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Le coronavirus va-t-il décider du destin de la Lazio ?
Après avoir reporté de nombreux matchs de Serie A à cause du coronavirus, la Fédération italienne de football a opté pour un huis clos total pendant 30 jours. Et ce, alors que la Lazio, la Juve et l'Inter sont à la lutte pour le titre. Or, quand le championnat d'Italie a été interrompu à cause de la guerre en 1915, et qu'il a été retardé à cause d'un risque d'épidémie de choléra en 1973, les Laziali étaient également prétendants Scudetto. Bizarre, vous avez dit bizarre ?
C’est un fait : au cours de son histoire longue de 120 ans, la Lazio ne s’est pas souvent mêlée à la lutte pour le titre. C’est arrivé dans les années 1910, à une époque où le championnat d’Italie était encore divisé en championnats régionaux, dans les années 1970 et à la fin des années 1990. Et en 2020, donc. Or, alors que la Fédération italienne vient d’annoncer que tous les matchs de Serie A se joueront à huis clos pendant 30 jours à cause du coronavirus, le Corriere dello Sport rappelle un drôle de précédent. C’est en effet déjà la troisième fois dans l’histoire qu’une interruption du championnat due à des faits extrasportifs (ou, a minima, un fort risque d’interruption), intervient alors que la Lazio est en course pour le Scudetto. Ce qui est tout de même relativement improbable.
L’imbroglio du Scudetto 1915
La première fois, c’était lors de la saison 1914-1915. Le 2 août 1914, alors que l’Allemagne vient de déclarer la guerre à la Russie, la Fédération italienne de football se réunit. Les dirigeants du football italien se demandent s’il est bien raisonnable de commencer une saison de football par les temps qui courent. Finalement, il est décidé que les championnats se tiendront, avec une formule pour le moins complexe. Pour la faire courte : des groupes au Nord (une première phase avec six groupes, une deuxième avec quatre, puis un Final Four), des groupes au Centre (d’abord deux groupes, puis un Final Four), et un barrage entre deux équipes au Sud. Au terme de la saison, sont donc désignés un champion du Nord, un champion d’Italie centrale et un champion méridional. Le Nord étant à l’époque dominant, le champion d’Italie centrale et celui du Sud s’affrontent pour désigner le champion centro-meridionale. Et enfin, ce champion centro-meridionale défie celui du Nord lors de la grande finale qui désigne le vainqueur du Scudetto.
La saison suit son cours, mais le 26 avril 1915, l’Italie signe le Pacte de Londres, s’engageant à entrer en guerre dans un délai d’un mois. Le championnat en est alors à sa phase finale : il reste une dernière journée pour désigner le champion du Nord et un barrage retour entre l’Internazionale Napoli et le Naples FBC pour designer celui du Sud (3-0 à l’aller pour l’Internazionale Napoli). La Lazio, elle, a déjà été sacrée championne d’Italie centrale, et attend donc de connaître ses adversaires pour les finales nationales. Au Nord, le Genoa est en tête, et compte deux points d’avance sur le Torino et l’Inter. Or, la dernière journée offre justement un décisif Genoa-Torino, sachant que le match aller s’était soldé par un incroyable 6-1 en faveur du Toro. Mais ce match, prévu le 23 mai 1915, n’aura jamais lieu. De fait, la mobilisation générale italienne est déclarée le 22 mai, et la fédé annonce donc la suspension du championnat par le biais d’un télégramme. Elle durera finalement jusqu’à la fin de la Guerre, en 1918, et le championnat 1914-1915 ne sera donc jamais terminé.
Mais le 23 septembre 1919, à la surprise générale, la FIGC annonce que le Scudetto 1914-15 est attribué… au Genoa ! La raison ? « Il était en tête du groupe d’Italie du Nord au moment de la suspension du championnat. » Oui, sauf que cette décision pose plusieurs problèmes. D’une, le groupe du Nord n’était pas terminé, et avec une victoire lors de la confrontation directe, le Toro aurait pu dépasser les Génois. De deux, on ne connaissait pas encore le champion centro-meridionale. La Lazio attendait de connaître son adversaire en finale, et, au vu du gap qui existait alors entre les équipes du Centre et celles du Sud (en 1913-1914, cette finale centro-meridionale, qui opposait déjà la Lazio à l’Internazionale Napoli, s’était soldée par un score cumulé de 9-0 en faveur des Laziali, N.D.L.R.), préparait déjà sa grande finale nationale contre le champion du Nord. Finale qu’elle ne disputera donc jamais, le titre étant attribué d’office au Genoa, au prétexte, suppose-t-on, que les équipes du Nord battaient toujours celles du Centre-Sud. Depuis 2015, la Lazio a porté cette affaire sur les bureaux de la FIGC, pour tenter de récupérer le Scudetto 1915 ex-aequo. Affaire toujours en cours.
La Lazio 1974, les flingues et le choléra
La deuxième fois qu’un cas d’interruption a concerné une Lazio prétendante au titre, c’était en 1973-1974. À la fin du mois d’août 1973, une nouvelle vient inquiéter l’Italie. Des cas de choléra auraient été détectés à Naples. De fait, il semblerait que le virus ait été introduit dans le port de Naples via des moules infectées par la bactérie El Tor en provenance de Tunisie. Rapidement, la panique s’empare du Sud de l’Italie, à tel point que plus de 900 personnes sont admises à l’hôpital Cotugno de Naples en l’espace de dix jours. Planent sur Naples, évidemment, les spectres des dramatiques épidémies de choléra de 1837 et 1884, qui avaient respectivement fait 5669 et 7994 morts. Face à l’urgence sanitaire, la Fédération italienne décide de temporiser, et de ne pas faire commencer le championnat d’Italie. Le 17 septembre 1973, le Corriere d’Informazione, journal de Milan, titre en Une : « Le championnat en danger à cause du choléra à l’italienne » . La FIGC joue donc la montre. Il faut dire qu’à l’époque, la Serie A ne comptait que 16 équipes, et qu’il y avait donc plus de marge de manœuvre au niveau du calendrier. L’année précédente, par exemple, la Serie A avait débuté le 24 septembre.
Des matchs de Coupe d’Italie, prévus au mois de septembre, sont néanmoins annulés. Le Genoa et le Hellas Vérone, deux équipes du Nord, refusent d’aller jouer leur match de Coupe d’Italie, respectivement à Naples et à Bari, par peur du choléra. Tapis vert dans les deux cas : 3-0 pour Naples et Bari. Finalement, et même si la ville de Naples vit plusieurs semaines de panique (rues désinfectées, fruits de mer interdits, vaccins…), le risque d’épidémie est rapidement écarté. Au total, ce sont « seulement » 277 cas qui sont recensés dans les trois régions concernées, pour 24 décès. Le dernier cas de choléra à Naples est diagnostiqué le 19 septembre. Puis plus rien. Ainsi, dès le début du mois d’octobre, la Fédération italienne, en accord avec le gouvernement, décide de donner son feu vert au début du championnat. Celui-ci commence le 7 octobre, tandis que le premier match à Naples a lieu la semaine suivante, le 14 octobre. Une date où l’épidémie de choléra est officiellement déclarée maîtrisée. Cette saison-là, c’est la Lazio de Tommaso Maestrelli, dont les fers de lance se nomment Giorgio Chinaglia, Luciano Re Cecconi, Pino Wilson et Renzo Garleschelli (une belle bande de fous qui adoraient se trimbaler avec des flingues dans leur coffre de bagnole), qui remportera le premier Scudetto de son histoire. Alors que ce championnat aurait pu ne jamais débuter.
Tiens, et d’ailleurs… La Lazio a depuis remporté un autre Scudetto. C’était le 14 mai 2000. Une journée où un déluge tout droit sorti d’un film de science-fiction avait largement altéré la rencontre entre Pérouse et la Juventus, entraînant la défaite des Bianconeri et, ainsi, le sacre des Laziali…
Par Éric Maggiori