- Euro 2016
Le dernier verre
C'est l'une des dernières traces laissées par Platoche : un championnat d'Europe à 24 équipes. Lorsqu'il était à la tête de l'UEFA, Platini voulait étendre le football européen et il y est arrivé sur quelques côtés. Reste qu'il l'a aussi dénaturé, et cet Euro 2016 sera le dernier vestige avant une nouvelle ère.
Il y aura un avant et un après Michel Platini. De son propre aveu, son mandat à la tête de l’Union des associations européennes de football (UEFA) devait être « une révolution » et devait apporter « un vent de fraîcheur » . Le 26 janvier 2007, le triple Ballon d’or (1983, 1984, 1985) venait alors de renverser Lennart Johansson et parlait de son sport avec ces mots : « Le football est un jeu avant d’être un produit, un sport avant d’être un marché et un spectacle avant d’être un business. » Debout à la tribune du congrès de Düsseldorf, Platini avait alors réussi à convaincre le parterre de représentants de fédérations qui lui faisaient face.
La vision de l’ancien capitaine de l’équipe de France était assez claire : le temps était venu de s’ouvrir aux petites nations, de mieux redistribuer les recettes générées et de développer le football de tous les coins de rue de l’Europe. Alors il y a eu la réforme des barrages de la Ligue des champions ouvrant la C1 pour offrir des APOEL Nicosie-Barça là où, en 2007, Michel Platini « rêvait de voir le Real Madrid se déplacer à Reykjavik » . Il y a eu, aussi, la mise en place du fair-play financier et surtout un bilan final assez bancal dans le grand monde du football, libéral dans les veines, où les réformes politiques n’ont que peu d’impact. L’argent est roi, c’est comme ça, et Michel Platini lui-même s’est laissé happer par le système. On connaît l’issue.
« Les supporters voyageront en low-cost »
Durant son passage à la tête de l’UEFA (2007-2015), Platini aura tout de même réussi à imposer sa révolution en modifiant le format du Championnat d’Europe déjà – passage à 24 équipes pour l’Euro français – et en laissant à l’horizon un Euro 2020 à cheval sur treize villes dont quelques rencontres à Bakou. Cette idée était, selon lui, « loufoque » . Reste que le projet a été mis en place et que la blague entre potes a pris forme. Qu’on se le dise, ce Championnat d’Europe français est certainement la dernière grande compétition internationale à laquelle vous allez assister, et ce, malgré un nouveau format qui dénature ce qu’on désignait hier comme « plus difficile que de remporter une Coupe du monde » .
L’Euro 2016 est finalement un baroud d’honneur face à la raison et, demain, vous ne pourrez plus assister à deux jours de compétition consécutifs. Oui, il faut penser à la Russie de 2018, au Qatar de 2022 ou à ce bordel d’Euro 2020. Le football va perdre de sa nature, si ce n’est déjà fait, car on sait très bien que même si Platini affirmait qu’à l’avenir, « tant pis, les supporters voyageront en low-cost » , les stades seront réservés à une certaine caste qui préfère s’enfiler des petits fours sur son siège qu’enfiler un maillot pour gueuler comme un âne. C’est vrai qu’on peut avoir l’air con avec nos drapeaux sur les joues, mais au moins, il y a de la vie.
Gloire aux nonnes
Il faut accepter que le football a changé, que les règles aussi, et qu’on ne verra probablement plus des nonnes partager leur train avec des supporters anglais pendant des semaines au Portugal. C’est comme ça, il faut faire du chiffre. Alors oui, on peut avancer l’exemple des États-Unis qui ont accueilli la Coupe du monde en 1994 ou la Copa América cet été. Reste que le foot garde en partie son essence en restant dans un seul et même pays. Une compétition internationale marche comme ça et pas autrement. L’histoire a prouvé l’importance d’organiser un championnat d’Europe à la maison ou un Mondial chez soi. L’Euro 2020 est dans cette idée une folie, mais il faut l’accepter. C’est une question d’époque.
Alors, profitons de ce championnat d’Europe en France comme d’un dernier verre avant, on l’espère, juste un sevrage. On peut parler de la compétition ultime, Platini a réussi à ouvrir le football européen et il faut s’en satisfaire, même si le niveau en sera forcément affecté par moments. Car, après, il n’y aura probablement plus de camps de base, plus de pays unique qui se fracassera la tête pour que tout se passe bien et il y aura toujours plus de vidéos, de ralentis, de costumes. Un peu comme le dernier shot au bout du comptoir qui te fera ensuite tomber dans un long blackout. Allez, à la vôtre.
Par Maxime Brigand