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- 9e journée
- Real Madrid/FC Barcelone
Le classe Isco
Toujours « joueur », rarement « footballeur », Isco a enfin fait sa mue. Plus concerné, plus affûté, le chouchou du Bernabéu répond enfin aux attentes de son protecteur Ancelotti. Avec un Bale forfait, il sera titulaire pour ce Clásico. Et pas par défaut.
Tête haute, buste droit, cul bombé, conduite extérieure… Sur un terrain de football, Isco est une synthèse de l’élégance. Son touché et sa vista, son joli minois et ses manières proprettes lui offrent une certaine unanimité auprès des connaisseurs, amatrices, anciens joueurs, entraîneurs… Isco plaît à tout le monde. Un consensus que ne partageait pas, jusque-là, Carlo Ancelotti. Mais ça, c’était avant. Avant Anfield. Avant cette démonstration de force durant un premier acte magnifique.
En l’espace de 90 minutes, le toujours jeune Francisco Román Alarcón Suárez, alias Isco, a prouvé que son élégance pouvait se coupler à de l’efficacité. Décisif, de par son travail défensif, son harcèlement permanent sur Glen Johnson, sa capacité à enchaîner les efforts, il a enfin répondu aux attentes de son coach. Un coach qui l’a couvé depuis son arrivée sans pour autant lui faire le moindre cadeau. Pour Carlito, Isco relevait plus de l’esthète que du joueur de football. Toujours prompt à lever le Bernabéu, il est désormais prêt « à courir encore plus que les autres » .
Le cadeau de Carlo à Florentino
94 minutes. Depuis son arrivée à l’été 2013 en provenance de Málaga, Isco n’a disputé, en cumulé, que l’équivalent d’un match face au FC Barcelone. Un manque d’expérience en Clásico qui s’explique autant par son âge que par ses carences tactiques. Aussi talentueux soit-il, le nouveau gendre idéal espagnol a débarqué au Real fort de son statut de Golden Boy 2012. Une dernière saison à la Rosaleda durant laquelle il avait épaté son monde en Ligue des champions. Manuel Pellegrini en avait fait son meneur de jeu, lui offrant une totale liberté de mouvements et lui enlevant toute charge défensive. Ses débuts au Bernabéu sont mêmes tonitruants. En verve, il est de suite décisif et est adopté par l’antre merengue. Florentino Pérez, du haut de son perchoir, y voit la future star du terroir espagnol. De décisions tactiques en choix sur la forme du moment, Ancelotti pousse peu à peu le jeune Isco sous la guérite. Comme l’explique Diego Torres, journaliste au Pais, « le transfert de James a été incompréhensible pour l’entraîneur, tout comme celui d’Isco avant lui » .
Carlo Ancelotti n’a jamais remis en cause le talent du minot. Obsédé par l’équilibre de son onze, l’Italien n’a pu composer avec un Isco sur courant alternatif : dans son 4-3-3, pas de place pour un meneur de jeu. Forcément, cette mise au banc a agacé le big boss de la Casa Blanca. Lors du dernier été, le roi du BTP espagnol a alors déstructuré la colonne vertébrale de la Décima. Exit Xabi Alonso et Di María, bonjour Kroos et James. Sans son gobelin argentin, Carlo a dû recomposer avec de nouveaux hommes, un nouveau système. De retour à la mode, le 4-4-2 offre une place de choix à Cristiano Ronaldo et décharge James du travail tout-terrain autrefois dévolu à Di María. Isco, lui, doit patienter dans l’ombre. Chance du débutant ou pas, la blessure de Gareth Bale avant le déplacement à Levante lui permet de se montrer. Enfin. « À la Ciutat de Valencia, sans le Gallois, il s’est adapté à un milieu de terrain plus dense qu’à l’accoutumée avec Kroos, James et Modrić, poursuit Diego Torres. Le résultat : un Real plus harmonieux » . La partition d’Anfield plus tard, Isco a définitivement convaincu son entraîneur. Un coach qui offre par là même, avec cette titularisation, un joli cadeau à Florentino.
Roulez jeunesse
Ce changement tactique n’est pas le seul facteur d’explication de ce retour en grâce. Plutôt que de se résigner et larmoyer, Isco a bossé. Il a su se faire violence, s’adapter, ronger son frein. Plus à même d’intégrer ce 4-4-2 new-look, il a gagné en endurance et en volume de jeu. À l’instar de son coéquipier James, qui occupe le flan gauche du milieu madridista, l’international espagnol a appris à défendre. Mieux, la blessure de Bale permet à ce Real de disposer de deux joueurs au profil plus ou moins semblable. Deux larrons qui offrent, donc, un équilibre entre côtés droit et gauche et quelques caviars pour les deux pointes, Ronaldo et Benzema. « Actuellement, Isco joue mieux, avec plus d’efficacité et il se sent bien physiquement. Il va faire un grand match demain au niveau physique » , a prévenu hier en conférence de presse Carlo Ancelotti. Un avis partagé par l’intéressé : « Les choses se passent bien pour moi. Je suis à l’aise, je défends et je vole des ballons. S’il faut courir, je courrai encore plus que les autres. » De l’adolescence dorée à l’âge adulte équilibré, il n’y a plus qu’un Clásico pour le prouver.
Par Robin Delorme, à Madrid