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Le costume de Mourinho
Depuis le début de saison le style vestimentaire du Mou est difficile à décrypter. Fini le costard coincé, la nouvelle hype, c’est le sportswear relax. Le pouvoir n’a plus besoin de cravate. Démonstration.
L’habit ne fait pas un Special One, mais il y contribue. Cette saison, le Mou s’est relooké : « Cette année je vais dans une autre direction – mon style est beaucoup plus casual. Je ne vais plus porter de costume pour les matchs. Quand j’ai commencé à porter des costumes cravates, personne ne le faisait. Dix ans plus tard, tout le monde s’y est mis. Du coup maintenant je porte des vêtements plus casual. Je pense que d’autres vont me suivre » . Le coach portugais a tout compris à la mode : faire tout avant les autres et toujours le contraire. Il laisse donc tomber le costard Armani et la traditionnelle cravate bleue. Fini les coupes ajustées, les nœuds italiens, les chemises blanches et la main droite glissée négligemment – toujours dans le sens de la couture – sur la hanche droite ou dans la poche. La deuxième saison du Mou a vu renaître les années 90 et leurs doudounes à manches courtes. Selon le bien informé elconfidencial.com, Adidas paierait 750 000 euros à sa Majesté pour qu’elle s’enfile une polaire à trois bande autour du cou. Mais cette fois-ci pas sûr que tout le monde s’y mette.
Le Real en polo
Même Miguel Muñoz, l’homme du grand Real, celui des vieilles coupes d’Europe, s’enfermait dans une cravate pendant les matchs. Le Real est une vieille maison dans laquelle on n’entre pas en baskets. Porter un costume sur le banc du Real Madrid n’a rien à voir avec la mode. On va au Real comme on va à la messe du dimanche. Dans la cathédrale, le meilleur habit n’est pas le plus beau mais il est le plus strict. Vicente Del Bosque, Guus Hiddink ou Luxemburgo ne défileront jamais sur un podium. Ils n’ont aucun intérêt avoué pour les pages les plus brillantes de la mode. Mais ils ont toujours porté veston et cravate sur leur banc merengue. La Castille c’est le pays de Philippe II, de l’Inquisition et de l’Opus Dei. Les fioritures sont un sacrilège. La couleur du maillot du Real c’est donc le blanc parce qu’il n’y en a aucune autre. Ici c’est Madrid, pas de place pour l’esthétique ou le confort. L’institution s’impose à l’individu. Le bleu de travail, c’est le costard. Un point c’est tout.
Mais le Mou a tout changé, encore une fois. Lors de sa première saison, le Mou est bien élevé et s’en tient aux codes de la maison. L’éthique madridiste rencontre l’esthétique mourinhienne : costard bleu ou gris sur cravate à gros nœud bleue en début de saison. Pourtant quelque chose se passe en février. Le Mou a la peau de Valdano, de ses cheveux huilés, de son port altier et de ses cravates toujours bien nouées. Le patron, c’est le Mou maintenant. La preuve, il s’habille comme il veut. Le costard se maintient mais la cravate disparaît jusqu’à la fin de saison. Pour le match le plus important de la saison – demi-finale aller de Champions Real-Barça – Mourinho est en veston. En conf’, le ton est solennel ( « porque ? porque ? » ), les propos sont graves ( « si je dis maintenant ce que je pense de l’UEFA, ma carrière d’entraineur est terminée » ) mais l’allure est informelle. Mourinho se plaint de tout et ne reconnaît pas sa défaite. Les madridistes sont subjugués par autant d’audace. Jamais un entraineur merengue n’avait osé enfreindre à ce point le code d’honneur. Ce soir-là, Mourinho n’est plus l’entraineur du Real. Il est beaucoup plus. La preuve, il porte un polo.
Ton prochain style
Son nouveau costume est son meilleur déguisement. A mesure que son poids s’est alourdi au Real, son style s’est allégé. « Mourinho semble plus abordable que l’année dernière, analyse Sandalio Gomez expert en marketing sportif, son changement de ligne vestimentaire correspond à un changement d’image en Espagne » . Le Mou ne s’engueule plus avec les entraineurs adverses (Preciado, Guardiola, Emery), ne parle plus d’erreurs d’arbitrage et a définitivement laissé de côté le costard. Le Mou est plus casual mais beaucoup plus puissant. Le costume des pleins pouvoirs au Real, ce n’est pas la cravate ni le complet. La doudoune de Yougoslave Adidas à manches courtes quand il fait froid à l’extérieur ou le manteau gris matelassé Porsche Design sur pantalon casual à Bernabeu : voilà le déguisement du pouvoir. On appelle ça du « Engineered Luxury Sportswear » . « Ingénieux » , c’est le mot.
Par Thibaud Leplat, à Madrid