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Le Chili doit y croire

Par Arthur Jeanne, à Santiago de Chile
Le Chili doit y croire

Depuis 2010, le Chili enchaîne les premiers tours flamboyants, enchante les commentateurs de tout bord, au point de faire figure d'épouvantail, avant de flancher dès le premier match couperet. Du coup, le pays, oscillant entre doute et foi, ne sait pas trop sur quel pied danser. Pourtant, c'est bien l'occasion ou jamais de rompre avec la malédiction.

Voilà trois jours que l’on sait que la Roja devra affronter l’Uruguay en quarts de finale de la Copa América. Depuis, les analyses péremptoires fleurissent dans les médias chiliens. On y lit notamment que la défense chilienne sera un peu courte sur pattes face aux spécialistes du jeu aérien uruguayens, avec des infographies détaillées sur la différence de centimètres entre les hommes de Sampaoli et ceux de Tabárez. On y apprend aussi qu’il faut toujours se méfier de la garra charrúa. Quelle nouvelle ! La télé, elle, diffuse en boucle des vidéos des dernières Copa América de la Celeste. Avec cette miscellanée indispensable à prendre en compte : les Orientaux sont les spécialistes pour ruiner la fête des locaux. Contre le Paraguay en 1999, le Venezuela en 2007 et enfin l’Argentine en 2011, des équipes qu’ils ont éliminées chez elles. Des statistiques inquiétantes, certes, mais qui ne devraient pas empêcher le Chili d’aborder le match en position de favori. Pourtant, si tout le pays espère la victoire, il semble aussi paradoxalement se préparer à une défaite qui, en vertu, de l’histoire des deux pays, ne lui semblerait pas illogique. Et tant pis si l’Uruguay, privé de Suárez, a réalisé un premier tour très moyen et semble avoir du mal à renouveler sa génération dorée. Tant pis aussi si le Chili a réalisé une phase de poules quasi parfaite, dans un groupe certes facile. Oui, à en croire les Chiliens, l’Uruguay est favori.

À 5 centimètres de la gloire

Il faut dire qu’à Santiago, on vit le foot de manière très intense, mais on le vit aussi avec insécurité en dépit des fanfaronnades. On reste plein de complexes à l’égard de l’Argentine et du Brésil (voire de l’Uruguay). Il est vrai que l’historique de la Roja face aux épouvantails continentaux n’est pas glorieux. Le Chili n’a jamais battu l’Albiceleste en phase finale de compétition internationale et n’a pas vaincu le Brésil en match officiel depuis 2000. Il faut penser aussi que, jusqu’à présent, malgré tout le bien que l’on a dit de ce Chili, il n’a pas eu grand-chose à fêter si ce n’est des qualifications en Coupe du monde (2010, 2014) et des victoires de prestige en phases de poules (face à l’Espagne, notamment). La sélection vit de triomphes moraux : celui d’avoir déployé le plus beau jeu du premier tour du Mondial en 2010, un jeu sans peur et sans reproches, sans calcul et plein d’audace quelles qu’en soient les conséquences (en l’occurrence une claque reçue 3-0 face au Brésil en huitièmes). Celui d’avoir regardé le Brésil dans les yeux l’an passé, d’être passé à cinq centimètres de la gloire, d’être sorti à bout de souffle et en larmes après avoir offert ce que l’on pourrait appeler une leçon d’héroïsme.

Une vision romantique du jeu, hélas balayée par les chiffres. Depuis 2010, le Chili, ce ne sont que deux huitièmes de finale de Coupe du monde et un quart de Copa América. Soit trois éliminations lors des matchs couperets, à chaque fois après avoir brillamment passé les poules. Une paille face à la constance uruguayenne. Et surtout rien qui n’empêche les Argentins de chanter « Chi-chi-chi, le-le-le, en el mapa no se ve » ( « Chili sur la carte on ne te voit pas » ). Sans doute pour cela qu’ici, on hésite continuellement entre la foi en ce qui constitue la meilleure équipe de l’histoire nationale et le doute qui naît du comportement inapproprié des idoles, mais aussi de l’histoire récente dans les tournois internationaux. De fait, le pays entier est inconstant par rapport à sa sélection. Aussi prompt à s’enflammer, qu’à critiquer son équipe. À Santiago, il y a même un mot pour cela : « chaquetero » , spécialiste du retournement de veste. Un revirement sensible a d’ailleurs été perçu lors du match face à la Bolivie. Avant le match, l’ambiance était relativement tiède. Après, des milliers de personne se sont retrouvées sur la Plaza Italia pour fêter le « triomphe » face à la Bolivie. Certes, la victoire était belle, mais en Argentine ou en Uruguay, personne ne l’aurait célébrée.

Une malédiction de 99 ans

Reste que le Chili a un vrai rendez-vous avec l’histoire. L’opportunité que l’on percevait déjà en début de compétition est encore plus visible depuis que le tableau s’est ouvert. Dans son édito, le journaliste Cristobal Guarello exprime parfaitement cette opportunité en or, que la Roja se doit de convertir : « Il y a des millions de gens qui croient en vous corps et âme. Qui peuvent raconter leurs histoires semblables de frustrations, pauvreté et d’humiliations, mais qui ne reçoivent jamais une récompense dans cette vie. Qui luttent chaque jour contre les dettes, les salaires trop bas et les retraites de merde. Ce sont ceux qui ne peuvent pas venir vous voir jouer, car ils n’ont pas assez d’argent pour s’offrir un ticket. Ceux qui défendent Vidal et lui pardonnent ce qu’ils ne pardonneraient pas à un fils ou à un frère. Ceux qui n’ont pas pu dormir jusqu’à 6 heures du matin quand Pinilla a fait trembler la barre. Ceux qui sont fans de la Juve ou d’Arsenal, parce que qu’ils vous voient comme une projection de leur identité sur ces terrains lointains pour représenter leurs noms anonymes. Ceux qui se collent à la télévision dans un salon perdu, dans un des multiples quartiers, dont on parle uniquement quand il y a un meurtre ou du trafic de drogues. Ceux-là méritent que vous répondiez sur le terrain, que vous profitiez de l’occasion en or que vous avez maintenant, la meilleure de toute l’histoire du football chilien. Vous avez tout pour gagner la Copa América : vous êtes à la maison contre l’Uruguay sans Suárez, et ensuite vous jouerez contre la Bolivie ou le Pérou, c’est-à-dire que vous n’avez rien à faire d’inhumain pour au moins arriver en finale. Il n’y a pas de blessés, pas de suspendus. On a enlevé Neymar au Brésil, la Colombie joue mal, le Paraguay a une volonté d’or, mais c’est tout, et l’Argentine n’est pas encore apparue. En plus, ceux-là s’entre-tuent de l’autre coté du tableau. Laissons les euphémismes de côté, cette Copa a été pensée, programmée et réalisée pour que le Chili vainque une malédiction de 99 ans. » Tout est dit.

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