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Le cœur d’Edin
Edin Džeko a battu ce week-end le record du nombre de buts inscrits par un joueur de la Roma sur une saison. De quoi permettre au numéro 9 de marquer de son empreinte l'histoire de la Louve. Une belle récompense pour un attaquant plus sensible qu'il n'y paraît, longtemps critiqué et moqué par les supporters giallorossi.
Pas une trace d’émotion sur son visage. Trois petits pas pour aller remercier son passeur, Mohamed Salah, puis une course tranquille pour revenir vers son camp. Edin Džeko vient d’inscrire face à Empoli son 33e pion en 2016-2017 et de battre le record de buts marqués sur une saison par un joueur de la Roma, mais le Bosnien ne laisse rien transparaître. Après le match, c’est pourtant avec un sourire XXL et les yeux qui pétillent qu’il répond aux journalistes de la télévision italienne. Preuve que l’ancien de Manchester City est un homme heureux à Rome. Signe aussi que, même s’il n’est pas toujours très expressif sur le pré, Edin Džeko est un sentimental.
Débuts chaotiques
Pourtant, avant de marcher sur la Serie A, le Bosnien a dû bouffer son pain noir lors de l’exercice 2015-2016. Après avoir suscité de gros espoirs en offrant le but de la victoire à la Louve face à la Juve lors de la deuxième journée de championnat, Edin se noie dans le grand bain de la Serie A. Régulièrement titularisé, il déçoit systématiquement en vendangeant des occasions à la pelle. Et devient la tête de Turc des tifoside la Louve, exaspérés de ses maladresses face aux cages. À tel point que l’ex « Bomber » de Wolfsburg se retrouve à jouer les jokers de luxe quand Luciano Spalletti reprend en main la Roma à la mi-janvier 2016. Un rôle que le Bosnien exècre et auquel il avait été réduit à Manchester City, ce qui l’avait incité à quitter le club anglais : « J’ai marqué beaucoup de buts en Allemagne… J’ai gagné le titre là-bas, et j’ai été meilleur buteur. Je n’ai jamais été un remplaçant et je ne le serai jamais. » Pourtant, à Rome, Edin se tait et attend patiemment son heure. Surtout, il a le mérite de reconnaître ses travers, sans langue de bois : « Ici, la vie est super, mais d’un point de vue footballistique, ma première année a été un peu plus difficile que prévu… Même en Allemagne et en Angleterre, mes premières saisons, j’ai eu… je ne dis pas des problèmes, mais il m’a fallu un peu de temps pour m’habituer à un nouveau championnat. Il se passe la même chose ici… Je suis sûr que je ferai beaucoup mieux l’an prochain. »
Une humilité qui lui vaut le soutien indéfectible des hommes forts de la Roma. Luciano Spalletti annonce dès le début de l’exercice 2016-2017 qu’il misera sur le Bosnien en pointe. Et De Rossi se charge de bâcher personnellement les supporters de la Louve qui continuent de critiquer la grande tige des Giallorossi. Début octobre, alors que Džeko inscrit le but de la victoire face à l’Inter en Serie A, le Capitan Futuro, traite carrément de « sacs à merde » certains supporters de sa propre équipe, coupables de s’en être pris un peu trop violemment à son pote Edin : « Qu’est-ce que j’ai dit aux fans ? Peut-être d’acheter le maillot de Džeko, mais en bosnien. Après un but, cela peut arriver. »
Buteur sensible
Un acte de foi qui fait mouche auprès du buteur, qui redevient peu à peu un prédateur de surface insatiable, dans la veine de ses plus belles années allemandes, du côté de Wolfsburg. Co-meilleur buteur de Serie A avec 23 pions, le Bosnien casse aussi la baraque en Europe, avec huit buts inscrits en autant de matchs de C3. Signe qu’il fallait sans doute à Edin Džeko une bonne dose d’amour pour enfin donner le meilleur de lui-même dans la Botte. Parce que, derrière ses airs de buteur mono expressif, Edin Džeko est un sentimental, un vrai. Un type qui, de son propre aveu, passait son temps au téléphone avec sa famille au début de sa carrière de joueur, lorsqu’il avait quitté sa Bosnie natale pour s’exiler deux saisons en Tchéquie. Un gars à la coule, un peu trop même pour Luciano Spalletti, qui aimerait bien le voir placer quelques saloperies de temps à autre sur le pré : « C’est quelqu’un de sensible, qui a un caractère particulier. Il ressent la responsabilité qui pèse sur lui, et quand les choses n’allaient pas bien avec la Roma, il a été le premier à être mal, mais quand il a commencé à montrer ses qualités… Il manque juste un peu de caractère, de méchanceté motivée par la concurrence, qui est cruciale dans le football italien. Oui, nous devons le rendre plus méchant. »
Finalement, le Bosnien n’aura pas eu besoin de se transformer en ersatz de Diego Costa pour marquer le football transalpin. Seulement de prendre confiance en lui et de faire du rab à l’entraînement : « J’ai fait un travail spécifique avec Spalletti. On s’est concentrés sur la finition des actions et ça ne peut que m’aider à m’améliorer. » Pari gagné. Sur une saison, Edin Džeko a fait mieux statistiquement que des légendes de la Louve comme Vincenzo Montella et Francesco Totti. Et si sa Roma va devoir s’employer ce mardi soir pour sortir la Lazio de la Coppa Italia après s’être inclinée deux à zéro à l’aller, elle reste à six points de la Juventus, à huit journées de la fin du championnat. La dernière fois que la Louve avait remporté la Serie A, c’était en 2001, avec un certain Gabriel Batistuta en pointe. Un autre grand gabarit avec un cœur d’artichaut, à qui Džeko est parfois comparé. Libre aux tifosiromains d’y voir un signe. Ou pas.
Par Adrien Candau
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