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Le Coronavirus va-t-il favoriser la Super-Ligue européenne ?

Par Pierre Rondeau
4 minutes
Le Coronavirus va-t-il favoriser la Super-Ligue européenne ?

Et si tout s’écroulait ? Et si, à cause du coronavirus, tout le football français voire européen disparaissait ? Ce scénario existe réellement, et tous les acteurs se démènent actuellement pour trouver des solutions et des alternatives. Parmi celles-ci, la fameuse Superligue européenne revient encore et toujours.

Panique à bord. Avec la reprise de l’épidémie de coronavirus et l’obligation de nouvelles mesures sanitaires un peu partout en Europe, la crise guette. Les clubs s’inquiètent d’un probable éclatement du système. Un scénario cauchemar qui est loin d’être improbable… La preuve, l’Union des clubs professionnels, syndicat qui regroupe l’ensemble des équipes pros de basket, de football, de rugby, de handball et de volley, ne s’en cache même pas : selon elle, « la menace d’un effondrement économique » existe bel et bien et pourrait conduire à « des cessations de paiement » dans les semaines à venir.

Un déficit de 14 milliards

Autrement dit, une faillite généralisée des clubs n’est pas à écarter. L’heure est grave donc, les pertes sont colossales et les ressources limitées : le chamboulement de la saison dernière, notamment avec l’arrêt définitif de la saison en France, associé au maintien de l’épidémie, des huis clos partiels ou entiers, des retards de paiement, des retraits de certains partenaires commerciaux, voire du manque à gagner sur le volet trading de joueurs, tout cela coûte très cher. La FIFA a estimé le déficit total du football mondial à 14 milliards d’euros. Sur le seul continent européen, l’ECA, le syndicat des clubs, prévoit des pertes cumulées de 2,9 milliards d’euros pour les dix premiers championnats, dont la Ligue 1. En Angleterre, les dirigeants de la Premier League ont déjà communiqué sur un trou de 767 millions d’euros lors de la saison 2019-2020, malgré la reprise, et des pertes de 109 millions d’euros par mois sur toute l’année 2020-2021.

En France, bien que la DNCG ait enregistré un manque à gagner de 291 millions d’euros l’année dernière, l’inquiétude se porte dorénavant sur l’actuelle saison et les suivantes. Avec les nouvelles restrictions sanitaires, notamment le plafonnement à 5000 voire 1000 supporters dans les stades, en fonction des jauges d’alerte fixées par la préfecture, les recettes de billetterie s’annoncent totalement altérées. Des équipes comme le Paris Saint-Germain ou l’Olympique lyonnais, qui présentaient des recettes supérieures à 50 millions d’euros chaque année, risquent de perdre quasiment 90% de celles-ci. Idem concernant les autres clubs, aux revenus plus faibles. À cela se rajoutent les très probables pertes via les partenaires commerciaux, à la fois touchés eux-mêmes par la crise économique et sanitaire, mais aussi peu intéressés pour louer des loges ou associer leurs entreprises à des clubs jouant dans des enceintes vides.

Ce n’est pas tout, puisque, dès 2021, d’autres menaces devraient débarquer. L’année prochaine, le remboursement du prêt garanti d’État de 224 millions, souscrit par la LFP durant le confinement, commencera avec des annuités directement prélevées sur les droits TV. De même, les charges reportées de la saison 2019-2020, voire de 2020-2021 devront a posteriori être payées. Le passif va ainsi s’accumuler dans les comptes des clubs, ce qui devrait encore plus plomber l’ambiance. On pourrait également parler de l’inquiétude concernant la viabilité économique du principal diffuseur, Téléfoot. Selon la radio RMC, la nouvelle chaîne, qui paye 800 millions d’euros par an jusqu’en 2024, pour 80% de la Ligue 1, n’aurait pour le moment conquis que 500 000 abonnés, alors que son seuil de rentabilité se situerait à 3,5 millions. À titre d’exemple, le match PSG-OM n’aurait été vu, officiellement, que par 300 000 personnes, la plus faible audience historique pour un Clásico.

« Coucou, c’est la Superligue… »

Alors, quoi ? Qu’est-ce qui nous pend au nez dans cette situation peu reluisante ? Avec des diffuseurs à l’arrêt et en grande perte de vitesse, du fait d’une saison au ralenti ou au rabais, et avec des clubs puissants désireux de trouver de nouvelles sources de rentabilité face à cette crise qui dure, le réflexe de survie pourrait ouvrir les portes d’une mutualisation continentale et d’une fermeture des championnats afin de diminuer les risques.

Économiquement, au-delà de toute considération sportive, les Américains l’ont bien compris : la ligue fermée continentale est la meilleure option. Elle assure à la fois une stabilité pour les investisseurs et une couverture unique au potentiel d’audience sans commune mesure. Et devinez qui peut payer les droits TV de ce format fantasmé, alors que le marché de la télévision est en danger ? Les GAFA, évidemment ! Les puissantes majors du web, Amazon, Netflix, Apple, Facebook, voire Disney, avec sa chaîne Disney+, auraient les moyens à la fois de sauver le football européen, en proposant plusieurs milliards d’euros de droits TV, et de s’assurer des affiches hebdomadaires prestigieuses, des Bayern-PSG ou des Barcelone-Juventus tout le temps et toute l’année. D’après l’économiste belge Pierre Maes, « la Superligue européenne est inéluctable » et sera forcément portée par un des GAFA, parce que ces géants « présentent une puissance économique incommensurable – des chiffres d’affaires supérieurs à 80 milliards d’euros – et une volonté d’affirmation et de renommée mondiale ». Profiteront-ils de la crise pour se lancer ?

Par Pierre Rondeau

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