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Le derby grec, entre os et coutumes
Panathinaïkos, Olympiakos le Pirée. Ça ce sont les équipes. Deuxième et premier. Ça, ce sont leurs places actuelles respectives, tout en haut de la Super League. L’Olimpiako Stadio d’Athènes. Et ça c’est l’endroit où elles disputeront l’un des plus chauds derbys européens ce soir. Pression.
En Grèce, c’est la merde. Le plan d’austérité fait rage et le bénévolat a été contraint et forcé de revenir à la mode, copain comme cochon avec le système D. Une crise financière qui touche également les clubs de foot dont la majorité est, on peut le dire, mal en point puisque seul l’Olympiakos s’en sort, grâce à Evangelos Marinakis, richissime businessman arrivé comme président en 2010. Pourtant, un irréductible derby résiste à l’envahisseur : Panathinaïkos/Olympiakos le Pirée, également appelé « Derby des éternels ennemis » . Éternels parce que la rivalité grossit depuis leur tout premier match, dans les années 30, et n’est pas prêt de s’arrêter en si bon chemin. Ennemis parce que tout court. Enfin, plutôt parce qu’à la création des deux clubs, leurs supporters n’appuyaient pas sur le même bouton dans l’ascenseur social, ceux du Panathinaïkos étant plutôt bourgeois et ceux de l’Olympiakos issus de la classe ouvrière. Une différence de revenus qui n’est plus d’actualité, ce qui n’empêche ni les fans du Pirée et de la capitale de se détester purement et simplement, ni le reste des Grecs de s’enamourer de ce derby haineux qui éclipse à lui seul le reste du championnat dans leur cœur. Si bien qu’à 18h30 cet après-midi, pas moins de 50 000 supporters du Trèfle, dits Vazeli*, sont attendus à l’Olimpiako (depuis 3-4 ans, seuls les supporters de l’équipe qui reçoit sont autorisés à entrer dans le stade). Et ce, peu importe le prix des places et des abonnements qui n’a pourtant pas baissé malgré la situation économique du pays.
« Le mot le plus exact pour qualifier ce derby, c’est ‘chaud’. »
L’explication bipartite, c’est que 1. ce derby est un incontournable et 2. il est aussi un moyen de souffler un peu, d’oublier ses problèmes. « Chaque jour, à la télé, on nous parle de la crise, la crise, la crise, explique Giorgos Karathalios, journaliste grec. Ce derby, ça nous permet de traiter d’autres informations, de voir autre chose dans les médias pendant une semaine. » Et pour voir du derby, on en voit ! Cédric Kanté, qui centralise la défense du Pana depuis 2009 confirme : « C’est plus que particulier. Il y a une attente différente des supporters envers ce match. Tout le monde ne parle que de ça. Il suffit de se promener dans la rue, d’aller faire ses courses pour se rendre compte de la tension qui règne ici. » Problème : la violence y est plus monnaie courante que l’euro. D’après Giorgos, Karathalios, « il y a même de la haine entre les dirigeants. Le mot le plus exact pour qualifier ce derby, c’est chaud. » Et c’est pas Djibril Cissé qui dira le contraire, pris pour cible lors d’un envahissement du terrain par les supporters de l’Olympiakos à la fin d’un derby similaire la saison dernière.
Si bien qu’encore cette semaine, les entraineurs des deux équipes, Jesualdo Ferreira (Panathinaïkos) et Ernesto Valverde (Olympiakos) se sont prononcés contre les violences potentielles autour de ce match. Le deuxième a déclaré : « Au delà de tout, j’aimerais un match sans actes de violence dans les tribunes. Je veux qu’on donne de la joie aux supporters et montrer à l’Europe le vrai visage du football grec avec un match agréable et plein d’émotions » .
Olympiakos Le Pirée, le meilleur ?
Ce qui est sûr, c’est que cette rencontre est plus qu’importante. Comme l’avait dit Cissé lors d’une interview l’année passée : « Un derby, ça doit être gagné » . Au delà du fait que celui de cet après-midi est autant attendu que craint, les deux équipes ont tout intérêt à le remporter. L’Olympiakos, d’abord, vient d’être écarté de l’Europa League par les Ukrainiens de Metalist mais est surtout donné champion de Grèce à « 99% » (C’est Kévin Mirallas qui l’a dit) à condition de ne pas perdre ce soir puisqu’en tête du classement avec 58 points, soit 4 de plus que son ennemi le Panathinaïkos (qui reviendrait à 1 seul petit point en cas de victoire, donc). Les Verts, eux, étaient premiers jusqu’à il y a deux semaines mais ont perdu leurs deux derniers matchs, dont l’autre derby. Celui contre l’AEK Athènes. Celui qui est moins important parce que « l’AEK n’est plus une menace, leur niveau a beaucoup baissé » , dixit Kanté. Hasard du calendrier ou motivation supplémentaire, les joueurs au Trèfle à (seulement) trois feuilles ont reçu cette semaine une partie des salaires pour lesquels leur club était en retard de paiement. Une situation qui a été comprise, Cédric Kanté de confirmer encore : « Honnêtement, on l’a pris avec philosophie. Les dirigeants n’ont pas essayé de nous cacher les problèmes et nous donnent régulièrement des nouvelles des finances, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. C’est pas l’idéal mais on n’est pas traumatisé, on leur fait confiance. Et surtout, on reste des privilégiés face à la situation des autres. » Surtout que le Pana serait en attente d’une offre de certains rois du pétrole depuis que Vardino Ziamnis, l’actuel propriétaire (peu populaire auprès des supporters) a annoncé qu’il partait l’été dernier. Mais trêve de crise et de résultats, Jesualdo Ferreira est comme tous les Grecs, il n’a jamais autant attendu d’être dimanche que cette semaine : « Le classement n’a pas d’importance dans ce type de matchs. Ce derby est toujours LE match quel que soit le contexte en dehors. Même si Olympiakos est premier, il va sentir la même pression que nous pour le résultat. Nous étions en tête pour 22 journées, Olympiakos l’est seulement depuis les 2 dernières. On va faire ce qu’on est obligé de faire : gagner » . Pari tenu.
* Surnom donné par les supporters de l’Olympiakos à ceux du Panathinaïkos, inspiré de « vaseline » , rapport à leur chance (à l’inverse, les supporters de l’Olympiakos ont hérité du surnom de Gavri, petits poissons que l’on trouve aux alentours du Pirée).
Par Noémie Pennacino