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Le Chili, maintenant ou jamais !
Pour la première fois de son histoire ou presque, le Chili aborde une compétition dans la position de quasi-favori. Une aubaine, mais aussi un poids pour un groupe de joueurs à la croisée des chemins. D'autant que derrière la génération dorée, c'est le vide.
Jorge Sampaoli ne sourit jamais. Pourtant, le 25 novembre dernier à Vina Del Mar, derrière la casquette et le masque de façade, le sélectionneur chilien s’est réjoui. Intérieurement, sans rien laisser paraître, mais quand même. Après deux coupes du monde aux tirages au sort infernaux, (Espagne, Suisse et Brésil en huitièmes en 2010, puis Espagne, Pays-Bas et à nouveau Brésil en 2014), le Chili a bénéficié d’un groupe franchement clément pour cette Copa América 2015. Pas d’outsider colombien, ou d’Uruguay accrocheur, mais l’Équateur, le Mexique bis et le bonnet d’âne continental, la Bolivie. Une chance au grattage qui, en allant plus loin, permet sans doute d’éviter un gros en quarts. À condition de sortir premier.
Moins bien que le Pérou et la Bolivie
Pour la génération lentement façonnée par Sulantay, amenée au plus haut niveau par Bielsa et affinée par Sampaoli, l’opportunité est à saisir. Pour faire mieux que Salas et Zamorano, mais aussi pour enfin rapporter un titre au pays. Le palmarès de la Roja est épais comme un sandwich SNCF en comparaison de celui des rivaux sud-américains. Une troisième place lors de la lointaine Coupe du monde 1962 organisée à domicile et une breloque bronzée obtenue lors des J.O de Sydney, mais surtout aucune Copa América alors que même le Pérou et la Bolivie affichent le trophée à leur palmarès.
Autant dire qu’à Santiago, les attentes sont grandes. Les déclarations des joueurs sont d’ailleurs au diapason, quand Arturo Vidal avance en guerrier – « Nous nous battrons jusqu’au bout, je sens que c’est le moment de gagner quelque chose d’important » -, Alexis Sánchez dit lui en conférence de presse : « L’équipe est en forme avec une expérience différente après avoir joué deux Coupes du monde. Ce groupe va gagner la Copa América, le moment est venu de faire de grandes choses. » Les fans concentrés aux abords du centre d’entraînement de Juan Pinto Duran, bunkerisé par Sampaoli, répondent en écho et en prenant moins de pincettes : « C’est maintenant ou jamais ! »
Rien à l’horizon
Car derrière la méthode Coué, il y a surtout la certitude que la génération actuelle est quelque part entre le sommet de son art et ce que l’on appelle le début du déclin. Certes, Sánchez a sans doute effectué la meilleure saison de sa carrière avec Arsenal, Medel est indiscutable avec l’Inter, Vidal arrive en bien meilleure forme physique que l’an passé lors de la Coupe du monde, et Bravo vient d’être élu meilleur gardien de la Liga. Mais des éléments comme Valdivia ou Pizarro sont eux déjà au crépuscule de leur carrière. D’ailleurs, le Chili a la moyenne d’âge la plus élevée de la compétition. Et d’assez loin : 28,4 ans. Ce vieillissement des cadres inquiète, surtout si l’on considère le manque de relève.
Derrière eux : le néant. Aucun joueur chilien de moins de 25 ans n’est titulaire dans les grands championnats européens. Sampaoli a été abondamment critiqué lorsqu’il a appelé les grognards Claudio Pizarro, Mauricio Pinilla ou encore Jean Beausejour. On l’a accusé de favoritisme, quand il a convoqué Pepe Rojas, son libéro de l’Universidad de Chile. Un joueur très moyen, surnommé ironiquement « Pepenbauer » par ses détracteurs. Mais la vérité est qu’il avait très peu d’autres choix. Un motif de préoccupation colossal pour José Sulantay qui a fait grandir la génération actuelle : « Il n’y a pas de relève. Le problème, c’est que nos équipes de jeunes sont faibles, cette génération a disputé le Mondial des jeunes en 2005 et 2007, elle a pu s’aguerrir. J’ai peur que, derrière eux, on ne connaisse une période de disette. C’est sans doute le moment idéal pour gagner quelque chose. »
Dissiper les doutes
C’est sans doute pour cela que l’Argentin débutera le tournoi avec 11 hommes présents lors du Mondial. Un groupe expérimenté, solide, conscient de sa tâche et avec tout de même pas mal de talent. Mais surtout un groupe d’hommes conscients d’avoir rendez-vous avec leur destin. Il y a 99 ans, la première Copa América se disputait à Buenos Aires avec quatre équipes : l’Uruguay, l’Argentine, le Brésil et le Chili. Depuis, la Celeste a remporté 15 fois le trophée, l’Albiceleste 14 et l’Auriverde 8. Contre 0 pour la Roja. Au moment d’entrer sur le terrain effervescent de l’Estadio Nacional cette nuit face à l’Équateur, Claudio Bravo et ses coéquipiers y penseront sans doute un peu.
Par Arthur Jeanne