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Le Coq et l’Ours, la story…
Le bilan historique des France-Russie penche du côté Popov. Mais les Bleus ont l’occasion ce mardi soir de se mettre à leur niveau en allant gagner à Saint-Pétersbourg. Retour sur 63 ans d’histoire de confrontations franco-russes.
Un héros soviétique nommé Yachine
Avant d’actionner la touche rewind, il faut d’abord faire un rappel juridico-historique. Comme le mentionne Wiki : « La Russie est l’héritière juridique et statistique de l’URSS. » Donc on peut amalgamer tous les matchs que la France a joué contre l’URSS, puis contre la Russie. À la différence de l’Allemagne qui intègre l’Allemagne actuelle, justement, ainsi que l’ancienne RFA, mais n’inclut pas la RDA. Du point de vue purement statistique, la Russie mène aux points : 18 matchs en tout, 5 victoires françaises, 6 défaites et 7 nuls avec 25 buts pour et 27 buts contre. Moralité : en gagnant ce soir avec deux buts d’écart, la France pourrait revenir à une égalité quasi parfaite avec les chapkas (il fera frais là-bas)… Pour la story proprement dite, il est étonnant de constater que le duel franco-russe a débuté tardivement en 1955 et qu’auparavant, les Bleus n’ont jamais affronté la Russie tsariste du début du XXe siècle, ni celle bolchevique de Lénine et de Staline. C’est sous Krouchtchev et sous la IVe République très anticommuniste que les deux pays se sont affrontés pour la première fois le dimanche 23 octobre 1955 au stade du Dynamo de Moscou. Un beau nul 2-2 a mis en évidence deux stratèges opposés et buteurs : le Français Kopa et le Russe Streltsov promis à de sévères persécutions politiques en 1958… On remit ça le 21 octobre 1956 à Colombes pour une victoire tricolore (2-1). La France découvrira ce jour-là un gardien qui fascine déjà en Occident, Lev Yachine. Deux jours plus tard éclatera l’insurrection hongroise matée par l’Armée rouge.
Il faudra attendre dix ans pour voir une troisième rencontre, toujours amicale, se tenir à Moscou le 5 juin 1966. Juste avant leur Mondial anglais complètement raté, les Bleus séduisent en ramenant un 3-3 remarquable décroché au stade Lénine. À cette époque, le poids du PCF et la politique d’ouverture à l’Est de De Gaulle présentent une URSS sous un jour favorable. Les sportifs soviétiques, dont les footballeurs, exercent une admiration incontestée : l’URSS a remporté l’Euro 1960 en France et Lev Yachine a gagné le Ballon d’or 1963, restant à ce jour le seul gardien lauréat. L’excellent Yachine était absent en juin 1966, mais il sera bien là en amical au Parc des Princes le 3 juin 1967, à la plus grande joie des amateurs de foot… et de l’humanité ! D’autant plus que les joueurs au maillot CCCP offrent une démonstration cinglante en gagnant 4-2. De retour de camps disciplinaires, Streltsov a même planté le dernier but pour les Rouges.
Les années Blokhine-Platini
Les deux confrontations suivantes n’ont rien d’amical, car elles ont pour cadre les qualifs de la Coupe du monde 1974 en RFA. Une équipe de France en plein marasme l’emporte pourtant 1-0 au Parc des Princes en octobre 1972. C’est le Vert Bereta qui marque d’un superbe coup franc lors d’un match disputé un vendredi 13 pour l’inauguration du nouveau Parc des Princes. Côté russe, la flèche Oleg Blokhine du Dynamo Kiev a séduit. Mais après avoir merdé contre l’Irlande du Nord, dans ce groupe à trois, les Bleus s’en iront mourir à Moscou (2-0, dont un but de Blokhine) le 26 mai 1973. Pas de Coupe du monde pour la France… ni pour l’URSS ! Refusant d’aller jouer le match de barrage retour au Chili, les Russes seront éliminés administrativement du Mondial allemand par la FIFA. Viendront ensuite trois matchs amicaux des années Platini. Un petit 0-0 au Parc le 8 octobre 1977. Un atroce 1-0 au stade Lénine le 23 mais 1980 avec un but punitif de Tcherenkov à la 85e. Seul intérêt du match : la découverte du jeune et superbe Rinat Dasaev, nouveau produit de la grande école russe des gardiens de but. Le 23 mars 1983, un autre nul 1-1 au Parc des Princes (but de Luis « jouor » Fernandez) sanctionne une rencontre où Platoche a été remplacé par Tigana à la mi-temps…
Arrive enfin le premier vrai sommet des France-URSS du 5 juin 1986 à Leon lors du Mundial mexicain. On joue en match de poule. Carré magique champion d’Europe 1984 (Giresse, Platini, Tigana et Fernandez) contre « super Dynamo Kiev » , magnifique vainqueur de la C2 qui compose l’essentiel d’une formation soviétique drivée même par Valeri Lobanovski, coach du club ukrainien. Grand match, évidemment ! Au missile du gauche de Rats (1-0 à la 54e), Fernandez répliquera par un but d’avant-centre en battant Dasaev d’un beau plat du pied sur une ouverture en cloche solaire de Gigi (1-1 à la 62e). Quel match ! Les deux équipes enquillent dès le 11 octobre 1986 pour un duel qualificatif à l’Euro 1988. Au Parc, malgré Platini, les Rouges surclassent les Bleus (0-2) grâce à leurs deux buteurs stars du Dynamo Kiev (le grand Belanov, Ballon d’or 1986, et l’impayable Rats). Au retour, le 9 septembre 1987 au stade Lénine, les jeux sont déjà faits et un nul 1-1 (tête de Touré) acte l’élimination des Bleus – troisièmes derrière l’URSS et la RDA – et la difficile période de l’après-Platini…
De Anelka à Coman
Il faut attendre le 28 juillet 1993 pour voir le premier véritable « France-Russie » après que la chute du Mur et la fin de l’URSS offrent une nouvelle dénomination à l’ancien empire des tsars. C’est une première historique pour Caen et son stade Michel-d’Ornano, hôte d’une rencontre facilement gagnée par la France de Gégé Houllier 3-1 (Sauzée, Cantona, Papin). Les Bleus iront aux USA pour le Mondial 1994, personne n’en doute à ce moment-là… Cinq ans plus tard, en revanche, la défaite tricolore du 25 mars 1998 à Moscou (1-0) est sans appel : non, les Bleus de Jacquet n’ont aucune chance de remporter leur Coupe du monde à domicile dans deux mois ! Amorphes, sans inspiration, ils ont concédé un but gag dès la 2e minute sur une cagade insensée de Letizi après une passe en retrait limite de Manu Petit. Ce match de la désolation marqué par le forfait de Zidane sera fatal à deux titulaires ce jour-là, Letizi et Lamouchi. Ils seront bazardés de Clairefontaine juste avant le Mondial finalement victorieux de la bande à Mémé. C’est son adjoint, Roger Lemerre, qui conduira les champions du monde 1998 renforcés par un super Anelka au premier succès français en terre russe le 10 octobre 1998 (2-3). Un vrai match qui compte, puisque dans le cadre des éliminatoires de l’Euro 2000 en Belgique-Pays-Bas.
Au stade Luzhniki, Nico Anelka, l’autre banni de Clairefontaine 1998, marque et fait marquer. Il récidivera en février 1999 pour un autre premier succès historique à Wembley (0-2). Au retour, le 5 juin 1999, les Bleus perdront face à la Russie contre toute attente dans leur Stade de France (2-3) : cette défaite met fin à une série de 27 matchs de compétition sans défaite, depuis le 17 novembre 1993 (France-Bulgarie). En fin de qualifs, les Bleus s’éviteront les barrages en profitant du 1-1 providentiel du Russie-Ukraine final, puis cingleront vers un triomphe à l’Euro 2000. L’amical France-Russie du 17 avril 2002 à Saint-Denis achevé sur un 0-0 est l’avant-dernier match de préparation du Mondial 2002. Ni ce match nul ni la défaite ensuite face à la Belgique (1-2), toujours au SdF, ne feront prendre conscience aux Bleus du péché de suffisance qui les fera gicler dès le premier tour de la Coupe du monde en Asie.
Enfin, dernier match en date : le chef-d’œuvre en amical du France-Russie du 29 mars 2016 au Stade de France (4-2). Dans la foulée du beau succès aux Pays-Bas (3-2), une France new look (Coman, Kante, Martial), jeune, offensive et enthousiaste, régale pendant 90 minutes. De ce jour, les Bleus passent au rang de favoris « très probables » avec l’Allemagne pour leur Euro à domicile. Kanté, Gignac, Payet et Coman ont marqué, preuve que les Bleus de DD ont de la réserve incroyable en attaque. Petit bémol : des sautes de concentration en défense qui ont permis à Kokorine et Zhirkov de battre Lloris. Un certain Eder saura en profiter à son tour au soir du 10 juillet 2016.
Par Chérif Ghemmour