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Le crépuscule des idoles
Transparent contre le Real Madrid où il a cristallisé toutes les critiques, Zlatan Ibrahimović retrouve son terrain de jeu préféré - la Ligue 1 - et sa victime expiatoire, l'AS Saint-Étienne (11 buts marqués contre les Verts). À 34 ans, le meilleur buteur de l'histoire du PSG (112 buts) ne doit pas galvauder sa dernière saison. De son côté, Laurent Blanc doit réussir à gérer un homme en fin de carrière, mais médiatiquement indéboulonnable.
Zlatan Ibrahimović irrite autant qu’il fascine. Face au Real Madrid, il a complètement raté son match – ce n’est pas le seul – et la contre-performance parisienne a été analysée au travers du prisme Ibra. On le sait par expérience, le Suédois a pris cette mauvaise habitude de toujours passer au travers lors des grands rendez-vous européens. Cette manie ne date pas de son arrivée au PSG, lui qui n’a jamais disputé la moindre finale européenne et qui n’a pointé le bout de son long nez en demi-finale de Ligue des champions qu’à une seule reprise. C’était avec le Barça de Guardiola en 2010. Aujourd’hui, Ibra a 34 ans. Il est dans sa dernière année de contrat au PSG, club qui l’a fait roi et club qu’il a lui-même installé à une bonne place dans la hiérarchie européenne. Surtout médiatiquement.
C’est vrai, sans l’ancien Milanais, le projet QSI n’aurait jamais décollé aussi vite et il a été primordial dans la crédibilité du PSG. C’est lui qui a ouvert la porte aux autres stars. Après quatre ans de vie commune, une chose pourtant semble évidente : il faut savoir se séparer au moment opportun. À titre de comparaison, Éric Cantona avait décidé de se retirer de la vie sportive sur un titre avec Manchester United. Au sommet. Il avait 31 ans. Le King sentait déjà bouillir la génération Giggs, Scholes, Beckham et Butt dans son dos. Au fond de lui, Ibrahimović doit savoir que sa présence empêche la prise de pouvoir de Pastore, Verratti ou Di María. Mais le grand champion qu’il est doit être meurtri de se voir décliner.
La « petite mort » d’Ibra
Pour les sportifs de haut niveau, la retraite est souvent comparée à une « petite mort » . Le problème avec le Suédois, c’est qu’il reprend vie chaque semaine sur les pelouses françaises, lui qui vient de planter 6 buts en 4 matchs de Ligue 1. En marchant. Le Suédois est trop fort pour la Ligue 1, mais pas assez pour la Ligue des champions. Il est coincé quelque part entre le niveau sportif de Robin van Persie et la folie médiatique de Mario Balotelli. Bien loin des cimes tutoyées par CR7, Messi, Luis Suárez, Neymar, Robert Lewandowski, Thomas Müller ou encore Gareth Bale, des garçons qui ont arrêté de compter les rencontres importantes de C1 qu’ils ont fait basculer tout seul.
Ibra a une autre force. Celle d’être une machine de régularité en championnat. Titré dans tous les pays où il est passé, Zlatan Ibrahimović maîtrise son sujet quand les matchs se déroulent le week-end et s’étalent d’août à mai. Sauf qu’il a été recruté, aussi, pour être le fer de lance offensif du PSG pour les sorties en semaine. Inconcevable, dès lors, d’imaginer le PSG tenter de se présenter lors des grandes soirées européennes avec un Ibra sur le banc. Et, on l’a vu, sur le terrain, ça ne fonctionne pas tellement dans les matchs à fort rayonnement médiatique.
Un adulte face à des mômes
Laurent Blanc a ainsi le cul entre deux chaises. Tout le monde sait que le grand n’y arrive pas en LDC, mais personne n’a le courage de le laisser sur le banc au coup d’envoi. Alors Laurent Blanc, pas vraiment appuyé par sa hiérarchie dans cette situation, se retrouve à prier le ciel. « J’ai le choix de ne pas le mettre dans la composition, de lui donner quinze jours de repos, mais j’ai aussi le choix de l’encourager, de le faire travailler, pour qu’il soit à son meilleur niveau dans des matchs beaucoup plus décisifs dans le reste de la saison » , a plaidé le coach parisien en conférence de presse après Madrid.
Sa défense s’appuie sur les jurisprudences Cavani et Thiago Silva, que Blanc a défendu et continué à aligner quand les deux garçons n’avaient plus la tête au football et qui, au final, ont redressé la tête. Pour ces deux-là, le mal était surtout mental, alors qu’il semble avant tout physique pour Ibra. Sauf miracle, le meilleur buteur du PSG ne retrouvera pas son coup de rein dévastateur ni même ses accélérations. Physiquement, il ne bouge plus grand-monde actuellement, là où ses premiers pas en Ligue 1 donnaient l’impression de voir un adulte jouer avec des mômes. Au final, Blanc espère quand même un sursaut physique, mais aussi un peu de chatte dans un discours rodé, mais parfois résigné : « Il faut être optimiste. C’est le rôle de l’entraîneur, car l’effectif du PSG ne va pas forcément beaucoup évoluer dans l’année. C’est avec cet effectif-là que l’on va remplir ou non les objectifs qui ont été fixés. Je n’ai pas le choix. »
Ne pas rater sa sortie
Savoir terminer en beauté est un exercice compliqué. Zidane le sait, lui qui s’est arrêté sur un coup de tête dans un thorax en finale de Coupe du monde 2006. Au PSG, l’ancienne idole Pedro Miguel Pauleta n’a pas eu la fin la plus idéale non plus. Lors de sa dernière saison (2007-2008), le PSG a sauvé sa tête lors de l’ultime journée à Sochaux. Le Portugais avait 35 ans et n’avançait plus. À l’époque, Paul Le Guen mettait régulièrement son buteur au frigo (27 matchs en L1 dont 18 titularisations). Pis, Le Guen se privait volontairement du Portugais à l’extérieur (9 matchs seulement pour 55 minutes de temps de jeu en moyenne et surtout aucun but). C’est Amara Diané qui sauva le PSG à Bonal, pas Pauleta. Ibrahimović ne peut pas tirer sa révérence comme ça en Ligue 1. D’autant que le Z est du genre à ne rien laisser au hasard. « C’est un très grand joueur pour ce qu’il fait sur le terrain. Il est dur, oui, mais il se met lui-même d’abord une sacrée pression, une sacrée exigence. Il faut voir quand il rate un truc comment il se crie dessus » , a raconté Yohan Cabaye dans les colonnes de L’Équipe cette semaine.
À quelques mois de sa dernière sortie officielle avec le PSG, Zlatan Ibrahimović doit préparer sa dernière danse. Le record de buts de Pauleta étant à lui, il peut raisonnablement se concentrer sur autre chose. On serait jeune et ambitieux, parfois vicieux, on lui demanderait de faire une « perf » en Ligue des champions, mais on préfère rester pragmatique. Un quatrième titre de champion de France lui tend les bras. À lui d’en faire une évidence à coups de buts et de préparer ainsi le terrain pour ses successeurs. Dans un coin de sa tête, Ibra peut garder en mémoire une phrase de Jürgen Klopp, le nouveau coach de Liverpool : « Peu importe ce que les gens pensent de vous quand vous arrivez. Ce qui compte, c’est ce qu’ils pensent quand vous partez. »
Par Mathieu Faure