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Le déplaisir solitaire
Hugo Lloris, capitaine et gardien le plus capé de l’histoire des Bleus (89 sélections), s’est rendu coupable d’une mauvaise relance sur le but de Toivonen dans les arrêts de jeu à Solna. Irréprochable depuis plus de quatre ans dans les barres, le portier des Spurs trinque au plus mauvais moment et rappelle à quel point le poste est un sacerdoce. D’autres ont tenu moins longtemps...
Frey : foutu projo
Parfois, même un match sans enjeu peut briser une carrière. Novembre 2007, les Bleus sont déjà qualifiés pour l’Euro 2008, mais se rendent en Ukraine pour un match de poule qui compte pour du beurre. Dans son idée de préparer l’avenir, Raymond Domenech donne sa chance à Sébastien Frey qui brille alors en Serie A avec la Fiorentina. Le portier a 27 ans, l’âge parfait pour prendre la place de Grégory Coupet dans les buts. C’est donc sa première sélection.
Elle va le marquer toute sa vie… Sur le premier but, il ne peut rien faire. Sur le second en revanche, c’est une autre histoire. À la suite d’un mauvais centre venu de la droite, le portier s’élève et veut récupérer la balle à un gant. Il s’enflamme et propulse le ballon dans ses propres filets, prétextant avoir été gêné par l’un des projecteurs du stade. Son baptême du feu tourne au cauchemar malgré le point du match nul (2-2).
Il y a quelques mois, il s’était confié à So Foot à propos de cette bourde qui a largement dépassé les frontières de la FFF. « C’est l’un des rares matchs que j’ai joués avec les Bleus, alors les gens s’en souviennent. Mais je l’ai senti arriver… J’avais l’impression que rien n’allait. Comme si j’étais épié en permanence. J’aurais pu me cacher après cette erreur, mais je suis venu en salle de presse à la fin du match. Mais derrière, la semaine qui a suivi, j’ai morflé comme jamais… Je n’ai pas été épargné, j’ai dû rendre des comptes à tout le monde. C’est un geste que je n’ai jamais fait de toute ma carrière. Ce n’était pas mon jour et il fallait que ça arrive. C’est drôle car mentalement, j’ai toujours été très fort. » Frey ne portera plus le maillot bleu à l’exception d’un amical contre l’Équateur en mai 2008. Malgré 600 matchs en carrière et des saisons exceptionnelles en Italie, les gens n’ont gardé que cette image en mémoire. Saloperie de destin.
Coupet : l’ascension de trop
2006, Tignes. On est dans la dernière ligne droite qui doit mener les Bleus en Allemagne, et Raymond Domenech doit faire un choix pour son poste de gardien de but. Fabien Barthez, 35 ans, ou Grégory Coupet, 34 ans ? Le premier est en fin de cycle du côté de l’OM quand l’autre brille avec Lyon, tout juste sacré champion de France. Peu avant la fin du championnat, Coupet est convoqué dans un hôtel de Lyon où Domenech lui annonce qu’il sera numéro 2 au Mondial. L’homme est déçu, frustré, en colère. Alors quand le rassemblement des Bleus débute, l’amertume remonte. Et tout va exploser durant une randonnée en altitude. La suite, c’est Coupet qui la raconte dans son autobiographie Arrêt de jeu sortie en 2006. « Tout a débuté lors de l’ascension (de Tignes). Au sein du petit groupe dans lequel je suis, on apprend que Barthez a décidé de ne pas monter. Il s’est arrêté, paraît-il, au bout de dix minutes, car il ressent une douleur à un mollet.(…)Il est ensuite prévu qu’on redescende tous à l’hôtel d’altitude pour y boire un verre avec nos femmes, qui doivent nous rejoindre. Lorsque j’arrive au lieu de rassemblement, je passe un coup de téléphone à ma femme pour savoir si tout va bien. C’est là que ça se gâte, car c’est elle qui m’apprend que Fabien reste à l’hôtel et qu’il ne vient pas au rassemblement.(…)Ne pas respecter le collectif, ça me gave. Mais lorsqu’on passe à l’apéritif, je sens déjà que je vais péter les plombs.(…)
Je suis dehors, sur la terrasse, j’ai besoin de souffler. Je bois une canette de bière, puis une deuxième, avant que Bruno Martini me rejoigne. Il vient fumer sa cigarette, mais plutôt que de lui demander si l’absence de Barthez est justifiable, je lui tends une canette de bière restée sur une table et je lui dis : « Tiens Bruno, même si je te déteste, je t’offre un coup à boire. » Martini ne répond rien, mais retourne dans le restaurant pour aller chercher Domenech. Pendant près de trente minutes, je leur balance tout ce que je pense d’eux. Qu’ils n’ont aucun courage et qu’ils ne respectent rien, à commencer par la vie d’un groupe.(…)Lorsque le repas se termine, on redescend tous à l’hôtel. C’est là que je dis à ma femme : « On s’en va. » Dans mon esprit, tout est clair : je me tire pour ne jamais revenir. Je téléphone alors à ma mère et elle me dit calmement : « Tu ne peux pas faire ça, Greg. Ça ne correspond pas à ton éducation, ni à tes valeurs. » Elle ajoute même, et à de nombreuses reprises : « Arrête-toi. »Je suis dans la descente de Tignes et je m’arrête sur le bas-côté. Ses propos me font cogiter, je réfléchis. Au bout de dix minutes, toujours sur le bas-côté, je décide donc de faire demi-tour. Je suis convoqué dans la chambre de Domenech, histoire de s’expliquer.(…)Je continue sur ma lancée et lui en remets plein la gueule. Je lui rentre dedans, lui crie dessus, le pousse à bout. Puis je me dis que je vais enfin lui poser cette question qui m’obsède depuis des jours. Je le regarde droit dans les yeux et lui demande : « Pour vous, c’est qui le meilleur ? » Domenech ne répond pas. Je répète trois fois la question, à chaque fois de plus en plus fort. Tout d’un coup, avec une toute petite voix, il me dit : « C’est toi… » Je suis scotché par ses propos, incapable de dire quoi que ce soit. Domenech n’a même pas le courage de me dire en face que Barthez est son choix. Il m’avoue que je suis meilleur que lui. » Moralité, c’est Barthez qui gardera les buts des Bleus lors du Mondial 2006. Une Coupe du monde où le divin chauve va briller…
Letizi : Twist again à Moscou
On rentre dans la dernière ligne droite avant le Mondial 1998, et Aimé Jacquet cherche encore la bonne formule dans les buts pour accompagner Fabien Barthez et Bernard Lama. Brillant avec Metz, Lionel Letizi est dans le bon wagon. Il vient de célébrer sa première sélection face à l’Afrique du Sud à l’automne. Tout va bien. En mars, dans un amical glacial à Moscou, il est de nouveau titulaire. Un match qui doit valider son billet pour le tournoi estival. Au bout de 120 secondes de jeu, sur une passe en retrait, Letizi, qui joue alors en bas de jogging, se troue complètement sur son contrôle et permet à Yuran de marquer le seul but du match. Touché par ce but gag, le portier est à deux doigts de prendre un nouveau but casquette dans la foulée. Les Bleus s’inclinent et Letizi laisse Lionel Charbonnier entrer dans la légende.
Hidalgo et la pression du groupe
1982, Espagne. Michel Hidalgo embarque trois gardiens pour le Mondial, deux mecs expérimentés (Baratelli et Castaneda) et un petit jeune (Ettori). Au départ, Dominique Baratelli, dit le « chat » , devait être le numéro 1, surtout après son immense saison au PSG ponctuée par une victoire en Coupe de France. Finalement, les Bleus se hisseront dans le dernier carré, et Baratelli ne participera à aucun match… En 2012, Michel Hidalgo s’est d’ailleurs expliqué sur ce choix très surprenant à l’époque. D’autant que Jean-Luc Ettori est alors un bizut en équipe de France. Dans un entretien accordé à My Coach, Hidalgo revient sur l’affaire Baratelli : « Les joueurs sont venus me voir pour me dire que Jean-Luc Ettori sortait plus que Dominique Baratelli, très fort sur sa ligne… donc j’ai pris la décision qu’il fallait. Quand tous les joueurs demandent la même chose, c’est difficile de ne pas aller dans le sens du souhait collectif. Je n’avais bien sûr rien contre Baratelli. » Une position d’autant plus compliquée à tenir durant la compétition, car lors d’une large victoire des Bleus contre l’Irlande du Nord (4-1), Ettori se rate complètement sur un centre qui amène un but des Nord-Irlandais. En demi-finale contre la RFA, l’histoire retiendra que le jeune portier monégasque n’a pas réussi à qualifier les siens durant la séance des tirs au but.
Charrier avant les bœufs
Avril 1975, match amical des Bleus face au Portugal. L’équipe de France est dans le creux de la vague depuis bientôt vingt ans. Dans les cages, René Charrier, gardien de l’OM à l’époque. Sur un centre venu de sa gauche, il se troue sur sa sortie et confond le ballon avec les mollets de Marius Trésor. Le Portugais Nenê n’en demande pas tant et n’a plus qu’à marquer dans le but vide. Ce soir-là, Charrier fêtait sa deuxième sélection chez les Bleus. Hasard ou pas, il s’agira de sa dernière. Il sera d’ailleurs remplacé à la mi-temps de ce match… par un certain Dominique Baratelli.
Par Mathieu Faure