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Le dernier jour de Maradona
Le 25 octobre 1997, Maradona joue son dernier Superclásico. Personne ne le sait alors, mais quand il est remplacé dès la mi-temps, l'idole suprême du football argentin vient de disputer ses dernières minutes comme professionnel. Chronique d'une fin non annoncée.
Un cadre idoine pour le baisser de rideau d’une légende. Un Monumental bourré comme un œuf, et un nouveau Superclásico à jouer. Diego Maradona face à son meilleur ennemi : River. Diego dans son élément naturel : face à l’adversité du monde. Ce samedi après-midi d’octobre 1997, il prendra d’ailleurs son plus grand plaisir en crampons en sortant en premier du tunnel, pour faire face à l’hostilité de la foule, qui l’a toujours transcendée. « Des couilles, des couilles, allons-y » harangue-t-il ses coéquipiers dans le tunnel. Diego sait comment gagner ces matchs. La pression afférente à un tel rendez-vous comme alliée de son génie…
Mais à cinq jours de fêter ses 37 ans, Diego Maradona n’est plus que l’ombre de lui-même. Une fois parvenu au centre du terrain, il lève les bras, un geste qui le fait ressembler à ces boxeurs amochés qui refusent l’évidence d’une défaite. La sienne. Car ce soir, Boca gagnera sur le terrain de River (1-2), mais Maradona n’y sera pas pour grand-chose. En donnant, avant le coup d’envoi, la main à Ramón Díaz, celui avec qui il avait remporté le championnat du monde des moins de 20 en 1979, mais avec qui il était en mauvais termes depuis qu’ils avaient cohabité en Italie, sans que l’on ne sache trop pourquoi, Diego avait préféré la réconciliation à l’entretien des rancœurs. Comme s’il voulait partir en paix…
Maradona voulait son Superclásico. Sans doute parce qu’il savait sans se l’avouer qu’il s’agirait de son dernier. Il avait insisté auprès de son entraîneur pour le jouer, pensant que l’adrénaline suffirait à compenser le mauvais traitement qu’il s’infligeait depuis de trop longues années. On jouait seulement la dixième journée du championnat, mais pour Maradona, la fin était proche. Au Monumental, l’idole suprême ne fera pas illusion. Ankylosé, perdu aux environs du rond central, Maradona n’est plus le moteur de Boca, il ralentit désormais la machine xeneize. À la mi-temps, le River de Marcelo Gallardo et Marcelo Salas mène. Pour le fantôme de Maradona, la sanction va tomber : il ne retournera pas sur la pelouse. Son remplaçant a lui aussi été sacré champion du monde des moins de 20 ans, mais seulement trois mois auparavant. Son nom : Juan Roman Riquelme. Le panneau d’affichage qui annonce ce changement est resté dans l’histoire du football argentin.
« J’ai un autre Clásico dans le ventre »
Lors de la deuxième période, Boca va retourner la situation. Martin Palermo, de la tête, offre sans le savoir sa dernière victoire dans le Superclásico à Diego Maradona. Quelques heures après le coup de sifflet final, Maradona, à défaut de pouvoir encore en être le meilleur joueur, va jouer au meilleur supporter de Boca. Devant le porche de sa maison de Villa Devoto, le petit numéro 10 boursouflé fait le malin, et entonne un chant xeneize. Il dialogue ensuite avec quelques journalistes qui font le pas devant sa maison : « Tu sais ce qui se passe ici, ils sont tous de River. Ils ont cru que leur portefeuille suffirait à remporter la victoire, mais on leur a volé. » « J’ai un autre Clásico dans le ventre, poursuit-il, je pense que je vais jouer jusqu’à mes quarante ans. » Maradona, qui ne faisait plus la une que pour ses déclarations tapageuses et ses excès, fanfaronnait, se mentait à lui-même. Ce qui est toujours plus facile les soirs de victoire.
Par Marcelo Assaf, avec Thomas Goubin