquoi nous devrions changer de système de jeu uniquement parce que l’Espagne a gagné l’Euro sans attaquant. » Il est comme ça, Menezes, décidé à rénover le football brésilien, mais pas à se priver de son essence. D’ailleurs, il est certain que son travail va porter ses fruits. Juste avant le départ de son escouade pour la Grande-Bretagne, il déclarait: « Je suis beaucoup plus confiant qu’avant la dernière Copa América. Nous sommes bien préparés pour représenter le Brésil à Londres. » Il vaudrait mieux ; la patience n’est pas une vertu brésilienne.
Arthur Jeanne