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Le coq Thauvin
Appelé pour la première fois de sa carrière en équipe de France A, Florian Thauvin fait office de petit nouveau à Clairefontaine. Une convocation qui suscite des réactions plus ou moins positives, et ce, malgré le mérite certain du Marseillais.
Kylian MBappé, Benjamin Mendy, Corentin Tolisso, Florian Thauvin. Dans la liste lâchée par Didier Deschamps jeudi dernier, quatre nouveaux noms. Quatre garçons pleins d’avenir pour, croisons les doigts, apporter beaucoup de bonheur au pays dans les prochaines compétitions internationales. Pourtant, parmi ces quatre prodiges, l’un d’entre eux a pris son temps pour revêtir le maillot bleu, dans une sphère du foot où tout doit aller toujours plus vite. Timide lors de son bizutage musical, Thauvin présente pourtant des arguments de poids dans les catégories de jeunes bleus. Le 13 juillet 2013 en Turquie, la France devient championne du monde U20 après sa victoire aux tirs au but contre l’Uruguay. De cette équipe victorieuse, la Dèche avait appelé cinq joueurs : Paul Pogba, Geoffrey Kondogbia, Lucas Digne, Kurt Zouma et Alphonse Areola. Titulaire sur le front gauche de l’attaque lors de cette finale, Thauvin devient donc le sixième élément de cette génération dorée à confirmer chez les grands, et peut-être le dernier. Parce qu’à vingt-quatre ans, il est désormais temps pour lui de montrer l’étendue de tout son talent.
Bizutage de #Thauvin #Clairefontaine #equipedefrance #EDF 🇫🇷 pic.twitter.com/xgjVojPeg0
— Chroniqueur Sportif (@CCSPARIS) 20 mars 2017
Suicide médiatique et fils d’El Loco
Depuis l’annonce de sa première participation à un rassemblement des Bleus, les avis sur le cas Thauvin divergent. Pour certains, cet appel serait même injustifié. Pourquoi ? Parce que sa trajectoire peu conventionnelle manquerait d’une certaine logique, de progression dans la durée. Hormis cette année réussie à l’OM, sa seule saison pleine en Ligue 1 remonte à 2012-2013, soit il y a tout de même quatre ans. Thauvin était alors élu meilleur espoir de Ligue 1, toutes les caméras se braquaient sur le phénomène. À ce moment précis, la France pouvait légitimement imaginer Flo’Tov arriver sous peu dans la maison bleue. Dans la pratique, c’est à ce moment précis que l’énigme autour du joueur s’est posée, depuis ce jour où son désir de jouer pour Marseille s’est confronté à la volonté des dirigeants lillois. En une poignée de semaines, sa réputation de futur champion s’est transformée en celle d’un gamin têtu, irrespectueux, hautain. Des qualificatifs acerbes pour un jeune homme porté sur le devant la scène, et qui ne voulait pas laisser passer l’opportunité de jouer pour son club de cœur.
Quitte à apprendre dans la difficulté, Thauvin perd une partie de sa fan base, choisit l’OM et se coltine une concurrence déjà rodée entre André Ayew, Mathieu Valbuena et… Dimitri Payet, fraîchement arrivé du LOSC. Entre le Réunionnais et le natif d’Orléans, le courant passe d’ailleurs mal sur le terrain, voire très mal. Des insultes fusent entre les deux joueurs. Une guerre des ego qui existe aussi avec Valbuena. Les symptômes d’une saison compliquée à vivre pour le groupe d’un point de vue sportif. Sans Europe à la fin de la saison pendant que Lille termine troisième de Ligue 1, le pari pris par Thauvin semble perdu. Pogba et Digne s’envolent au Mondial 2014, le train passe. Le Phocéen goûte à la défaite très amère chez les Espoirs, éliminé par la Suède en barrages de l’Euro (2-0, 1-4). Dans le dur, Thauvin garde cependant le fil conducteur grâce à la confiance accordée par son nouvel entraîneur à l’OM, Marcelo Bielsa. À la suite du départ rocambolesque du coach argentin, le garçon fera partie des rares éléments à ne pas lui en tenir rigueur. « Je ne me permettrais pas de juger ou critiquer Marcelo Bielsa. C’est une personne qui m’a beaucoup apporté dans le football.(…)Je veux le remercier pour tout ce qu’il a fait. » Des mots doux en plein exil.
Va-et-vient, puis deviens
« Mon aventure avec l’OM se termine aujourd’hui. Elle ne se termine pas de la façon dont je l’aurais souhaité et je ne peux en aucun cas vous dire au revoir.(…)Je ne regrette pas les épreuves que j’ai dû surmonter pour jouer dans ce grand club qu’est l’Olympique de Marseille.(…)Le Vélodrome me marquera à vie. L’ambiance et votre soutien resteront gravés dans mon cœur. » Avant de partir pour l’Angleterre, Thauvin passait par Twitter pour témoigner de ses regrets, un peu, et de son amour pour l’OM, beaucoup. Forcé de quitter la cité phocéenne pour renflouer les caisses du club, l’ancien Grenoblois garde toujours un contact rapproché avec Vincent Labrune. Le président le sait, son ancien poulain perd en crédit du côté de Newcastle, mais sa passion olympienne reste toujours intacte. De quoi inciter les impatients Magpies à rétrocéder leur fraîche recrue contre onze millions d’euros. Thauvin revoit son salaire à la baisse, preuve de son attachement à Marseille, l’affaire est conclue.
Cette dévotion à l’OM, Thauvin est désormais en train de la prouver sur le terrain. Dix buts et six passes décisives toutes compétitions confondues, c’est mieux que lors de sa saison bastiaise. Avec plusieurs coups de génie en Ligue 1 cette saison, l’ailier pèse de plus en plus dans le jeu marseillais. Deschamps, dernier coach olympien à avoir décroché le titre, s’est décidé à tester l’homme dans la cour des très grands, pour voir. « C’est un joueur qui a vraiment des qualités spécifiques de par le poste où il joue, expliquait-il en conférence de presse. Il est capable de faire la différence, de faire marquer, de marquer. Il y a beaucoup plus de continuité dans ses performances. Il a eu un creux, mais là il est constant, il a de bonnes statistiques, et il évolue à un poste qu’il connaît bien, sur ce côté droit. » Lorsque l’on suit la recette à la lettre, le coq Thauvin ne déçoit jamais.
Par Antoine Donnarieix